3 - Un moment de solitude
4 heures.
Romane
Le bébé a été transféré en néonatalogie. Sophie Toutenu, la gynécologue, m’a laissée seule pour le suivi post-partum de Léa. Une fois de plus. Je regarde cette femme étendue devant moi, son visage crispé malgré la dose de morphine. La douleur s’accroche à elle comme une ombre tenace. J'ai beau multiplier les gestes, vérifier les paramètres, ajuster les doses : rien n’y fait.
Je me surprends à ressasser l’intervention du Dr Létal. À combien de fois s’y est-il repris pour la péridurale ? Cinq, six ? Trop, en tout cas. Je peux encore entendre le bruit sec de l’aiguille qui percute l’os, encore et encore, comme une insulte faite à ce corps déjà éprouvé.
Et moi, que fais-je ici, seule, face à cette douleur ? Malgré mon expérience, je me sens démunie. La vérité, c’est que personne ne se soucie vraiment de ce qui se passe après. Une fois le bébé sorti, le reste devient l’affaire de la sage-femme. Toujours. Cette pensée me traverse comme une lame : c’est donc ça, mon rôle ? Être celle qui ramasse les morceaux ?
Je n’en peux plus. Léa souffre, et moi, je tourne en rond dans cette chambre trop étroite, envahie par l’odeur métallique du sang et du désinfectant. Je ne sais plus quoi faire. Alors, presque malgré moi, mes jambes se mettent en mouvement. Je sors de la chambre, traverse le couloir, descends un étage. Les murs semblent s’allonger à mesure que j’avance, comme si l’hôpital entier s’amusait à me ralentir.
Quand j’arrive devant la chambre médicale de garde, je m’arrête un instant. Ma main tremble sur la poignée. À l’intérieur, j’espère qu’il sera là, ce médecin qui ne ressemble pas aux autres. Peut-être endormi, peut-être épuisé, mais présent. Je prends une inspiration, et frappe à la porte.
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