Chapitre 11

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Le bureau d’Adalric Van Grendal n’était pas du tout ce à quoi Diane se serait attendue. À vrai dire, c’était même l’exact opposé. Si un seul mot devait lui venir en tête, ce serait chaleureux.


Situé dans l’une des tours du château de l’Académie, même si le conseiller lui avait précisé que son véritable bureau se trouvait au siège du Conseil, l'endroit était impeccablement aménagé. Chacun des cinq membres disposait d’une pièce dédiée ici, mais celle d’Adalric ressemblait davantage à un salon douillet qu'à un bureau officiel.


De confortables fauteuils étaient disposés autour de petites tables d’appoint, et une délicieuse odeur de café emplissait la pièce.

— Du sucre ? demanda Adalric en lui tendant une tasse.

— Non, merci, répondit Diane.

Elle n’osa pas lui avouer qu’elle aimait l’odeur de la boisson chaude mais détestait son goût trop amer.

Adalric porta sa tasse à ses lèvres, et elle se força à en faire autant.

— Je me doute que les événements des dernières heures n’ont pas été faciles, commença-t-il en s’approchant, mais j’aimerais, s’il vous plaît, que vous me racontiez en détail ce qu’il s’est passé.

Alors Diane raconta, depuis leur départ dans la forêt avec le professeur Valek. Le conseiller ne l’interrompit pas, sauf lorsque l’aigle intervint.

— Comment était cet aigle ? demanda-t-il.

— Un aigle royal. Brun, avec le bec jaune.

— Et ses yeux ?

— Dorés… je crois, répondit Diane, qui ne comprenait pas où il voulait en venir. Je n’ai pas bien vu, tout est arrivé si vite…

— Bien sûr, répondit Adalric en remuant lentement sa cuillère.

Il prenait son café avec trois sucres, nota Diane sans savoir pourquoi ce détail la frappait autant. Elle se sentait minuscule à côté de cet homme d'une élégance presque intimidante, alors qu’elle était encore en tenue d’exercice, pleine de terre et de sueur. Assise dans l’un des fauteuils luxueux, elle serrait malgré elle les fesses, priant pour ne pas salir le tissu précieux.
Un silence s’installa.

— Je n’ai pas cherché à éliminer Annah, Monsieur, lâcha-t-elle finalement.

Elle avait besoin de le dire. De le répéter. De s’en convaincre elle-même, alors que la culpabilité s’insinuait dans chaque fibre de son corps.

— Je vous crois, répondit Adalric.

Les épaules de Diane s'affaissèrent de soulagement.

— Bien sûr, la perte d’une élève dans ces conditions est une tragédie, reprit-il avec calme. Je me chargerai personnellement de rencontrer la famille d’Annah pour leur transmettre vos propos. Ils habitent dans le centre-ville.

Diane sentit une boule se former dans son ventre.

— Je suis cependant surpris par la chronologie des événements, ajouta-t-il en se levant pour faire quelques pas.

— La chronologie ? répéta Diane.

— Vous étiez en difficulté… Et cet aigle intervient presque immédiatement avant de disparaître. Pourquoi ?

Diane resta sans voix.

— Je vais vous demander une faveur, Miss Calven.

— Bien sûr, Monsieur.

Sa mère s’évanouirait si elle la voyait ainsi, face à l’illustre Adalric Van Grendal, l’un des cinq dirigeants du continent.

— Prévenez-moi si cet aigle revient vous voir, ou si vous remarquez quoi que ce soit d’étrange à son sujet.

— Très bien, Monsieur.

Elle ne comprenait pas pourquoi cela l’intéressait autant, mais la demande n’avait rien de difficile. Et puis… on ne refusait rien à Adalric Van Grendal.

— Je vous remercie. Vous pouvez retourner dans votre chambre. Reposez-vous. Et ne ressassez pas trop ce qu’il vient de se passer. Cet accident est malheureux, mais cela reste un accident. Annah a été punie par ses propres actes de la plus dure des manières.
Nous n’en ferons pas étalage lors de la cérémonie d’adieux : cela n’a pas à être ébruité. C’est entendu, Miss Calven ?

— Oui, Monsieur.

— Et si vous n’arrivez pas à dormir, allez voir notre soigneur. Il saura quoi vous donner. J’espère que nous nous reverrons dans de meilleures circonstances. Et souvenez-vous : venez me voir directement si quelque chose vous semble inhabituel.

***

Mélissa l’attendait devant sa chambre lorsqu’elle remonta le couloir des premières années.

— Enfin ! s’écria-t-elle.

— Je te jure que je ne l’ai pas poussée, souffla Diane, les larmes aux yeux.

Mélissa lui prit les mains, sans hésiter.

— Je te crois. Mais… elle a vraiment essayé de t’éliminer ?

Diane expliqua la corde, la chute, la peur. Mélissa écouta, les sourcils froncés.

— Et l’aigle est apparu.

Diane acquiesça.

— Qu’est-ce qu’elle t’a dit, Madame Fouquet ?

— Rien. Je n’ai même pas eu le temps de lui raconter ce qu’il s’était passé. Adalric Van Grendal m’a convoquée.

— Le Conseiller ? répéta Mélissa, stupéfaite.

Diane lui raconta tout. Mélissa l’entraîna dans sa chambre, alla jusqu’à la fenêtre et observa la forêt, silencieuse.

— Il te demande de surveiller un animal… que tu as vu deux fois ?

— Ou une, corrigea Diane. La première fois, je ne l’ai pas vu. Je suppose, mais je n’ai aucune preuve.

Mélissa resta silencieuse un long moment, immobile devant la fenêtre.

— Tu veux que j’aille te chercher quelque chose à l’infirmerie ? finit-elle par proposer.

Diane secoua la tête. Elle ne voulait rien, juste dormir.
Elle regretta sa décision bien plus tard, au cœur de la nuit, lorsque ses rêves s’emplirent de la chute d’Annah… et de deux prunelles jaune foncé qui semblaient la fixer.
À un moment, elle crut même entendre un battement d’ailes frôler les murs. Elle se redressa d’un sursaut, tendit l’oreille…
Mais lorsqu’elle fut tout à fait éveillée, le silence retomba.
Rien derrière la fenêtre. Rien du tout.

Elle compta dans sa tête jusqu’à l’aube, incapable de retrouver le sommeil.

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