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6A42 récupéra sans mal les composants des robots soldats détruits. Néanmoins, elle comprit que les adapter aux siennes risquait d'être difficile, et le travail plus long que prévu. Par ailleurs, l'artificielle savait qu'elle devait trouver un autre endroit pour procéder aux améliorations. Elle devinait, au moins de façon confuse, que les grottes étaient surveillées par l'entité principale et qu'il n'était peut-être pas opportun de rester dans son champ de vision.

Ainsi, avec le matériel dérobé aux carcasses d'acier, remonta-t-elle à la surface. Cela allait donner des difficultés à la gardienne du bunker pour la repérer. Une chance aussi pour notre couple en déshérence ; elle déboucha sur un secteur situé à l'opposé de leur position.

Ainsi, pour tous s'installa une phase d'accalmie : la dernière sans doute avant les tempêtes à venir !

*

Le brûlant s'éleva cinq fois dans le ciel et se coucha tout autant pour laisser place aux étoiles et à la Lune morcelée. Le calme s'étendait sur la planète anhydre. L'homme, aussi surpris que soulagé, ne s'interrogeait pas sur les journées immobiles et les nuits tranquilles passés dans la masure ; il profitait juste de ce repos bienvenu. Yséov allait mieux, sa blessure cicatrisait. Cependant, elle restait fiévreuse ; humeur bizarre et taciturne, sons de voix acerbes et violents, propos parfois décousus étaient son lot. Tout ceci ne rassurait guère l'homme qui s'efforçait, malgré tout, de faire bonne figure et de rester optimiste. Son plus grand souci ? Les réserves de rations alimentaires qui s'amenuisaient. Trouver une alternative avant qu'ils ne meurent de faim devenait sa priorité.

Au matin du sixième jour, il prit le risque de la laisser seule. Elle était à peu près lucide avec moins de température que les jours précédents. Toutefois, il lui conseilla le repos et, afin de prévenir tout problème d'intrusion, brancha la clôture énergétique. Enfin, il partit à l'aventure. Le soleil déjà chaud de ce début de journée faillit le faire renoncer à son exploration. L'urgence de la situation décida pour lui. Muni d'une gourde d'eau, d'un couvre-chef, et surtout armé, l'homme quitta le petit bois de résineux. L'astre brûlant l'étreignit, et il se dit qu'il n'avait pas intérêt à trainer. Il repéra une sente à peine visible et s'y engagea. Celle-ci louvoyait entre deux collines roussies de chaleur et descendait en pente douce vers le nord ; ainsi suivait-il les conseils délivrés par la gynoïde tout juste une poignée de jours plus tôt (il lui semblait que cela faisait mille ans). Ne leur avait-elle pas dit que, par là-bas, se trouvait une cité ? Il espérait, sans trop se faire d'illusion, y parvenir, où tout du moins relever des indices qui lui indiqueraient la bonne direction. Pouvait-il présumer sur de la nourriture au sein de cette hypothétique ville ? Il pensait que oui. À ses yeux, de toute façon, l'environnement hostile où il se mouvait ne paraissait receler aucun végétal comestible ni animal qu'il aurait pu chasser.

En attendant, une ombre relative le préservait un peu de l'éclat ardent du jour. Alors, il hâta le pas. Où que ce soit, il convenait qu'il y arrive vite. Sa survie et surtout celle de sa conjointe en dépendait !

*

Yséov luttait. Non avec une souffrance physique insurmontable, plutôt contre un emportement de l'esprit qui la terrorisait. La solitude aidant et sans la prèsence rassurante de son compagnon, Son âme lui échappait. Elle s'éloignait et avec ça, son raisonnement. Ne restait en elle qu'une violence inouïe. La faiblesse interdisait à la femme de quitter son refuge afin de chercher, trouver et donner expression à cette rage qui couvait tel un feu sous une cendre ardente. À la place, elle restait là, prisonnière de sa défaillance corporelle. Un soulagement ? Elle n'aurait su le dire. Une seule certitude ; elle perdait pied. Sa frayeur en était amplifiée, ainsi que sa fureur.

Celle-ci se couplait avec un murmure étrange s'insinuant dans son cerveau, une sorte de leitmotiv, une injonction de mille chants qui lui ordonnait à l'unisson :

Lève-toi et cherche le lieu de cette musique qui te lancine, et là, tu la tueras, alors tout cessera…

"Assez ! Taisez-vous !Laissez-moi !", suppliait-elle.

Elle criait à s'en égosiller. Pourtant sa voix n'était qu'un infime filet, à peine un chuchotement ! Des visions l'assaillirent à l'improviste :

Sang, chair qui se déchire, corps qui se consument, bâtiments qui s'écroulent et ciel qui se fend ! Un astre se craquèle et explose ; l'éther prend feu !

Yséov eut l'impression qu'elle aussi se consumait, elle hurla son épouvante…

*

Le sentier sur lequel il cheminait s'agrandissait progressivement. Le grillé des collines s'éffacaient. Depuis combien de temps marchait-il ? Quoi qu'il en soit, Il posa le pied sur une surface plane et large. Œuvré d'un revêtement sombre qui fondait presque sous l'ardent. Il comprit qu'il n'avait rien de naturel. Le front en sueur, éblouit, son regard s'égara au loin. Il arrêta net sa marche, statufié de surprise. Le temps d'un souffle, il crut à une hallucination, mais il s'agissait bien de bâtiments qui occupaient tout l'horizon ; une cité immense, à moins d'une centaine de mètres. Beaucoup plus près que ne l'avait assuré la Gynoïde. Il ne se posa pas plus de questions, à quoi bon ? Il fallait juste profiter de cette opportunité. Et, oubliant sa lassitude et toute prudence, il franchit, en courant, la distance qui le séparait d'elle.

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