❂❂❂ Epilogue ❂❂❂

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   Les premiers rayons du jour pointent le bout de leur nez. Un frisson me parcourt. Je me tiens assis en tailleur au beau milieu de mon jardin comme chaque matin depuis une semaine à contempler l’aurore d’une nouvelle aube, l’aube d’une nouvelle ère. La nature s'éveille, elle renaît et je me contente de l'observer. Je l’observe sortir peu à peu de sa léthargie. Je l’admire gagner avec parcimonie les couleurs de la vie. Outre sa ponctualité immuable, je remercie le grand chef d’orchestre de peindre notre quotidien d’un tel tableau. Sous l’action de son pinceau lumineux, le panorama s’ourle d’un horizon doré, dont le reflet colore d’un bel orangé les quelques nuages bas situés. Enhardis par tant de générosité, les oiseaux chantent la promesse d’une belle journée, les abeilles, prêtes à butiner, dérouillent leurs ailes filigranées tandis que les rongeurs regagnent leur tanière, leur quête nocturne les aura épuisés. Dans notre pavillon de campagne, les courageux matinaux - certains diront chanceux - apercevront une fois le mois un cervidé, une chouette effraie et parfois même un renard égaré. Je me souviens avoir croisé l’un d'entre eux au loin, il y a quelques années, depuis ce même promontoire herbeux qu’est mon jardin. Tout juste avais-je eu le temps d’entrevoir sa coquette fourrure rouille qu’il disparaissait dans les prés. Il regagnait les siens, le poil humide au regard de la rosée matinale. Je ne l’ai plus jamais revu.

Assujettie à la loi du plus fort, parfois tragique, parfois injuste, la nature reste belle de richesse et d’ingéniosité pour qui sait l’apprécier. Jusqu’à présent, elle n’a été que torturée par mes semblables et tel ce renard, sans aucun doute traqué depuis ses premiers pas hors de son terrier, mon fils, Elïo, a subi les épreuves de notre société. Envoyé des cieux, il a lui aussi rejoint son véritable foyer. Cela fait plusieurs mois déjà. Plusieurs mois de pleurs incessants, de chagrin et d'incompréhension. La même tristesse intestine a frappé Julie, pourtant elle m’a soutenu. De mon être, il ne restait qu’une ombre vidée, informe et décharnée. Elle m’a porté dans ce malheur, dans l'infinie souffrance qu’est celle de perdre son enfant et par la douceur de ses mots s’est envolée une fraction de ma douleur. Elle a été ma lumière, comme toujours. Celle que l'on entrevoit au bout du tunnel, mais qu’on ne daigne considérer lorsque l’on se morfond dans le désespoir.

Aujourd’hui, aux côtés de ma bien-aimée, je me relève. Je respire de nouveau. Les paroles d’Elïo résonnent dans ma tête et je les comprends. Son absence reste amère, mais j’accepte notre condition. J’accepte l'impensable et l'invraisemblable. J’accepte le passage éphémère de notre fils sur Terre et je me tiens là chaque matin face à lui. Je l’écoute, je l’entends, je pleure, c’est invariable, mais je le sens tout près de moi. Ces mots, sa voix, son rire chaud, son intelligence, sa perspicacité, sa bienveillance, sa grande générosité, tout ça resurgit en moi. Il est là, quelque part. Il me console, me rassure, s’excuse de son choix. Son sacrifice, il l’a pris en son âme et conscience. Il l'a fait pour nous, pour moi, mais aussi et surtout pour ce monde silencieux qui s’éveille chaque matin, s’endort au crépuscule et souffre dans l’indifférence collective de notre bêtise humaine. Pour cette faune, pour cette flore, pour ces insectes, ces oiseaux, ces mammifères, ces poissons, ces végétaux, pour ce produit de milliers d’années d’évolution, pour cet écosystème inconsidéré dont on ne parle pas, dont on parle trop peu. Cet égard-là, vestiges de nos aïeux, a été remplacé par une multitude de besoins fictifs, au grand damne de la nature, mais aussi de notre prospérité et souveraineté. L’Homme reste pourtant aveugle de tant d’évidence.

Alors, sans avoir rien que ma seule volonté, que la force de croire en mon prochain, je me dévoue à cette nouvelle aventure, celle que mon fils nous a léguée. L’aventure pour notre bien à tous, un monde pour nous mais aussi pour tout ce qui nous entoure, un monde sobre et clairvoyant. Devant ma petite personne, face à mon regard droit, crédule mais résolu, mon fils rayonne. Il me caresse d’un éclat étincelant. Le jour s'étend. Le Soleil est grand. Le Soleil se lève.

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