Chapitre 60

4 minutes de lecture

Septembre 2042

(Elïo - 17 ans)

   Dans l'amphithéâtre 4C, les étudiants de première année écoutent avec attention leur professeur situé en contrebas. La cadence du cours est rythmée, si bien que hormis la voix de l’enseignant le silence règne et chacun tente tant bien que mal de retranscrire sur son ordinateur l’intégralité de la leçon. Tous sauf un : Elïo. Assis à l'avant-dernier rang, un regard vitreux porté vers l’estrade, il pianote de ses phalanges contre sa joue.

  • Tu ne prends aucune note ?

Sa tête roule en direction de l’importun. Son voisin chevelu vient de l’extirper d’une équation insoluble. Comment lui expliquer ? Le théorème de Viriel, aussi bien soit-il exposé par leur professeur, ne le captive pas. Il ne lui est pas inconnu, pas plus qu’une bonne partie du programme de l'unité d'enseignement d'initiation à l’astrophysique. Ces dernières années, sa fascination pour le monde cosmique et sa volonté de trouver des réponses à ses éternelles énigmes lui ont permis d’acquérir des connaissances bien au-delà d’un apprentissage de premier ordre. Sa bibliothèque, débordante d’ouvrages en cosmologie, atteste de ces nombreuses heures de documentation.

  • Tu fais partie de ceux qui ne sont là que pour bénéficier d’un logement étudiant ?

Le ton dénonciateur de son interlocuteur n’est toujours pas maquillé.

  • Je ne te dénoncerai pas. Je sais que le marché de l'immobilier locatif est extrêmement tendu notamment en raison des dernières réglementations en termes d'isolation avec notre ère climatique, mais sache que je ne cautionne ni les fainéants ni ceux qui profitent des failles du système.

Derrière ses lunettes rondes, le garçon aux boucles rebelles affiche fièrement son air réprobateur.

  • Ce n’est pas tout à fait ça, répond Elïo. Comment t’appelles-tu ?
  • Henry.
  • Enchanté Henry, moi c’est Elïo.

La main offerte désarçonne son voisin qui ne sait plus quelle attitude adopter. Mû par une politesse inconditionnelle, il rend une poignée hésitante alors que tout ce qu’il voudrait c’est écouter le cours et continuer de prendre des notes.

  • Je ne bénéficie d’aucun logement étudiant et en dépit de mon oisiveté je ne suis pas là pour me tourner les pouces. C’est que je connais déjà tout ça alors je m’égare dans mes pensées. D’ailleurs si jamais tu as des questions ou besoin d’aide sur le sujet je te répondrais avec plaisir.
  • D‘a…d’accord.

Le cours se poursuit, la curiosité sur l’expression d’Henry s’efface et son attention se raccroche aux paroles du professeur tandis que l’esprit d’Elïo reprend son éternel marathon. Les vibrations dans la poche de son pantalon le ramènent sur les bancs de la faculté. L’écran téléphonique affiche le nom de Jean mais il ne décroche pas. Une fois le cours terminé, Elïo prend la direction du réfectoire et compose le numéro de son meilleur ami.

  • Allo, Jean.
  • Salut, Elïo ! Excuse-moi, je n’avais pas vu l’heure, tu devais certainement être en cours.
  • Ne t'inquiète pas, cet enseignement n'était pas très intéressant de toute façon.
  • Ça ne me surprend pas ! Je t'imagine déjà major de ta promotion.
  • Je n’aurai pas cette prétention, mais tu n’as pas tort, je crains qu’une partie de mes cours de première année ne soit barbante. Parlons d’autre chose : comment vas-tu ?
  • Très bien. Je t’appelai justement pour t’annoncer quelque chose. Je…
  • Oui ? Qu’est-ce qu’il t’arrive ?
  • J’ai… J'ai rejoint la brigade anti-feu du département. Tu m’avais demandé de te prévenir dès que ça arriverait.
  • Oh ? C’est une super nouvelle !
  • Oui c’est super…
  • C’est une prouesse, tu dois être une des plus jeunes recrues ! Mais je sais que tu tiendras le rang aussi bien qu’un vétéran.
  • Oui.

Dans l’attente de la suite, Elïo continue sa traversée du campus de l’université. Des centaines d’étudiants convergent pour la plupart vers le même point de ralliement, celui où les revendications de leur estomac seront apaisées.

  • Jean, quelque chose te tracasse ?
  • Je n’arrive pas à faire comme si de rien n’était.
  • On en a déjà parlé. Je suis passé à autre chose et même si je ne peux cacher ma déception de pouvoir être à tes côtés je suis sincèrement heureux pour toi. Tu le mérites plus que quiconque.
  • Pardonne-moi. Ma frustration ne désemplit pas. Mais j’arrête d'enfoncer le couteau dans la plaie, promis.
  • Oui et tu peux être fier de toi. Félicitations, Jean.
  • Merci, Elïo. J’en profite pour te dire que Mélanie a aussi rejoint mon équipe. Orson, de son côté, a pris un poste vacant en Bretagne.
  • Excellent ! C’est cool que Mélanie et toi soyez dans la même caserne. Et rien d’étonnant à ce qu’Orson retourne à ses origines, il n’a jamais cessé de nous faire miroiter la vie parmi les siens.
  • Oui, nous sommes très heureux… Puisqu’on est dans la confidence, j’en profite pour te dire qu'après notre brevet de jeunes sapeurs-pompiers il y a un an, lorsque Mélanie a appris que tu ne pourrais prétendre au statut professionnel, elle ne s’est pas privée de s’en outrager auprès du lieutenant Meric. Ça lui a valu quinze jours de mise à pied.
  • Elle ne changera jamais ! rit Elïo de bon cœur.
  • Ça non, on ne la changera pas ! Je suis content de la compter à mes côtés, mais…
  • Aller ne recommence pas. Vu que tu restes dans la région, on se voit dès que possible ! Je dois te laisser, je rejoins un camarade de classe, il faudra que je te le présente à l’occasion, il s'appelle Henry. Je suis sûr que vous vous apprécierez.

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