De l'Interêt du Livre

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Planté devant la boîte à livres, Barnabé réfléchit au pourquoi de cette boîte. Quel était son but ? Que chacun puisse partager ses lectures favorites en ouvrant l’imaginaire d’autrui - une finalité des plus noble - ou bien s’agissait-il d’une poubelle élégante pour bazarder quelques détritus dont on n’ose pas se débarrasser ?

Plus consciencieux que lorsqu’il référençait les ouvrages dans l’archaïque base de données, Barnabé scruta les titres qui jonchaient le petit chalet. Ni les noms d’auteur, ni les titres indigents ne lui évoquaient quoi que ce soit. Il constata que ses connaissances littéraires, plutôt vastes, mais pas si pointues, s’arrêtaient ici : tous ces ouvrages, il n’en avait jamais entendu parler, même celui qui proposait de Maigrir en onze Leçons. Etrangement, ce dernier n’avait pas l’air moins littéraire que les autres propositions.

Alors, par acquit de conscience et pour ne pas céder à la mode de juger sur préjugés, il en tira un au sort, puis un autre : les quatrièmes de couverture ne stimulaient pas son appétit de lecture pourtant féroce. Bien décidé à leur donner une chance, il tomba de haut en parcourant les incipits. Reinbeau évoquait dans un proème la littérature sans orthographe, mais il y avait pire que cela : de la littérature sans style. Et cette malheureuse boîte en était truffée ! Pas étonnant qu’elle exhibe des parties génitales tagguées pour attirer le chaland !

Une dizaine d’incipit plus loin, Barnabé se décida à quitter les lieux et redouta sa prochaine visite : l’objet livre l’attirait terriblement, comme une belle jeune fille. Impossible de ne pas éprouver autre chose qu’un intérêt vif. Mais si la demoiselle est négligée, fermentée, superficielle de surcroit, qui voudrait la visiter en profondeur ? Des gens sans dignité, assurément.

Malgré cette perte de temps, Barnabé s’empara de Maigrir en onze Leçons. Autant qu’un livre soit utile : à défaut de faire grandir l’âme, il peut transformer le corps. Et le sien en avait terriblement besoin vu comment le gras prenait d’assaut sa morphologie. Passer d’un corps de lâche à un corps relâché, voilà qui est préoccupant pour une personne seule qui, à trente ans, venait de quitter ses parents et n’était ni capable de faire son lit, son linge ni encline à cuisiner.

Une fois ne fut pas coutume : Barnabé, trop soucieux de lui-même et de ses besoins factices, en oublia sa mission. Dans la boîte se trouvait un ouvrage qui appartenait à la bibliothèque du temps où elle empilait les livres offerts par des familles fraichement endeuillées. Ce n’était pas de la générosité non, mais du bon sens : les livres, c’est lourd à déménager, et surtout, cela prend énormément de place.

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