Chapitre 18

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Une clé tourna dans la serrure.

Je me figeai, le cœur en feu dans ma poitrine.

— Merde, souffla Noah. Il rentre.

J’eus à peine le temps de claquer l’ordinateur portable et de le replacer dans le tiroir que j’entendis la porte d’entrée s’ouvrir avec un cliquetis sec. Trop tard.

— Par la fenêtre, murmurai-je. La cage d’escalier de service est juste en face. Si elle est encore ouverte…

On se précipita dans le couloir sombre. J’entendis le grincement caractéristique de ses pas sur le parquet. Il était là. À quelques mètres. Mon souffle se bloqua.

— Lexie ? appela-t-il. Sa voix traînait, trop calme. Comme s’il savait.

Je tirai doucement la porte de la salle de bain et y glissai Noah. Une seule idée en tête : gagner du temps.

— Reste là. S’il me voit seule, il sera moins sur ses gardes.

— Lexie…

— Fais-moi confiance.

Je refermai doucement la porte, mon cœur battant à m’en faire exploser la cage thoracique.

— Qu’est-ce que tu fous ici ? lança Tom, en apparaissant au bout du couloir.

Je me retournai lentement. Mon visage était neutre. Je me forçai à ne pas trembler.

— Je voulais juste récupérer une dernière affaire. Un vieux carnet. Rien d’important.

Il plissa les yeux.

— T’es entrée comme une voleuse ?

— J’avais encore une clé, tu t’en souviens ?

Silence. Je savais qu’il ne me croyait pas.

— Et tu es toute seule ?

— Tu crois quoi ? que j’organise des visites guidées ?

Il s’approcha, lentement. Le couloir sembla rétrécir autour de moi. Mon estomac se noua.

— T’as fouillé mes affaires ? demanda-t-il, la voix douce, presque moqueuse.

— Non. Juste pris ce que j’étais venue chercher.

Il sourit, et c’est ce sourire-là qui me glaça. Il n’était pas surpris. Il savait. Ou il devinait.

Puis, sans prévenir, il avança d’un pas brusque.

— Tu veux peut-être rester un peu ? Qu’on discute calmement ?

Je reculai, cherchant une échappatoire.

— J’ai pas le temps, Tom.

— Dommage.

Il fit un pas. Instinctivement, je reculai. Mon dos heurta le mur derrière moi. Il n’y avait plus d’échappatoire.

Tom tendit la main — pas pour me toucher, pas encore, mais comme s’il s’apprêtait à refermer une porte invisible entre nous. Son regard s'était durci, glacé. Il savourait l’instant.

Un battement de cœur. Puis un autre.

Et soudain, une voix claqua derrière moi, nette, assurée, implacable :

— Elle rentre avec moi.

Tom se figea.

Noah venait d’apparaître dans l’embrasure de la porte, le regard droit, l’épaule légèrement en avant, comme s’il occupait déjà tout l’espace.

Il n’était plus le garçon hésitant de tout à l’heure. Sa voix ne tremblait pas. Il était calme. Trop calme. Un calme qui disait : essaie seulement.

Et cette fois, pour la première fois, Tom sembla réellement vaciller.

Il cligna des yeux. Juste une fraction de seconde, mais je la vis — la fissure dans le masque.

— Ah, je vois, fit-il en croisant les bras. Tu n’as pas perdu de temps pour me remplacer à ce que je vois.

Ma gorge se serra. Je voulais parler, dire quelque chose, n’importe quoi — mais aucun son ne sortit.

Ce ton. Ce regard. Je les connaissais. Et je savais ce qu’ils annonçaient.

Noah se plaça un peu plus devant moi, comme un rempart. Il ne le quittait pas des yeux.

— Reculons doucement, murmura-t-il, sans tourner la tête. Ne lui tourne pas le dos.

Je suivis, centimètre par centimètre, incapable de détacher mes yeux de Tom. Mon cœur battait si fort que je sentais le sol vibrer sous mes pieds.

— Tu crois vraiment que tu vas t’en tirer comme ça ? cracha Tom.

— Tu vas me fuir ? Encore ?

Il fit un pas dans notre direction.

— Lexie, revie—

— Non ! Ma voix était sortie plus fort que je ne l’aurais cru. Instinctive. Panique pure.

Tom tendit la main. Il n’était plus qu’à deux mètres. Je reculai trop vite, manquai de trébucher.

— Ne la touche pas, gronda Noah.

Ce n’était pas une menace. C’était un ordre.

Tom s’arrêta net. Son regard se posa sur Noah, lourd de défi.

— Tu crois que tu peux me barrer la route, toi ?

Et soudain, il bougea — rapide, brutal. Il attrapa l’épaule de Noah.

Mauvaise idée.

En une seconde, Noah le repoussa violemment contre le mur. Pas un coup de poing. Juste un mouvement sec, ferme, d’une précision chirurgicale.

Tom heurta la cloison dans un bruit sourd.
Il grimaça. Mais ce qui me glaça, ce fut son regard : pas de douleur, juste de la rage contenue.

— La prochaine fois, ce ne sera pas aussi doux, souffla Noah.

Il m’attrapa la main, fermement, et m’entraîna vers la porte. Cette fois, je le suivis sans un mot. Mes jambes tremblaient, mais elles avançaient.

En sortant, je me retournai une dernière fois.

Tom était là, debout dans le couloir, le dos au mur. Silencieux.

Et pour la première fois, je n’étais pas sûre de ce qu’il ferait. Mais je savais ce que moi, je ne ferais plus : revenir.

L’air frais me frappa au visage dès que la porte de l’immeuble claqua derrière nous. Mais je ne respirai pas. Pas encore.

Noah ne parla pas durant tout le trajet. Il ne me lâcha pas la main non plus.

Le silence n’était pas vide. Il était rempli de tout ce qu’on ne savait pas dire.

Une fois chez lui, il referma doucement la porte, comme si le moindre bruit pouvait nous briser. Il enleva ses chaussures, puis me regarda. J’étais toujours debout, là, dans l’entrée, incapable de bouger.

— Assieds-toi, dit-il simplement.

Je hochai la tête, sans le faire. Mon corps ne répondait plus. Il revint quelques secondes plus tard avec un verre d’eau.

— Bois un peu.

Mes mains tremblaient. Il le vit. Il posa le verre sur la table basse, puis s’assit à côté de moi. Pas trop près. Juste assez.

— Tu es en sécurité maintenant, murmura-t-il.

Mon cœur battait encore trop vite pour que je le croie.

— Il aurait pu… Il a failli…

Ma gorge se serra, les mots s’étranglèrent.

— Mais il ne l’a pas fait, coupa doucement Noah. Parce que tu n’étais pas seule.

Le silence s’installa à nouveau. Il ne me forçait pas à parler. Il était juste là.

— Merci, soufflai-je enfin.

Il eut un sourire — petit, fatigué.

— Je serais venu même si tu ne m’avais rien demandé, tu sais.

Je levai les yeux vers lui. Et ce regard-là, ce qu’il y avait dedans, me fit plus peur que tout le reste. Parce qu’il disait des choses que je n’étais pas encore prête à entendre.

— Je ne sais pas quoi faire maintenant, avouai-je.

— Tu respires. Tu dors. Et demain, on verra.

Il posa sa main sur la mienne. Elle était chaude. Stable. Présente.

Je finis par briser le reste de la distance qui nous séparait et le serrai fort dans mes bras.

Ce contact eut sur moi un effet d’apaisement immédiat, et je ressentis quelque chose que je n’avais jamais ressenti auparavant, sans savoir encore ce que c’était.

Le silence de l’appartement était presque trop lourd.

Installée sur le canapé, je fixais le plafond dans l’obscurité, incapable de fermer les yeux.

Chaque bruit, chaque ombre semblait se jouer de moi. Mon cœur battait trop vite, comme si le danger flottait encore dans l’air, invisible mais menaçant.

Je pensais à Tom, à son regard dur, à ses mots qui résonnaient encore dans ma tête. Est-ce que j’avais vraiment réussi à l’éloigner ? Ou le poids de cette peur allait-il me suivre partout, dans chaque moment de calme ?

Je serrai mes bras autour de moi, comme pour me protéger de cette angoisse qui ne voulait pas me lâcher.

Je voulais croire que demain serait différent. Que cette nuit serait la dernière où la peur m’empêcherait de respirer.

Mais les questions tournaient sans fin : pourrais-je un jour lui faire confiance — à lui, à moi-même ? Est-ce que cette histoire finirait par s’éteindre, ou brûlerait-elle encore, toujours plus fort ?

Je finis par fermer les yeux, espérant un peu de répit. Mais mon esprit refusait de se calmer.

J’étais prisonnière de mes propres pensées, incapable de trouver le sommeil, incapable de trouver la paix.

Je n’entendais que ma respiration trop rapide et le tic-tac lointain d’une horloge.

Soudain, la porte de la chambre s’ouvrit doucement.

Noah entra, ses pas presque silencieux. Il s’arrêta près du canapé, me regardant avec cette attention silencieuse qui en disait long.

— Tu n’arrives pas à dormir ? murmura-t-il.

Je hochai la tête, incapable de répondre.

Il s’assit à côté de moi, assez proche pour que je sente sa chaleur, sans pour autant envahir mon espace.

— Tu peux venir dormir dans le lit, proposa-t-il doucement.

Je levai les yeux vers lui, surprise par sa douceur.

— Je ne veux pas t’embêter, soufflai-je.

— T’inquiète tu m’embête pas, dit-il en souriant légèrement. C’est… normal.

Un silence s’installa, chargé de tout ce qu’on ne disait pas encore.

Je me levai lentement, encore hésitante, comme si mes jambes pouvaient céder à tout moment. Noah fit un pas vers moi, puis, sans un mot, il m’attira doucement contre lui.

Ses bras se refermèrent autour de mes épaules avec une tendresse contenue, presque fragile.

— Viens là, murmura-t-il, tout près de mon oreille.

Je n’avais plus la force de résister, ni même d’avoir peur. Je me laissai aller contre lui, mon front posé contre sa clavicule, mes doigts agrippés à son t-shirt comme à une bouée.

Son odeur, sa chaleur, la lenteur de sa respiration… tout en lui m’apaisait.

Les battements de son cœur devinrent mon seul repère.

Petit à petit, mes muscles se détendirent. L’angoisse recula.

Mes paupières devinrent lourdes, et dans cette étreinte, silencieuse et vraie, je trouvai enfin un abri.

Je sombrai dans le sommeil, blottie contre lui, là où plus rien ne pouvait m’atteindre.

Dans ses bras, le chaos s’était tu. Juste pour cette nuit. Et c’était déjà beaucoup.

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