- 9 -

3 minutes de lecture

Ils déambulaient presque à l'aveuglette au sein d'un entrelacs de corridors rocheux. Ils frissonnaient. L'écho de leurs pas résonnait et se mêlait aux bruits lointains d'une eau souterraine. Le couple montait ou descendait sans arrêt, ce qui lui donnait l'impression de ne guère avancer ; tous deux redoutaient de ne jamais regagner la surface.

Des parois émanait une douce lueur. La même que dans les abris des Nocturnes. Cela leur permettait au moins de voir où ils posaient leurs pieds, même si, par ailleurs, ils ne savaient guère où ils allaient.

Ils entendaient, répercutées par la résonance, les lamentations du peuple de l'ombre. Cela se traduisait par des trilles et des chants continus chargés de sanglots, de deuil, de rage. Le lieutenant brusquement empli de culpabilité dit à sa compagne :

— Qu'ai-je fait ?

— Ce qu'il fallait !

Choqué, il arrêta sa marche et pivota vers elle :

— Tu es sérieuse ? J'ai littéralement massacré tous ces gens.

— Des gens ? Ce sont des monstres. Et puis ne sommes-nous pas dans la survie ?

Il cilla, soupira et reprit sa marche, non sans déclarer :

— Ce monde a une curieuse influence sur nous.

— Nous n'avons fait que nous défendre, ne commence pas à imaginer des choses.

Il se renfrogna, et c'est en silence cette fois, qu'ils tentèrent de progresser.

*

Dans les grottes, l'affliction des Nocturnes alerta les robots. Ils se figèrent puis s'adressèrent à l'entité gardienne, reprirent leur marche ; capturer, voire supprimer le couple devenait urgent. Ils se rapprochèrent des abris du nouveau peuple, juste ce qu'il fallait pour couper la route aux diurnes qu'ils avaient repéré grâce à leurs multiples capteurs. Les androïdes n'en furent pas moins surpris lorsque, au détour d'un passage, ils tombèrent pile-poil sur eux.

*

L'étonnement mutuel et les réactions d'un côté comme de l'autre, s'avérèrent vives. Les armes furent dégainées, l'énergie et les projectiles libérés.

L'un des êtres d'acier fût le premier à tomber. L'homme avec sang-froid l'avait devancé. Il n'évita pas la riposte du second robot ou plutôt, c'est la femme qui en fut touchée.

Dès lors, l'humain fit pleuvoir sur leurs agresseurs une salve de tirs.

Aveuglé par la colère, il ne visait pas. Mais aussi hasardeuse que soit l'attaque, elle fût efficace.

Bientôt le retentissement destructeur se tut, ne restèrent plus que des carcasses fumantes au sol. Le lieutenant rengaina son arme, se précipita vers sa compagne. Bouleversé, il l'enlaça, la souleva dans ses bras et, le cœur en souffrance, continua son périple.

*

Combien de temps resta-t-il sous terre à arpenter les boyaux froids et humides des biotopes troglodytes ? Il aurait bien été incapable de le dire. Durant cette sorte d'éternité, il résista, avec courage à plusieurs vagues de désespoir. D'autant plus que sa compagne était plongée dans une sorte d'inconscience délirante.

La surface se présenta à lui comme un miracle. Pour la énième fois et sans illusion, le lieutenant avait suivi une vague lueur. Celle-ci, peu à peu, était devenue plus présente et brusquement, la clarté aveuglante d'une voute écrasée de chaleur.

Soulagé, lui resta lucide. Il n'était pas sorti d'affaire pour autant.

La position du soleil dans le ciel voilé révélait le jour finissant ; leur présence dans les sous-sols, avait été longue. De là, pouvait-il espérer trouver un refuge avant la nuit ?

Un gémissement venant de sa compagne lui ajouta une préoccupation supplémentaire et lui rappela la première de ses priorités ; soigner Yséov. Là, il s'aperçut d'un autre problème : le sac d'Yséov, qui contenait les trois quarts de leurs rations de nourriture, était resté dans les grottes.

*

La plongée de 6A42 au cœur des sous-sols fut rapide, contrôlée. Elle rejoignit l'un des boyaux menant aux habitats en quelques minutes. Les plaintes déchirantes du nouveau peuple résonnèrent à ses sens robotiques. Un état proche de la consternation, mais aussi du chagrin la saisit, puis la rage surchauffa un peu plus ses neurones informatiques endommagés. Elle n'eut pas besoin de preuves concrètes pour savoir que le couple était responsable d'un drame ; l'aria funeste qui se répandait dans les cavernes lui l'apprenait. Non sans difficultés, elle retrouva un semblant de calme, et poursuivit sa marche. Elle sentait presque la présence des humains, mais aussi celle d'unités robotiques. Elle n'était donc pas la seule à les traquer. Bientôt, elle fût suffisamment éloignée pour ne plus entendre les complaintes des Nocturnes. Par contre, des détonations se répercutèrent sur les parois des cavernes.

Là, elle reconnut le son particulier des armes des androïdes. S'y mêlaient d'autres tirs. Puis tout cessa. La Gynoïde erra dans les galeries méandreuses du sous-sol ; suivre la piste de fuyards, n'était pas si évident. Elle arriva enfin là où les restes des robots gisaient, les examina, ensuite réalisa qu'elle pouvait utiliser certains de leurs composés encore intacts, pour améliorer son état.

La Robote endommagée ignorait que l'entité gardienne, l'observait...

Annotations

Vous aimez lire Beatrice Luminet-dupuy ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0