Chapitre 9

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Diane ferma les yeux quelques secondes pour prendre sur elle. Annah était insupportable. Même ses frères avaient plus de jugeote que cette enquiquineuse.

Elles avaient finalement mis leurs harnais et leurs attaches comme il fallait, puis s’étaient dirigées vers le point qui leur avait été attribué. Des crochets avaient été plantés dans la roche à plusieurs points stratégiques, et les groupes étaient donc séparés par plusieurs dizaines de mètres de distance.

Si la veille elle avait admiré le point de vue avec Mélissa, aujourd’hui, l’endroit lui paraissait bien moins accueillant.

— On doit donc trouver un objet en descendant ? demanda Diane en s’approchant du bord.

— A priori, dit Annah. Il n’y a qu’en descendant qu’on verra ce que c'est.

— On va suivre les crochets, confirma Diane. De toute façon, Valek nous a forcément donné une corde qui correspond à la distance. On n’aura donc que quelques mètres à faire... même si, en descente, c’est toujours beaucoup.

— C’est logique, railla Annah. Allez, en route.

— J’y vais ou toi, d’abord ? demanda Diane.

— Vas-y d’abord, répondit Annah. Je te suis.

Diane prit son courage à deux mains et commença à descendre à l’aide des crochets. Le vent battait fort contre son dos et elle devait veiller à bien s’aider de sa corde, la faisant passer dans les anneaux pour contrôler sa descente.

Annah descendit à sa suite et, pendant quelques minutes, Diane se concentra exclusivement sur les gestes : ses doigts crispés sur la corde, le souffle du vent, la morsure du froid dans ses paumes. Bientôt, elle repéra une pierre d’un violet profond, posée sur un rebord de la falaise.

— C’est ça, tu penses ? cria Diane à Annah.

Cette dernière baissa les yeux.

— Évidemment, prends-la et on remonte.

— Tu ne dois pas poser ton pied également sur la plateforme ? demanda Diane.

C’était l’une des recommandations du professeur : les deux élèves devaient atteindre la même hauteur pour valider l’épreuve et suivre le même trajet.

— On l’a, c’est le principal. Je remonte, lança Annah.

Diane soupira, plaquant son dos contre la paroi pour se protéger des rafales. Après tout, ce n’était pas son problème. Elle avait récupéré l’objet ; si Annah voulait en faire à sa tête, tant pis pour elle.

Annah remonta vite et Diane fut distancée. Elle amorça à son tour la remontée, concentrée sur chaque prise, quand elle remarqua qu’Annah s’était arrêtée.

— Diane ! cria-t-elle.

Diane crut d’abord qu’elle avait un problème, jusqu’à ce qu’elle voie le reflet métallique d’une lame entre ses doigts. Son estomac se noua.

—Annah, qu'est ce que tu fais ?

La jeune fille était livide.

— Tu n'es pas faite pour être à l'Académie, lança Annah la voix tremblante. Tu n'aurais jamais dû y entrer.

Elle saisit la corde de Diane dans sa main.

—Quitte l'Académie, lui dit Annah. Dis-le. Dis que tu abandonnes. Maintenant !

— Tu es folle ! s’écria Diane, prise de panique.

Elle resserra sa prise sur les crochets, les ongles plantés dans la pierre.

— Tu abandonnes ? demanda Annah.

— Je... quoi ? Mais je ne peux pas abandonner ! répondit Diane, la voix tremblante, en pensant à ses deux petits frères. Annah, ne fais pas ça !

— Je vais juste... t'aider à réflechir. A renoncer.

Avec un geste maladroit, Annah fit glisser son couteau contre la corde. Quelques fils glissèrent et Diane sentait le goût du chantage sur sa langue.

— Annah, arrête ! cria Diane.

Elle espérait que quelqu’un l’entendrait. N’importe qui. Faites que quelqu’un m’entende. Mais le vent et le fracas des vagues contre la roche emportaient ses cris.

— Rien de grave. Juste… une petite coupure. Pour te montrer que je suis sérieuse.

Mais au même moment, une rafale violente s’engouffra entre elles.
La corde vibra brutalement, tendue comme un arc.

Diane chercha un point d’appui, bloquant ses pieds dans une anfractuosité et s’agrippant désespérément aux crochets.
L’entaillure s’élargit.

— Non… non, non ! s’affola Annah en tirant dessus. Je voulais pas ! Je voulais juste...

La corde céda dans un claquement sec.

Le bout restant tomba, pendant mollement au harnais de Diane. Cette dernière ne bougea pas. Ses muscles brûlaient, sa respiration haletait.

Dans les yeux d’Annah, Diane crut voir quelque chose qui ressemblait à de la panique ou de la peur d’être découverte.

Annah tenta fébrilement de descendre vers elle, mais sa propre corde resta coincée dans un des crochets. Alors, elle tira dessus de toutes ses forces, le mousqueton cliqueta contre la roche et Diane entendit un bruit métallique.

Diane sentit ses membres s’engourdir ; ses bras tremblaient sous l’effort. Elle essaya de redescendre vers la plateforme où elle avait trouvé la pierre, mais ses doigts glissaient, son corps refusait d’obéir.

Quand, soudain, un cri fendit l’air.

Et elle le vit.

Un immense aigle royal, au plumage brun doré, fondait droit sur elles.

Non, pas sur elles. Sur Annah.

Cette dernière, surprise, perdit l’équilibre mais réussit à se rattraper. Sa main serrait toujours la lame. Elle fixait l’oiseau avec terreur tandis qu'il s'élevait au-dessus de leurs têtes.

Mais l’aigle poussa un nouveau cri et revint en piqué. Il attaqua Annah de plein fouet, ses serres labourant ses épaules, son bec frappant à plusieurs reprises. Annah tenta de se défendre, agitant sa lame, mais dans ce même mouvement, son pied dérapa.

Et elle tomba.

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