Chapitre 19
Le matin s’était glissé dans la chambre sans bruit. Une lumière pâle filtrait à travers les rideaux, douce, presque irréelle.
J’ouvris les yeux lentement. Il me fallut quelques secondes pour me souvenir d’où j’étais.
Le plafond. L’odeur. Le silence. Ce n’était pas chez moi. Ce n’était plus chez lui.
Je tournai légèrement la tête. Le lit était vide.
Noah n’était plus là.
Un frisson me traversa, réflexe idiot. Comme si l’absence, même brève, rallumait la peur.
Je me redressai doucement. Mes muscles étaient engourdis. Ma tête aussi.
Je ne savais pas si j’avais vraiment dormi ou juste perdu conscience quelques heures.
Tout était encore flou.
Les images de la veille me revinrent par vagues : la serrure, la course, la voix de Tom, ses yeux… et les bras de Noah.
Je posai une main sur la couverture. Là où il avait été. Là où, pour un instant, j’avais cru pouvoir respirer.
Mais ce matin, tout me semblait différent. Plus froid. Plus réel.
Je quittai la chambre en silence, pieds nus sur le parquet froid. Un rai de lumière filtrait sous la porte du salon.
Puis, une odeur familière. Café.
Je m’arrêtai sur le pas de la cuisine.
Noah était là, dos tourné, concentré sur la machine. Il portait un vieux sweat gris, un peu large. Le genre confortable qu’on ne quitte jamais vraiment.
Je ne dis rien. Il le sentit quand même.
— Bien dormi ? demanda-t-il sans se retourner.
J’haussai une épaule.
— Je sais pas trop. J’ai eu l’impression que mon cerveau ne s’est jamais vraiment éteint.
Il se tourna enfin. Ses yeux croisèrent les miens, et dans son regard, il n’y avait ni pitié, ni question. Juste cette chose étrange que je n’arrivais pas à nommer. Cette douceur qu’on reçoit quand on a oublié qu’on y avait droit.
— Assieds-toi, dit-il simplement.
Je m’exécutai. Il posa une tasse devant moi. Nos doigts se frôlèrent brièvement.
— T’as l’air un peu moins… en fuite, murmura-t-il.
Je soufflai dans la tasse. Une buée fine s’éleva, tremblante, comme moi.
— Ce matin, j’ai juste pas la force de courir.
Il s’assit à côté de moi, à bonne distance. Ni trop près, ni trop loin.
Le silence s’installa, pas pesant cette fois. Un silence où le monde n’avait pas besoin d’explication.
Je pris une gorgée. Le café était fort, un peu amer. Mais réel.
Et peut-être que c’était tout ce dont j’avais besoin pour l’instant.
Je fis tourner la tasse entre mes mains, encore et encore, jusqu’à ce que le fond brun forme un tourbillon.
Noah était toujours là, assis à côté. Silencieux. Présent. Trop.
Les mots sortirent sans prévenir, comme un souffle que j’aurais retenu trop longtemps.
— Pourquoi t’es resté ?
Il tourna la tête vers moi. Lentement. Pas de surprise sur son visage, juste… cette patience étrange qu’il avait parfois.
— Hier soir, tu veux dire ? demanda-t-il doucement.
Je hochai la tête. Je ne pouvais pas le regarder.
— Tu pouvais partir. Te protéger. Me laisser gérer. Comme tout le monde l’aurait fait.
Un court silence. Puis sa voix, posée, sincère :
— Je suis pas tout le monde, Lexie.
Je levai les yeux, enfin. Il me fixait, sans détour.
— Je suis resté parce que j’ai vu comment tu le regardais. Pas comme une victime. Comme quelqu’un qui voulait s’en sortir. Même si t’étais en train de couler.
Il baissa brièvement les yeux, comme si c’était trop intense, même pour lui.
— Et parce que… je voulais pas que tu traverses ça seule. C’est tout.
Je ne savais pas quoi répondre. Il n’y avait rien à dire, peut-être. Rien que je n’oserais encore formuler.
Alors je posai la tasse sur la table, et restai là. À côté de lui. Le cœur serré d’une émotion que je ne savais pas nommer, mais qui ressemblait peut-être à une forme de confiance.
Noah ne bougea pas. Il ne força rien.
Mais au moment où je me redressai à peine, il leva la main — doucement, comme s’il demandait la permission — et du bout des doigts, il effleura les miens.
Une simple caresse. Légère. Rassurante.
Je ne retirai pas ma main. Au contraire, je la tournai pour glisser mes doigts entre les siens.
Nos paumes se touchèrent.
Je crus sentir mon cœur se calmer d’un cran.
Puis, il se pencha un peu. Et dans un geste qui semblait presque timide venant de lui, il m’embrassa sur la joue.
Pas un baiser qui attendait quelque chose. Juste un contact chaud, sincère. Une promesse muette.
Je fermai les yeux une seconde. Pas pour fuir, cette fois.
Mais pour retenir le moment.
Et sans trop réfléchir, je me tournai vers lui.
Je passai mes bras autour de sa taille, lentement, comme si j’avais peur qu’il disparaisse.
Sa chaleur, sa présence, la manière dont il me laissa faire… tout m’ancrait. M’apaisait.
Il me serra à son tour, sans un mot.
Je restai là, contre lui, la tête posée contre son torse.
Et pour la première fois depuis longtemps, je n’avais plus envie de fuir.
Ses bras m’entouraient, solides et doux à la fois.
Sa respiration était calme. Rassurante. Différente de tout ce que j’avais connu.
Et là, dans ce silence presque parfait, je sentis quelque chose remuer dans mon ventre.
Un frisson. Léger. Inattendu.
Presque trop fragile pour être nommé.
Mais il était là.
Pas de peur, cette fois. Pas de méfiance.
Juste cette sensation étrange… comme si quelque chose en moi était en train de changer.
Je ne savais pas encore ce que c’était.
Mais je savais que ça venait de lui.
Je m’écartai doucement de lui, à contrecœur. Pas parce que je voulais partir. Mais parce que quelque chose me poussait à parler.
— Et maintenant… ? soufflai-je. Qu’est-ce qu’on fait ?
Noah releva les yeux vers moi. Il ne semblait pas surpris par ma question. Comme s’il s’y attendait.
— Tu veux dire… par rapport à Tom ? Ou à toi ? Ou à nous ?
Je baissai un instant le regard. Peut-être les trois.
— Je peux pas retourner là-bas, dis-je dans un souffle.
— Et tu n’y retourneras pas, répondit-il immédiatement, avec cette certitude tranquille que j’enviais.
Il marqua une pause, avant d’ajouter :
— Si tu veux rester ici, aussi longtemps qu’il faudra… c’est chez toi.
Je le fixai, interdite.
— Tu me proposes de m’installer chez toi, comme ça ?
Il haussa les épaules, un sourire en coin :
— Pourquoi pas ? Mais juste une chose : tu devras supporter mes playlists douteuses.
Je levai les yeux au ciel.
— Marché conclu. Mais je préviens, je cuisine comme un chef… enfin, je commande beaucoup.
Il éclata de rire.
— Parfait. On va bien s’entendre.
Je pris une grande inspiration, décidée à poser mes limites.
— D’accord, mais on établit quelques règles.
— Je t’écoute.
— C’est temporaire. Juste le temps que je trouve un appartement.
— Ça marche.
— Ensuite, je veux garder mon indépendance. Pas d’invitation surprise, pas d’obligations… Juste un toit, ok ?
Il hocha la tête.
— Deal. Mais je te préviens, je suis un hôte un peu envahissant.
Je souris malgré moi.
— Tant que tu me laisses choisir le film le vendredi soir, je peux gérer.
Il serra doucement ma main.
— C’est promis.
— Tu es chez toi ici, Lexie.
Je hochai la tête, sentant pour la première fois depuis longtemps que je pouvais peut-être y croire.
Je lâchai doucement sa main et allai m’asseoir sur le canapé, encore un peu tendue.
— Tu sais, je ne sais même pas comment tu fais pour être aussi calme, moi je serais en train de courir partout à ta place.
Noah haussa les épaules, un sourire en coin.
— J’ai mes secrets. Et une bonne playlist, bien sûr.
Je levai les yeux au ciel, mais un sourire involontaire se dessina sur mes lèvres.
— Tu sais, malgré tout… j’ai peur. Pas seulement de Tom. De ce qui vient après. De devoir tout recommencer.
Il s’assit à côté de moi, pas trop près, pas trop loin.
— On ne peut pas prédire l’avenir, Lexie. Mais je peux te promettre une chose : tu ne seras pas seule.
Je tournai la tête vers lui, surprise par la sincérité dans sa voix.
— Merci, dis-je simplement.
Alors que le silence apaisait enfin la pièce, la sonnette retentit, tranchant net avec la douceur du moment.
Noah fronça les sourcils, surpris.
— Qui ça peut bien être à cette heure ?
Je me levai avec lui, un mélange de curiosité et de nervosité serrant ma poitrine.
Noah ouvrit la porte. Une jeune femme se tenait là, un sourire franc, presque trop assuré.
— Salut Noah.
Il parut surpris, puis esquissa un sourire.
— Emma. Ça fait un bail.
Sans attendre d’invitation, elle entra, ses yeux balayant la pièce avant de se poser sur moi.
— Toi, je ne t’ai jamais vue, lança-t-elle en haussant un sourcil, son ton chargé d’une pointe de défi.
Je restai figée, un frisson désagréable me parcourant.
Emma posa une main familière autour des épaules de Noah et se pencha vers lui pour un câlin rapide, presque possessif.
— Tu ne m’as jamais parlé d’elle, dit-elle, son sourire malicieux réveillant une tension soudaine dans l’air.
Un pincement douloureux se glissa dans mon ventre. Ce geste simple, mais chargé d’assurance, me déstabilisa complètement.
Noah resta calme, mais je vis bien cette légère gêne dans son regard.
— Emma, je te présente Lexie, ma colocataire pour quelques temps, annonça-t-il avec une neutralité mesurée.
Emma me lança un regard appuyé, comme pour jauger ma place ici.
— Enchantée.
— Pareillement, répondis-je, serrant les dents pour ne pas montrer mon trouble.
Un silence pesant s’installa, lourd de non-dits. La journée venait de basculer, et je sus que tout allait changer.
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Tu es arrivé(e) jusqu’ici, et ça me fait super plaisir
Laisse-moi un petit "j’aime" ou dis-moi ce que tu as pensé de ce chapitre en commentaire, je lis tout avec attention !
La suite arrive vite, reste dans les parages !
— Sacha
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