Chapitre 2

7 minutes de lecture

Les deux greluches et leur mère étaient en train de se pomponner, de se recouvrir le visage de diverses peintures. Elles ressemblaient, à la fin, plus à des voitures volées qu’à… Bref, une fois prêtes, sans un regard pour leur bonne, elles sortirent de la maison en claquant la porte en lui criant :

  • Amuse-toi bien Cendrillon, nous on y va !

Là, c’en était trop. La pauvre fille s’assit sur le sol et se mit à pleurer toutes les larmes de son corps. C’est con, il faudrait essuyer le sol ensuite… D’abord quelques gouttes tombèrent sur le sol, puis une petite flaque se forma, avant de se transformer en véritable mare au milieu du salon de la maison. Avant que l’eau ne sorte par la porte d’entrée, la surface aqueuse sembla bouillonner, une sorte de vapeur se forma et … La gentille fée qui avait veillé sur Cendrillon durant toute son enfance apparu. Elle se secoua un peu faisant tomber l’eau accumulée dans ses cheveux et sur sa robe.

  • C’est pas au point ce truc… soit je suis trempée soit je ressors complètement cramée quand j’apparais au milieu des flammes. Faudra que je bosse un peu plus…
  • Tatie Morgane !!
  • Tiens, mais c’est ma nièce préférée. Comment ça va Cendrillon ?
  • Pas terrible Tatie… Je me sens seule, triste, moche et abandonnée, répondit-elle en gémissant.
  • Ah oui, quand même ? Je vais avoir du boulot, moi…
  • Du boulot pour quoi, Tatie ?
  • Ben qu’est-ce que tu crois ? Je suis venue pour que tu ailles toi aussi à la fête du grand rappeur Baboo89 !
  • Moi ? Mais j’ai pas d’invitation, cria-t-elle en pleurant de plus belle.
  • Tiens regarde, fit sa tante en faisant apparaître dans sa main une invitation pour la première de La Traviata de Verdi à l’Opéra Garnier
  • T’est sûre, Tatie ?
  • Mince, j’me suis gourée ? Allez hop !

Une invitation pour le dernier concert de Led Zeppelin à l’O2 Arena de Londres pour les 40 ans de la maison de disques Atlantic Records en 2007 jaillit dans ses mains.

  • Tatie….
  • C’est pas vrai, mais qu’est-ce qui se passe ce soir ? Allez re-hophophop !

Cette fois, l’invitation toute dorée et brillante – d’un bon goût exquis –à la soirée de Baboo89 se matérialisa entre ses doigts.

  • Ah, quand même !! fit Morgane avec un air satisfaite.
  • T’es la meilleure Tatie, mais…
  • Mais quoi ma petite ?
  • Je ne vais pas y aller habillée comme ça, quand même ?

La fée jeta un coup d’œil sur sa nièce et effectivement, elle en convint :

  • Non, c’est vrai, tu ne peux pas y aller comme ça. Allez, hophophop !

Cendrillon fut enveloppée d’un nuage vert et quand celui-ci se fut dissipé, elle était habillée en Schreck (y compris les oreilles en trompette).

  • Tatie !!
  • Oups… Allez, allez, hophophophop !

Cette fois-ci un tourbillon rouge et une fois le brouillard évaporé, elle apparut en pantacourt doré, un croc-top à paillettes et des chaussures – celles avec la semelle rouge – avec des talons de quinze centimètres et en 49 ! Une grosse chaine en or pendait autour de son cou.

Cendrillon failli chuter et se rattrapa de justesse à sa tante.

  • Je ne vais jamais pouvoir y aller en marchant avec des talons pareils, Tatie !
  • Ecoute ma petite, je vais te trouver un moyen de locomotion et puis tu n’auras qu’à enlever tes pompes en arrivant. C’est très sexy une femme qui enlève ses chaussures (bon peut-être pas quand elle a des arpions pareils, se dit-elle en aparté).
  • Si tu le dis, Tatie.
  • Allez, maintenant un moyen de locomotion pour aller là-bas !
  • Tu devrais peut-être faire ça dehors, non ?
  • Oui, où avais-je la tête ? Tu as raison ma petite. Sortons.

S’accrochant au bras de sa tante, Cendrillon sortit avec une démarche qui ressemblait à celle d’un pingouin. On n’était toujours pas très loin du mélange entre le canard et l’ours d’avec les bottes de feu son oncle. Au moins, les chaussures étaient à sa taille, avec des talons vertigineux mais cette fois-ci, en 49

Toujours agrippée à l’épaule de sa fée de tante, Cendrillon vit celle-ci faire de grands gestes avec ses mains.

  • Allez, hop hophophophop !

Dans un nuage de fumée, une calèche avec un cheval blanc apparut.

  • Tatie, on est plus il y a des siècles !
  • Oui, tu as raison, ma petite. On s’y remet hophophophophophop !

Il y en a de plus de plus de « hop » dans ses « incantations », je ne sais pas si vous avez remarqué…

Le moyen de locomotion d’un autre temps disparut et fut remplacé par une Mercedes-Maybach Classe S 650, dorée et noire avec intérieur en cuir blanc. Le chauffeur en sortit et ouvrit la portière arrière pour Cendrillon. Celle-ci se retourna avant de monter et demanda à sa tante :

  • C’est pas un peu « too much », Tatie ?
  • Faut ce qu’il faut ma petite, tu vas dans le monde du tape à l’œil alors autant mettre le paquet !
  • Merci Tatie, je t’aime.
  • Moi aussi ma chérie, amuse toi bien…. Ah si, j’ai failli oublier !
  • Oui, fais vite, on est déjà en retard !
  • Tout ceci n’est valide que jusqu’à minuit...
  • Minuit, pas plus tard ? il est déjà vingt-deux heures, s’il te plait, Tatie... gémit la jeune femme.
  • Bon allez, parce que c’est toi, jusqu’à deux heures du mat’ mais pas plus tard, compris ?
  • Oui, oui, compris, je serai rentrée avant.

Son carrosse d’acier et de cuir se mit en route, dans le grondement sourd de son moteur de plus de 600 chevaux. Rien qu’au bruit, on savait que c’était « du qui coûte cher » comme voiture.

Elle arriva devant la villa animée du célèbre rappeur. Un impressionnant service de sécurité était en place, scrutant les sésames présentés par les invités avec attention. Celui de Tatie avait intérêt à être de bonne qualité.

Quand ils virent la Mercedes arriver, ils se pressèrent autour, s’attendant à en voir descendre une star. C’est effectivement ce qu’il se passa. Cendrillon descendit comme une reine, sous les flashes crépitant des paparazzis présents.

  • Par ici, par ici !

Et puis on entendit aussi :

  • C’est qui ?
  • J’en sais rien, mais avec une telle caisse, ça doit être une star… Regarde, elle a même un chauffeur !

Celui-ci n’eut même pas le temps d’ouvrir la portière. Un des gorilles l’avait devancé.

  • Si mademoiselle veut bien se donner la peine, fit-il en lui tendant le bras.
  • Merci jeune homme lui répondit-elle, faisant sa star et s’accrochant à son bras pour ne pas tomber avec ses talons hauts
  • Vous avez un carton d’invitation, bien sûr ?
  • Bien sûr, dit-elle en lui tendant ce que lui avais remis sa tante.
  • Parfait. Je vous laisse entrer. Le bar est à droite...
  • Merci, jeune homme, vous êtes vraiment un ange.

Le « gorille-ange » se mit à rougir, ne cachant que difficilement son trouble. Encore moins quand Cendrillon lui posa un bisou sur la joue. Elle se dirigea ensuite vers la villa où la fête battait son plein.

  • Putain de chaussures, dès que je peux, je les enlève, se dit-elle. Mais comment peut-on marcher avec des talons pareils ?

Elle entra dans la maison, comme une vedette, les gens présents se retournant sur son passage. Elle essayait de marcher droit, mais ses chevilles la faisaient souffrir le martyr.

Tout à coup, par hasard - mais le hasard existe-t-il ? -, elle se retrouva face à l’hôte des lieux.

  • Bonsoir Beauté, tu étais où ? Je t’ai cherchée partout…
  • Moi, vous devez vous tromper…
  • Je ne me trompe jamais, ma Beauté, c’est toi que j’attendais.
  • Vraiment ?
  • Oui, viens allons boire un verre. Et enlève donc ces chaussures, elles doivent te faire un mal de chien, non ?
  • Oui, en effet, fit-elle en les enlevant et les prenant à la main.
  • Pose ça, tu seras plus à l’aise. Hey toi, fit-il en hélant un serveur, emmène les chaussures de cette dame au vestiaire.
  • Bien, monsieur.
  • Vous êtes un ange, dit Cendrillon au rappeur.

Elle était un peu limitée dans son langage adressé aux hommes gentils ave elle...

  • C’est quoi ton prénom, ma Beauté ?
  • Cendrill…. Euh, Cendry
  • Cendry ? Mais c’est joli ça, autant que toi.

L’air de rien, il jetait de petits coups d’œil aux pieds nus de cette fille. Il n’en avait encore jamais vu des comme ça ! Les orteils ressemblaient à des doigts de mains. Incroyable ! Lui qui avait développé une réelle fascination pour les grands pieds, il était servi. Cette fille était juste merveilleuse.

  • Merci Baboo, je peux vous appeler Baboo ?
  • Oui et tu peux même me tutoyer, Cendry, ma beauté, lui répondit-il en lui prenant le bras.

Pour le rappeur, ele éclipsa toutes les autres femmes de la soirée. Il ne vit qu’elle. Ils parlèrent tous les deux, dansèrent, partagèrent des fou-rires, slamèrent même ensemble. Il était littéralement sous le charme de Cendrillon.

En plus, elle a un flow tellement fabuleux. Elle a dû vivre des trucs pas drôles. On sent que ça vient de ses tripes. Elle est authentique cette fille. Il me la faut sur mon prochain album. Ou plutôt non, je vais produire son propre album. On fera des duos sur mes concerts. Telles étaient les pensées de Baboo89 qui ne quittait plus des yeux cette femme extraordinaire. Enfin une qui ne lui léchait pas les bottes, une qui avait quelque chose à dire, une qui semblait avoir des couilles, des vraies bonnes grosses couilles.

  • Tu m’excuses deux minutes, chéri ? lui dit-elle, le tirant de sa rêverie.
  • Oui, bien sûr.
  • Je vais là où tu ne peux pas aller à ma place.
  • -…???
  • Je vais pisser, quoi…
  • Coquine…. Reviens vite !
  • Oui, à tout de suite.

Elle venait de voir l’heure s’approcher de deux heures du matin. Déjà qu’elle avait eu un grosse angoisse à minuit, des fois que sa tantine se soit loupée pour le rallongement de deux heures. Là, à deux heures du matin, ce serait la fin.

Elle partit en courant vers la sortie, passant récupérer ses chaussures au vestiaire. Dans sa précipitation, elle n’en saisit qu’une seule, laissant l’autre tomber au sol.

- Mademoiselle, vous oubliez…

Trop tard, elle était partie.

Il était 1h58. Elle se précipita vers la voiture auprès de laquelle le chauffeur l’attendait, la portière déjà ouverte.

  • Viiite, il faut y aller !
  • Ça fait longtemps que je vous attends, mademoiselle…
  • Je sais, je sais allez, on fonce à la maison, allez, allez !

La voiture démarra en trombe, et au bout de deux minutes à peine, Cendrillon se retrouva au milieu de la route, pieds nus, avec juste sa blouse grise sur le dos. Elle l’avait échappée belle. Le retour à la maison, à pieds fut long et pénible. Il fallait impérativement qu’elle rentre avant ses cousines et leur mère. Personne ne devait se douter de ce qu’elle avait fait de sa soirée.

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