Chapitre 8
Les duels commençaient la semaine suivante.
C’était une source de stress pour les élèves, mais un cours considéré comme indispensable par les professeurs. Tout élève devait savoir se battre en sortant de l’Académie, ou du moins maîtriser les bases. Les membres de l’Élite n’étaient pas assez nombreux pour occuper tout le territoire, et la première année pouvait permettre de se diriger vers une carrière militaire.
— Mais si on se destine à un métier de cadre ? observa Lison, une autre première année.
— Si cela peut vous motiver, Miss Branelle, le cours est toujours utile pour votre épreuve finale de fin d’année. Alors si j’étais vous, je me dépêcherais de prendre position, répondit froidement le professeur Ryvan.
Plusieurs élèves s’esclaffèrent, tandis que les plus téméraires choisissaient déjà qui ils voulaient affronter. Mais cela ne fonctionnait pas ainsi : un juge impartial désignerait les premiers duels la semaine suivante.
— Qui est le juge ? demanda Annah pendant le cours.
Cela lui valut un tour de piste supplémentaire, et Diane ne put s’empêcher d’esquisser un sourire satisfait.
Pour l’instant, il ne s’agissait que de petites joutes de quelques minutes à mains nues, car ils n’étaient encore qu’en première année. Apparemment, plus les mois passaient, plus les duels devenaient techniques et intenses. Mais dans quelle mesure ? Diane n’en avait aucune idée : sa cousine n’avait pas dépassé la première année... et ne l’avait même pas terminée.
Ils avaient déjà appris les bases de la défense et de l’attaque. Cela devait suffire avant de s’exercer contre quelqu’un, car d’après Ryvan, le reste s’apprenait directement sur le terrain.
À la fin de la leçon, les élèves reprirent leurs affaires et se dirigèrent vers l’Académie pour se doucher. Diane se pencha pour ramasser son pull, qu’elle avait retiré pendant l’entraînement, lorsqu’elle sentit quelque chose de dur la heurter violemment sur le flanc, la projetant au sol.
— Oh, je ne t’avais pas vue, dit Vanelle en affichant un sourire faussement désolé tout en accrochant son sac à son épaule. Mais bon, si tu ne tiens déjà pas debout, je ne sais pas comment tu vas faire pour la suite. Tu devrais peut-être abandonner, Calven et rentrer chez toi.
Vanelle était pratiquement de la même taille que Diane. C’était une jolie brune à la peau délicate. Ses vêtements, toujours impeccables et neufs, semblaient ignorer la poussière et l’humidité. Sa chevelure, soigneusement lissée, restait intacte même après les entraînements.
Elle avait eu l’air tellement angélique la première fois que Diane l’avait vue, qu’elle avait cru que c’était Annah qui l’avait enrôlée.
À présent, elle n’en était plus si sûre.
— Dans tes rêves, répondit Diane en se redressant pour se mettre à sa hauteur, ignorant la douleur à sa hanche.
— Ça va devenir de plus en plus dur pour toi... et pour ton amie, souffla Vanelle en s’approchant.
Annah et deux autres garçons que Diane ne connaissait pas se rapprochèrent, formant un demi-cercle menaçant. Le cœur de Diane battait jusque dans ses tempes, mais elle s’obligea à garder un air calme.
— Si j’étais toi..., commença Vanelle en inclinant la tête sur le côté et en la détaillant de la tête aux pieds d’un air dédaigneux.
— Mais tu n’es pas elle, lança une voix grave au-dessus d’elles. Un problème, Forgeois ?
Maël s’était approché et se planta à côté de Diane, bras croisés, Victaire sur ses talons. Le cercle d’élèves se disloqua légèrement.
— On discutait, c’est tout, répondit Vanelle en gardant son sourire narquois. Mais visiblement, certaines ne savent pas se défendre toutes seules. À la prochaine, ajouta-t-elle avec un clin d’œil avant de s’éloigner.
Mélissa, restée près de Diane, claqua la langue d’agacement en les regardant partir.
— Merci, dit-elle à Maël.
— Je pouvais me défendre toute seule, tu sais, lança Diane en le regardant droit dans les yeux.
— Je sais, répondit Maël avec un de ces sourires en coin qui semblaient se moquer du monde entier. C’est pour elle que j’avais peur, pas pour toi.
Diane haussa les sourcils.
— Ce n’est pas ce qu’elle a l’air de penser.
— On s’en fiche de ce qu’ils pensent, intervint Victaire. J’ai entendu dire que deux élèves sont déjà partis à cause d’eux. Ils utilisent des techniques d’intimidation. Hier encore, une fille pleurait parce que ses affaires disparaissaient sans arrêt... et ses notes aussi.
— Ça ne m’étonne pas, dit Diane. Il serait temps que cela cesse.
— On compte sur toi pour la pousser du haut d’une falaise demain, plaisanta Mélissa en retrouvant le sourire. Et surtout, fais passer ça pour un accident !
Le lemain, ils avaient cours de survie en milieu naturel. Ils devaient garder les mêmes groupes pendant plusieurs semaines. Diane se retrouvait donc encore avec Annah, mais heureusement aussi avec Maël et Victaire.
Ils reprirent tous les quatre le chemin du château pour se changer et aller dîner avant le dernier jour de cours.
Diane eut du mal à trouver le sommeil, le soir, dans sa chambre. Allongée sur son matelas au sol, elle fixait le plafond, les mains croisées derrière la tête. La scène avec Vanelle ne cessait de se rejouer dans son esprit, chaque mot, chaque regard, revenant comme une gifle. Finalement, elle finit par s’endormir, mais son sommeil fut agité.
Le lendemain, ils retrouvèrent le professeur Valek, qui les emmena dans la forêt. Ils suivirent le chemin familier menant à leurs emplacements. Peu à peu, ils avaient appris à améliorer leur cabane, à tisser, à fabriquer du mobilier et des objets utiles à la survie.
Mais cette fois, Valek s’arrêta avant que les élèves ne bifurquent vers les clairières.
— On n’est jamais prêt à ce que la nature nous réserve, déclara-t-il quand tout le monde fut réuni. Lors de mes périples à travers les Royaumes, j’ai dû traverser des rivières, des montagnes, et affronter des bêtes capables de hanter vos cauchemars pendant des nuits. Aujourd’hui, je vais juger votre capacité à vous adapter et à coopérer avec un coéquipier. Vous serez par groupes de deux. Votre mission : descendre la falaise avec votre partenaire, récupérer un objet caché dans la roche, et remonter. Allons-y.
Un murmure parcourut le groupe tandis qu’ils suivaient Valek vers la falaise, quelques mètres plus loin. Certains avaient peur du vide, d’autres étaient surexcités par ce changement de programme, et d’autres encore simplement anxieux.
Diane, elle, sentait déjà ses paumes devenir moites. Elle n’avait pas vraiment le vertige, mais elle n'aimait pas les surprises. Descendre plusieurs mètres sans préparation lui semblait risqué, voire imprudent.
— Je vais séparer les équipes déjà constituées, précisa Valek, tandis que les premiers rayons du soleil faisaient ressortir la fine cicatrice blanche qui lui barrait la joue.
Diane se demanda comment il avait bien pu se blesser de cette manière avant que les premiers groupes soient annoncés.
Mélissa se retrouva avec Vladimir, un garçon de leur groupe, et sembla soulagée de ce binôme.
Maël fit un pas dans sa direction, mais Diane ne sut pas comment interpréter son geste. Quand Valek s’approcha de son groupe, un frisson glacé remonta le long de la nuque de Diane.
— Les deux garçons ensemble, les deux filles ensemble, annonça-t-il.
Diane tourna lentement les yeux vers sa coéquipière.
— Pas de chance, déclara Annah avec un sourire narquois. Je me retrouve avec la bibliothèque ambulante.

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