Prologue : Petit Hugo deviendra une princesse
Pour les parents d'Hugo, les choses avaient toujours été très claires :
— Quand je serai grand, je serai une princesse parce que je veux me marier avec un prince !
Difficile d'avoir des doutes, même face à un petit garçon de huit ans.
Hugo était un personnage haut en couleurs, extravagant. Il aimait les belles choses, les bijoux, le maquillage, le parfum. Il pouvait passer des heures dans sa chambre à préparer ses fiançailles en présences de ses peluches et poupées. Cela peut sembler un peu "cliché", mais c'est ainsi qu'il était heureux.
Ses parents l'aimaient plus que tout au monde, il était leur petit trésor, leur bébé d'amour. Mais ils étaient inquiets de ce que les autres pensaient, de ce que le pauvre Hugo aurait à supporter tout au long de sa vie. Heureusement pour eux, dès la maternelle, un ange gardien prénommé Joris le prit sous son aile.
Joris était plus grand que la moyenne, il faisait aussi plus vieux que son âge. À six ans, les gens lui en donnaient dix. En plus, il n'était pas du genre à se laisser faire et ne se gênait pas pour rendre coup pour coup. Une protection qui leur permit à tous les deux de grandir sans traumatisme, l'un imposant le respect, pendant que l'autre se pavanait avec ses baskets clignotantes à paillettes. Un duo détonant qui resta soudé jusqu'à ce que leurs chemins se séparent pour leurs études respectives.
Joris aimait le sport, tous les sports. Ce n'était pas un intellectuel et il n'était pas très bon en cours, mais c'était une bête de muscles et d'endurance, exactement ce qu'on attendait de lui. Il avait une force naturelle et une aisance à pratiquer n'importe quelle activité physique, ce qui l'orienta vers un métier en rapport avec ses capacités.
Hugo n'avait pas vraiment d'ambitions ou de passions. Il aimait se dire qu'un jour, un beau prince l'épouserait et lui offrirait la vie de princesse qu'il méritait. Mais avant tout ça, il devait tout de même s'orienter vers une carrière. Papa étant assistant en agence bancaire et maman comptable, ses facilités pour les chiffres le poussèrent vers un métier des plus banals : agent d'assurance.
Mais pour lui, c'était une certitude : ce n'était que temporaire.
—
À vingt-et-un ans, leurs diplômes en poche, Hugo et Joris décidèrent de s'installer en collocation, en plein cœur de la ville de Lyon. Tous deux ne tardèrent pas à trouver un emploi et à s'offrir une vie confortable, mais monotone.
Malgré les sorties et les rencontres, Hugo désespérait de trouver l'amour pendant que Joris enchainait les conquêtes, filles et garçons, sans se soucier du lendemain. Oui, Joris était bisexuel, ce qui aurait pu faire le bonheur d'Hugo, s'ils ne se voyaient pas comme de véritable frère de sang.
Hugo n'était pas dupe. Même si l'idée de rencontrer l'amour de sa vie numériquement le blasait au plus haut point, il n'avait pas le choix que d'être inscrit sur les sites de rencontres pour augmenter ses chances. Selon ses différents profils, il se décrivait comme un éternel romantique à la recherche du grand amour, ce qui, dans le milieu gay et son écœurante superficialité, n'est pas forcément la meilleure approche. Malgré son mètre soixante-dix-huit et ses séances de gym régulière, ses boucles brunes, ses yeux bleus et son apparence d'adolescent attiraient essentiellement ce que lui appelait "les sosies de tueurs en série".
— Regarde celui-là ! Le portrait craché de Michel Fourniret…
Joris le taquinait souvent de la situation. Pour lui, la vie était bien plus simple. Il lui suffisait d'une photo de son corps taillé par l'effort pour faire tomber filles et garçons de tous âges. Ses deux mètres pour cent-vingt kilos et sa peau bronzée par les cabines UV lui donnait un teint de brésilien, chaud comme la braise d'un feu de camp sur une plage de Copacabana.
— Pour moi, les blacks sont les plus chauds de tous. En général, les meufs ont des formes généreuses et sont très ouvertes aux… expérimentations ! Et les mecs… c'est la même chose, mais avec un truc en plus qui te fait passer de "oh oui" à "OH OUIIIIIII" !
— J'ai compris ! Pas besoin de me faire un dessin…
Même s'il ne comprenait pas sa quête incessante de plaisir, Hugo enviait l'attraction naturelle que Joris avait sur les hommes. Lorsqu'ils sortaient ensemble, il pouvait passer des heures à le regarder séduire les trois-quarts des célibataires présents et il savait qu'en cas de besoin, Joris se ferait un devoir de venir à sa rescousse.
Le code était :
- Haussement des sourcils et sourire = potentiel époux en devenir.
- Froncement des sourcils et haussement des narines = alerte au lourdingue.
Une technique qui l'avait souvent tiré de rencontre indésirables, mais qui le faisait régulièrement rentrer seul en fin de soirée, tandis que Joris disparaissait en charmante compagnie. Pourtant, Hugo ne demandait pas grand-chose. Un homme, pas trop vieux, pas trop jeune, de préférence grand et bien bâti. Une rencontre Hollywoodienne, un jour d'automne, une rue, un parc, une bousculade, leurs mains qui se frôlent, leurs regards qui se figent, un sourire extatique, des yeux qui brillent, le cœur au bord des lèvres, des gestes lourd de sens.…
Hugo désespérait et le prince charmant se faisait désirer…
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