Chapitre 10

5 minutes de lecture

4 février 2025 - 18 heures et 15 minutes

  Après avoir repris mes esprits, je remonte dans la voiture et roule direction l'hôpital.

Lorsque j'arrive à la maternité, je ne comprends pas tout de suite ce que l’infirmière m’explique. Elïo est en service de néonatalité, il va bien. Mais Julie a fait une hémorragie de la délivrance. Le terme résonne dans ma tête. Avant même qu’on ne m’explique la sévérité de la situation, je sais que ce n’est pas bon. Julie a été emmenée au bloc opératoire où, en plus des transfusions, des gestes chirurgicaux sont nécessaires pour contrôler l'hémorragie.

Je reste transi. L'épisode dans la voiture me revient à l'esprit. Je culpabilise.

  • Vous pouvez aller voir votre petit au service de néonatalité qui se trouve au rez-de-chaussée. Nous vous tiendrons au courant, moi ou mes collègues de l’évolution.
  • Je vous remercie …

L'infirmière se retire. Je reste hébété un instant dans le couloir blanc de l’hôpital. Les images continuent de défiler dans ma caboche fatiguée. Je tente de me rassurer. J’ai fait du mieux que j’ai pu.

La mine de notre enfant surgit dans mes pensées et je me ressaisis. Julie va s’en sortir, ça n’est possible autrement. Et si ce n’est pas le cas, je serai dévasté c’est sûr, mais je me relèverai. Pour notre enfant. Pour la chair de Julie, mon âme sœur. Pour la rendre fière. Oui.

Au service de néonatalité, on m'indique la chambre numéro quatre. J'y retrouve notre bébé installé dans une couveuse. Deux autres enfants allongés dans le même type d’appareil occupent la pièce. Les trois couveuses sont séparées par des rideaux jaunes. Un couple de parents est penché sur celle située prés de la fenêtre. Je les ai salués de la tête et j’ai pris garde de ne pas trop faire de bruit lorsque je me suis approché de mon petit.

Il a les paupières fermées. Il est calme pour le moment, mais gesticule sans grande efficience. Magalie, une des infirmières du service, m’a dit qu'il allait très bien et qu’il n’avait pas besoin de plus de soins malgré sa prématurité de quatre semaines, ce pourquoi je peux le visiter. Je susurre :

  • Bonjour Elïo.

Pas de réponse. Je pouvais m’y attendre, mais avec tout ce qu’il vient de se passer je ne suis plus sûr de ce qui est normal ou non. Je me sens obligé de lui parler. J’ai besoin de me confier et d'extérioriser. Peut-être comprendra-t-il ce que je vais lui confier.

  • Tu es un petit garçon spécial, Elio.

Il se contracte soudainement, il tend ses bras et ouvre grand la bouche. Il bâille. Je vois ses petites gencives dénudées déjà prêtes pour la future tétée et je me sens impuissant.

  • Ta maman nous rejoindra dès qu’elle le pourra. Tu étais si pressé de nous rencontrer que nous avons a été pris par le temps.

Hormis les parents d’à côté, le silence règne. Mon index vient se glisser dans la main d'Elïo qui l'aggripe immédiatement de ses phalanges minuscules.

  • Je ne te cache pas qu’on a eu quelques difficultés, mais ça va aller. Maman va s’en sortir.

Je le regarde. Il est beau. Enfin je ne suis pas sûr. Son teint est encore rouge et ses paupières gonflées. Ses membres me paraissent rachitiques quant à son ventre tendu, il me semble démesuré pour le reste de son petit corps. Pourtant à moins que le liquide amniotique ne contienne de la bière, je n’ai aucune explication à cet embonpoint ventral.

Malgré tout, oui, je le trouve magnifique. C’est la rencontre de Julie et moi . De deux gamètes qui n’auraient jamais dû se rencontrer. C’est le résultat d’un accouchement trépidant au milieu d’une rue au nom pétillant.

  • Tu es l’enfant de l’allée des étoiles.

Elïo ouvre les yeux l’espace d’une seconde pour laisser apparaître ses prunelles. Je ne suis pas déçu.

Je le regarde encore de longues minutes avant qu’il ne s’endorme. Le fauteuil, qui est collé à la couveuse, m'offre un agréable support et je ferme les yeux à mon tour.

Lorsque je me réveille une heure plus tard, Magalie me secoue le bras.

  • Votre compagne est sortie d’affaire. Nous l’avons installée dans une chambre seule à la maternité. Elle se remet doucement. Elïo est avec elle. Vous pouvez les rejoindre.

Mon cœur s’accélère. Je suis rassuré et pourtant cette information me soulage tellement que mes artères en palpitent.

Les couloirs de l’hôpital se ressemblent tous, mais heureusement les services sont bien indiqués et je rejoins la chambre indiquée par Magalie. À l’intérieur, Julie est allongée dans un lit et notre bébé dans sa couveuse qui le jouxte.

Je me dirige en premier vers Julie. Je lui prends la main et la serre avec douceur. Elle s’éveille à moitié et tourne vers moi un regard encore anesthésié. Elle est toujours sous l’effet des calmants, mais elle me reconnait et me cède un sourire.

  • Comment ça va ? chuchoté-je.
  • J’ai quelques douleurs dans le bas ventre… mais ça peut aller.

Je dépose un baiser sur son front.

  • J’ai tout juste pu voir notre bébé … Comment est-il ?
  • Il est magnifique.

Des larmes gonflent sur ses paupières qui se referment.

  • Ne lâche pas ma main, murmure-t-elle.
  • À vos ordres, princesse.

Elle se rendort. Je dégage son visage de quelques mèches rebelles. Ses traits sont tirés, mais elle semble apaisée.

  • Tu as été courageuse ma chérie.

Je la regarde encore quelques instants puis j’examine la pièce autour de moi. Les murs sont rose pâle, quelques exclamations des infirmières me parviennent du couloir. Dehors, la nuit est tombée. L’ambiance est calme et rassurante. Je n’entends que les respirations de mes deux trésors.

Je reste assis aux côtés de Julie un long moment en lui tenant la main. Quand je suis sûr qu’elle dort profondément, ma main lâche la sienne et je me dirige vers Elïo. Lui aussi semble serein.

Nous avons traversé de belles péripéties. Mais nous voilà réunis. Je profite à nouveau d’un fauteuil médical pour m’allonger. Je n’ai pas faim. Très vite je m’assoupis, moi aussi.

Dans la nuit, les infirmières sont venues nourrir Elïo. Au petit matin, je le prends dans mes bras pour le poser contre mon torse alors que je m’allonge une nouvelle fois dans le fauteuil. Des rayons lumineux pénètrent au travers des rideaux lamellaires et nous illuminent tous les trois. Le soleil se lève.

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