Chapitre 16

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La nuit précédente flottait encore autour de moi, fragile et douce.
Le silence partagé, les mots tus, les fantômes évoqués en silence — tout cela semblait s’être gravé quelque part, dans un coin de mon esprit où je ne voulais pas trop fouiller.
Pourtant, le jour avançait, implacable.

Je me levai, sentant le poids des heures lourdes peser sur mes épaules, et me préparai à affronter cette journée comme si rien n’avait changé.

Je retrouvai Noah assis sur le canapé, en train de boire son café, déjà vêtu de son uniforme. Le voir dans cette tenue me procura une sensation étrange dans le ventre.

Quand il s’aperçut que j’étais là, que je le regardais avec insistance, il afficha un large sourire et me dit :

— La vue te plaît ?

Je sentis mes joues chauffer et détournai rapidement les yeux. Il gloussa, un son presque moqueur, puis me dit, d’un ton léger mais sincère :

— Fais comme chez toi. Tu peux te faire un café ou un thé, si tu veux.

Je partis en direction de la cuisine, le cœur un peu trop lourd pour la journée qui m’attendait. J’en préparai un café, noir et amer, comme mes pensées.

Quelques minutes plus tard, je m’installai à ses côtés sur le canapé. La pièce était plongée dans un silence étrange — pas pesant, non, plutôt... réconfortant, comme un refuge fragile au milieu du chaos.

Noah brisa enfin ce silence, sa voix basse perçant l’air :

— Tu veux qu’on fasse comment pour le travail ? Tu préfères qu’on arrive séparément ?

Je pris le temps de réfléchir un instant avant de lui répondre :

— J’aimerais bien qu’on fasse le trajet ensemble. J’ai pas envie de tomber sur Tom par hasard. Mais une fois arrivés à proximité du commissariat, on pourrait y aller séparément, pour éviter qu’on parle de nous.

Noah me sourit et répondit :

— Ça me va. Et t’inquiète pas, je veillerai sur toi.

Il ne se rendait pas compte de l’impact que ces mots avaient sur moi. Il me réconfortait, me rassurait.

Je partis déposer ma tasse dans l’évier et pris mon sac. Mince, il faudra que je passe à mon ancien appartement pour récupérer mes affaires… et Athéna, je ne peux pas la laisser là-bas. Mais je dois aussi me trouver un nouveau logement.

Plus je réfléchissais à tout ça, plus je sentais mon angoisse monter.

Noah arriva devant moi et commença à me parler, mais je n’entendais plus rien. Ma respiration devenait de plus en plus difficile, ma vue s’embrumait. Noah essaya de reproduire la même chose que la fois où nous nous étions retrouvés dans le placard, mais cette fois, ça ne fonctionnait pas.

Mon cœur battait de plus en plus fort. Ma respiration était devenue cahotique, et je ne voyais plus rien. Noah continuait d’essayer de me parler, mais ses mots se perdaient dans un brouillard silencieux.

Au bout de quelques minutes, sans que je m’en rende compte, je sentis Noah déposer ses lèvres sur les miennes.

Noah se recula légèrement, son front posé contre le mien, cherchant mes yeux dans le flou.

— J’ai entendu dire… que si quelqu’un fait une crise d’angoisse, l’embrasser peut couper sa respiration juste assez pour l’aider à se recentrer.

Il baissa la voix, presque un murmure, comme s’il partageait un secret fragile.

— C’est un truc que j’ai vu dans une série… Teen Wolf, je crois. Oui, je sais, c’est pas très scientifique, mais bon, ça a marché, non ?

Je laissai échapper un petit rire, malgré moi.

— Alors c’est officiel, je suis sauvée par Teen Wolf. Je devrais peut-être m’abonner à cette série.

Noah sourit, amusé.

— Promis, je t’éviterai les loups-garous, mais si ça t’aide à respirer mieux, je suis prêt à tout essayer.

Le sourire de Noah s’effaça doucement, et son regard devint plus sérieux, plus attentif.

— Dis-moi… qu’est-ce qui t’a mise dans cet état ?

Je baissai les yeux, incapable d’en parler tout de suite. Mais sa présence, sa douceur, me donnaient un peu de courage.

— C’est… compliqué, soufflai-je enfin. C’est comme si tout ce que j’ai enfoui depuis longtemps remontait d’un coup.

Il hocha la tête, sans insister.

— Prends ton temps. Je suis là.

Le silence qui suivit n’était plus lourd, mais chargé d’une promesse implicite : celle que je ne serais pas seule.

Je pris une grande inspiration, tentant de calmer les battements affolés de mon cœur.

— C’est… Tom, commençai-je à voix basse. Tout ce qu’il a fait, tout ce qu’il m’a pris. Parfois, j’ai l’impression que je ne m’en sortirai jamais.

Noah serra doucement ma main, son regard rempli de compassion.

— Je sais que c’est dur, Lexie. Mais tu n’es pas seule. Pas avec moi.

Je levai les yeux vers lui, mes lèvres tremblantes.

— J’aimerais pouvoir croire ça.

Il hocha lentement la tête.

— Ça prendra du temps. Mais on fera ça ensemble.

Je me laissai aller contre lui, trouvant dans sa présence une force que je ne pensais plus avoir.

Noah consulta rapidement sa montre, puis grimaça.

— Merde… on va être à la bourre.

Il se redressa doucement, mais garda encore un instant sa main dans la mienne.

— Je dois filer, sinon on va arriver après l’appel. T’es prête ?

Je hochai la tête, essuyant discrètement mes yeux du revers de la manche.

— Oui… enfin, presque. Je passe récupérer mes affaires après le boulot, si j’en ai le courage.

Il attrapa ses clés sur la table et me lança un regard qui mêlait douceur et détermination.

— Tu veux que je vienne avec toi ce soir ? Pour l’appart ?

Je fus surprise par sa proposition, mais surtout touchée.

— T’as pas peur que ce soit un peu trop… tôt ?

Il haussa les épaules avec un petit sourire en coin.

— On bosse ensemble, on vit presque ensemble, et j’ai littéralement utilisé une technique de Teen Wolf pour t’aider à respirer. Je pense qu’on a passé le cap du “trop tôt”.

Je ris malgré moi. Il m’offrait cette légèreté dont j’avais besoin.

— D’accord. Ce soir, alors.

— Allez, on se retrouve dehors dans cinq minutes. Et essaie de pas te faire virer dès le premier mois, ok ?

Il me lança un clin d’œil et disparut dans le couloir.

Je restai seule un instant, le cœur encore un peu serré, mais plus stable. J’allais avancer. Pas à pas. Avec lui, peut-être.

La journée au commissariat s’était écoulée comme dans un rêve étrange, presque irréel. Les visages, les voix, les bruits de fond… tout me paraissait lointain, comme étouffé derrière une vitre. Je m’étais forcée à tenir bon, à rester concentrée. Mais au fond, je comptais les heures. Celles qui me rapprochaient de ce moment que je redoutais.

Le moment où je devrais revenir là-bas.

Le soleil déclinait à l’horizon quand Noah arrêta la voiture devant l’immeuble. Je reconnus aussitôt la façade : ce gris terne, ce balcon au fer rouillé, ces vitres derrière lesquelles j’avais passé tant de nuits à me demander comment m’échapper.

— Tu es sûre de vouloir entrer seule ? demanda-t-il doucement, les mains toujours sur le volant.

Je restai silencieuse un moment, les yeux rivés sur la porte d’entrée. Mon cœur battait plus fort que quelques heures plus tôt. Parce qu’ici, tout était chargé. Chaque brique, chaque escalier, chaque ombre.

— Non, répondis-je dans un souffle. Viens avec moi.

Noah hocha la tête et coupa le contact sans discuter. Il descendit du véhicule et m’ouvrit la portière, comme s’il voulait me protéger jusqu’au bout.

Ensemble, nous franchîmes les quelques marches qui menaient à l’immeuble. J’avais l’impression de gravir une montagne.

À l’intérieur, tout était resté figé. Le même air stagnant. Les mêmes murs trop blancs. Et ce silence… ce silence tendu que je connaissais par cœur.

Je pris une inspiration et déverrouillai la porte de mon appartement. Elle s’ouvrit dans un grincement sec, comme si elle protestait elle aussi.

Athéna surgit aussitôt, ses petits pas rapides résonnant sur le parquet. Elle miaula en me voyant, et cette simple présence me fit monter les larmes aux yeux.

Je me baissai pour la prendre dans mes bras, m’accrochant à elle comme à une bouée.

— Salut, ma puce… t’es toujours là, toi…

Derrière moi, Noah resta en retrait, les mains dans les poches, observant la scène sans un mot. Quand il vit la petite bouille d’Athéna, il demanda avec un sourire surpris :

— Tu m’avais pas dit que tu avais un adorable petit chat ?

Je relevai la tête, Athéna toujours dans mes bras, ses pattes posées sur mon épaule.

— Je crois que j’étais un peu distraite ces derniers jours…

Il s’approcha doucement et tendit une main pour la caresser. Athéna, fidèle à elle-même, lui renifla les doigts avant de frotter sa tête contre sa paume avec un petit ronron satisfait.

— Elle t’aime bien, fis-je remarquer, un sourire timide aux lèvres.

— Normal, répondit-il, faussement modeste. Les chats ont un excellent instinct.

Je roulai des yeux mais son humour fit un bien fou. Pour quelques secondes, la tension dans ma poitrine se relâcha légèrement.

Je posai doucement Athéna au sol, et elle fila entre les meubles comme si elle reprenait possession de son royaume. Mon regard, lui, s’arrêta sur les objets restés là, exactement comme je les avais laissés.

Une tasse fêlée sur la table basse. Un coussin jeté de travers sur le canapé. Un manteau sur le dossier d’une chaise. Tout portait encore la trace de mon ancienne vie… et de lui.

Je sentis mon souffle se raccourcir. Un frisson remonta le long de ma colonne.

Noah s’approcha à nouveau, plus doucement cette fois, son regard posé sur moi.

— Qu’est-ce qui t’a mise dans cet état ce matin, Lexie ? demanda-t-il, sa voix redevenue sérieuse, presque grave.

Je baissai les yeux, incapable de soutenir son regard trop longtemps.

— C’est tout, murmurai-je. L’appartement. Les souvenirs. L’idée de devoir revenir ici, même juste pour récupérer mes affaires… ça m’a submergée. Et je crois que j’ai réalisé à quel point tout ça m’avait détruite.

Il ne répondit pas tout de suite. Il se contenta de poser une main légère sur mon bras, un ancrage discret.

— Tu n’es pas seule, dit-il simplement. T’as pas à affronter ça toute seule.

Cette fois, je ne détournai pas les yeux. Je le regardai, vraiment, et quelque chose dans son regard me donna la force de respirer un peu plus profondément.

Je hochai doucement la tête.

— Merci… d’être là.

— Toujours, répondit-il, sans détour.

Je soufflai doucement, soulagée… mais une inquiétude persistait. Je baissai les yeux vers Athéna, blottie contre ma jambe, puis relevai la tête vers Noah, un peu hésitante.

— Merde, je t’ai même pas demandé… ça te dérange pas que je prenne Athéna chez toi ? Et t’inquiète pas, je resterai pas longtemps. Je vais vite me trouver un nouvel appart.

Noah fronça les sourcils, puis secoua doucement la tête, comme si mes mots l’avaient presque vexé.

— Eh, Lexie… t’inquiète pas. Prends le temps qu’il faut. Y a pas de pression, d’accord ? Et bien sûr qu’on prend la petite boule de poils avec nous. Pas question de la laisser là avec ton ex.

Je laissai échapper un rire discret, un peu nerveux mais sincère.

— Elle ronronne déjà rien qu’en entendant ta voix… c’est mauvais signe, elle t’a dans la peau.

Il haussa un sourcil, faussement fier.

— Je suis irrésistible, même pour les félins. C’est mon autre super-pouvoir.

— Après celui de repérer les pancakes à travers les murs ?

— Exactement.

Un sourire étira mes lèvres malgré la tension ambiante. Et pendant une seconde, ce moment-là — simple, rassurant — effaça un peu le poids de tout le reste.

Je savais que rien n’était réglé. Pas vraiment. Mais avec Athéna dans mes bras et Noah pas loin, j’ai senti quelque chose bouger en moi. Comme si, pour une fois, j’avais le droit d’y croire un peu.

*****

Tu es arrivé(e) jusqu’ici, et ça me fait super plaisir

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La suite arrive vite, reste dans les parages !

— Sacha

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