XIV -Le Daímôn

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Tes yeux balayent l’horizon naissant du flamboyant.
Auprés du reclus, au sommet de la karoulie, tu n’as pas vu la nuit mourir. En haut déjà les Astres s’éteignent un à un, dévorés par un Soleil altier.

Tu entreprends ton périple, descends ces marches imprudentes ; mais tu t’arrêtes. Aucune ombre ne te suit. À la cime, ton amie renarde te regarde, et toi tu hésites.

« Ne m’accompagnes-tu pas dans cette traversée du désert ?

— Sont-ce là tes épreuves, ton fardeau. Et c’est un chemin de vertu qui s’impose à toi, une traversée des Enfers. Aussi seul et isolé pourras-tu être, n’oublie pas que tu abrites un monde ; et que tu nous y as offert une place.
Je t’attendrai de l’autre côté. »

Marquant le poids des mots, elle poursuit.

« Tu m’appelleras Σαμβύκη. Je saurai où te trouver. »

Au loin, les fumerolles rougies par le matin naissant hurlent en silence ; elles appellent, pleurent du rejet du Ciel. Et de leurs mères qui déjà disparaissent unes à unes.
Tu dois savoir, tu veux voir ; alors tu acquiesces, et reprends ta traversée pénitente. Tu marches dans l’arène qui déjà se fait fournaise, une mer de feu où dansent mystérieux les confins.

Mais ton corps, cette carcasse née du sol, est si lourd.
Tu ne t’étonnes pas de ces membres gourds malgré le feu de l’aube, ni des distances qui se font infinis.
Quoiqu’éveillé, le rêve vient te caresser.

Il est d’une voluptée née d’aveugles plaisirs rassasiés, des désirs inanes niant la moindre opposition ; et on t’as fait goûter à l’idée de tenir un tel absolu, t’élevant tout en haut d’une tour-or, dominant le Monde qui geindrait d’aucune frontière. Là-haut, si haut, tu te murerais d’abondance, noyant la Dignité dans des flots de sucs, de flatteries, et de férules.

La veule Vanité faite reine.

Et elle t’allonge sur un divan enflé de faveurs malavisés. Te sussurant les rouilles merveilles des cycles à venir, un règne qu’elle tiendrait d’une main ferme ; et tu serais là, enlaissé, une bête consorte ; à ses pieds et sans issue.

Tu entends la Mer.

Et dans ce désert, c’est un voile de poussière fauve, un spectre d’ocre, qui se met à recouvrir tes traces.
Il glisse, serpente entre les dunes, jusqu’éclipser le Soleil.

Un songe qui a la douceur de la soie, la chaleur du moire.
Bientôt la soif te saisit.

Un onire qui a le goût de l’ivresse, de l’oubli.
Tu as faim.

Une chimère qui jappe d’une famine de chair, de fièvre !

« Tu rampes, veule animal ! Tu t’affaisses sous tes désirs ! Des appétits qui creusent en toi un appel que la Valeur ne peut tolérer. Tu la sens ; elle gratte en toi, cette pauvre bête entravée ! Laisse-la donc s’ébattre en toute inanité ; ce serait charité, toi qui es accablé du devoir ! »

Tu t’écroules, tu rampes, tu succombes. Le corps griffé, giflé, froissé par ce vent qu’exaltent tes instincts.
Alors, une idée invasive assiège ta conscience : Pourquoi quêter l’inaccessible là où ton corps ne réclame qu’aise et régals. De vulgaires voluptés.

La rouge tempête aurait peut-être raison ? À quoi bon se faire souffrance ?

Ça.

Tu t’extirpes de cette tangue, tu affrontes le Khamsin, tu pénètres en son cœur creusé dans la terre ; creuset délétère où convergent tant de sentiments inconscients. Ta main caresse la croûte fébrile de cette pierre échouée. Ta perle accolée, posée sur cette enclume tombée du ciel ; un souvenir de plaisir, de rire ou d’ire. Et ta main se porte au martel qui orne ta ceinture, et tout le poids des réponses qu’il convoque, et d’un geste ample, ton guide s’abat.

☾*☽︎

Alors tout cesse.
Le tempête fait silence. La roche se fissure, se fracture et s’effondre. Ne laissant que poussières perdues au milieu du désert.

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