Tequila

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La nuit avait une odeur chaude.

Tout au long de la journée, le soleil avait tapé inlassablement sur les façades boisées des habitations.

Au loin quelques criquets penaient à troubler la paix du village.

Rachel n’était pas encore couchée. Elle regardait à travers les carreaux de la pièce à vivre, qui servait également de cuisine et de chambre pour Obadiah. Il avait eu la bonté d’âme de lui laisser le minuscule debarras du fond pour chambre. Lui, dormait donc dans la pièce principale, séparée par un rideau qu’elle avait cousu et installé.

Songeuse, elle tendit soudain l’oreille. Ce silence... Elle comprit aussitôt : La chienne ! Bon sang ! Pas un seul aboiement !

Voulant en avoir le cœur net elle passa sur ses épaules un châle de laine marron et enfila une paire de sabots. Là, à la petite niche, une corde rongée traînait mollement sur le sol. Tequila s’était une fois de plus fait la malle…

- Oh mais si je t’attrape toi ! Quand elle a ses chaleurs elle devient impossible ! bougonna-t-elle.

Les rues étaient vides, à l’exception du saloon qui déversait sa lumière dorée sur la terre battue. Des éclats de voix avinés en sortaient, échos de rire et de dispute. Rachel profita de cet éclairage pour y voir clair.

- À tous les coups, elle s’est planquée dans l’écurie des Whitaker.

Le lieu était une écurie-pension, un « Livery Stable ». Il se situait au bout du village. Rachel s’y rendit, sans savoir qu’en passant devant le saloon elle avait attiré l’attention d’un indésirable…

Elle poussa la large porte coulissante. L’air était chargé d’odeurs lourdes : crottin, sueur des chevaux, foin sec, cuir graissé… Bref, une odeur fauve. Dans la pénombre filtrée de poussières, elle entendait le bruit régulier des sabots grattant le sol et le froissement des crinières.

Des charrettes s’alignaient contre le mur, les roues cerclées de métal, luisantes de graisse. Plus loin, quelques selles pendues à des crochets projetaient de grandes ombres sur la paille. Un cheval attira l’attention de Rachel. C’était la belle jument de McGraw. Elle s’approcha et tendit la main vers son museau.

- C’est donc ici que tu es toi…

- Et oui chérie, comme tu le vois…

Une voix s’était élevée derrière la jeune femme. Une voix grinçante, qu’on imagine pleine de vice... et de whisky. La silhouette sombre fit coulisser la porte derrière elle. Elle s’avança et s’arrêta dans le halo que laissait passer une des lucarnes. Un petit homme grêle d’une cinquantaine d’années se tenait là, les jambes arquées et la gueule de travers.

Rachel resserra le châle sur sa poitrin, mais se refusa à tout mouvement de recul.

- Les Whitaker savent que tu rôdes la nuit chez eux ? reprit l’homme.

-Je ne « rôde » pas, il n’y a que les coyotes pour rôder. Je cherche mon chien. D’ailleurs il n’est pas ici, je n’ai donc aucune raison de rester plus longtemps. Bonsoir.

Et d’un pas déterminé elle tenta de le contourner pour sortir. Mais il tendit le bras. Dans sa main, un fouet enroulé, lui barrait le passage.

-Il n’est pas tard… Nous avons tout le temps de faire connaissance ma jolie.

Et de son autre main il tira sur son ceinturon en un geste significatif.

Rachel sentait la panique la gagner, elle s’efforça de rassembler son courage et de poser sa voix pour ne lui donner aucune satisfaction.

- Je n’ai aucune envie de vous connaître.

Heureusement pour notre héroïne, l’intrus était déjà bien imbibé et n’était donc pas si stable sur ses courtes pattes. Elle fonça, en le bousculant de toutes les forces dont elle était capable malgré l’angoisse qui lui tordait le ventre. Elle réussit à passer la porte coulissante. Mais à peine le pied dehors, l’ivrogne, qu’elle avait sou-estimé, l’attrapa par son chignon, l’obligeant à basculer en arrière. Rachel poussa un cri et telle une chatte enragée se débattit, cherchant à mordre et griffer.

- Hééé ! Garce ! Je m’en vais te calmer moi, tu vas voir !

- C’est toi qu’on va calmer, si tu ne la laisses pas tranquille…

- Hein ? Quoi ? Qui va là ?

Dans l’ombre. L’ombre terrible de la nuit. Perçait une petite lueur rougeâtre d’une pipe qui se consumait.

Rachel retint son souffle…

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