Chapitre 8

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L’heure tardive à laquelle nous sommes rentrés ne m’empêcha pas de rentrer me reposer à mon appartement. J’avais besoin de retrouver un endroit où je me sens suffisamment en confiance pour baisser ma garde et relâcher la pression de ces derniers jours.

Il est midi passé quand j’émerge de mon sommeil, les muscles tout endoloris. Je reste allongé un long moment à fixer le plafond en repensant aux événements de la veille. Tout le monde s’en est bien sorti, certains plus que d’autres mais dans l’ensemble, la mission fut une réussite et ce malgré les imprévus. Je passe les doigts sur mon cou, à l’endroit où cette brute m’a agrippé hier. J’ai vraiment cru que c’était la fin. Ma fin. Quelle chance j’ai eu, qu'Adrien ait été là. Je me suis retrouvée plusieurs fois dans des situations dangereuses, où ma vie était en jeu, mais j’ai toujours réussi à m’en sortir seule. Hier, que je veuille me l’avouer ou non, j’ai été confronté à une force de la nature et il en a fallu une autre pour que je m’en sorte. Cela remet pas mal de choses en perspective. D’où la nécessité de rapidement sélectionner mon binôme.

Je me lève et décide de m'activer. Il est rare que je traîne au lit mais les derniers événements ont eu raison de ma discipline : mes cauchemars, l’arrivée des recrues, l’anniversaire de Sandra et pour finir cette mission.

Une fois ma douche terminée, je sèche mes cheveux et les noue en un chignon soigné. Je passe quelques coups de pinceaux sur les bleus visibles dans mon cou et jugeant le résultat satisfaisant, je m’habille de mes vêtements habituels : un t-shirt ajusté, un pantalon et des bottes, tous les trois, de la même couleur noir.

Je me dirige ensuite vers la cuisine. J’ouvre le frigo et constate avec étonnement que j’ai de quoi me faire un petit déjeuner décent. Au vu de l’heure qu’affiche l’horloge murale sur ma droite, je dirai qu’on n’est plus à l’heure du déjeuner, mais j’aime penser que le petit déjeuner se prend à l'heure à laquelle on se réveille.

Un sourire fugace étire mes lèvres à cette pensée. Ça me rappelle ma mère. D’aussi loin que je me souvienne, elle avait un tout autre avis sur le sujet, et j’ai encore en tête ses réprimandes sur les horaires qu’une personne respectable se doit d’observer.

Une personne respectable, quelle blague !

Mes souvenirs d'elle sont flous et peu à peu, son visage s'estompe dans ma mémoire. A ce constat, mon sourire s’estompe. Par moment, je ressens comme une brise légère, son regard débordant d’amour pour ma sœur et moi. Mais en ce qui concerne le respect des convenances, elle devenait une toute autre personne. Rigide et intraitable. Ses origines aristo anglaises y étaient sans doute pour quelque chose, et malgré les circonstances de notre naissance, elle tenait à nous inculquer la même éducation.

La cuisine donne sur le séjour et contrairement à la chambre, j'ai déployé un effort considérable pour la décoration. Un canapé beige de deux places est installé à l’angle de la pièce devant laquelle repose une table basse en bois clair. Sur le mur en face, est incrustée une télévision de cinquante pouces que je ne regarde jamais mais que le vendeur m'a vivement recommandé comme étant l’une des dernières merveilles de notre ère. Sur le côté, la cuisine, dont les armoires sont peintes dans le même ton que celui de la table basse. La bibliothèque est ma pièce préférée même si j’ai de moins en moins du temps pour lire. Elle s'étend sur deux mètres dans les tons marron foncé et noir et contraste avec les couleurs claires des autres éléments du séjour.

Je prépare mon repas et prends le temps de le savourer : des œufs brouillés, du pain perdu et du chocolat chaud. Une fois terminé, je prends mes clés et sort de chez moi, de bien meilleure humeur. Avoir le ventre plein, rend toujours moins grognon.

L’après-midi est déjà bien avancée quand je me gare sur le parking du centre. Je me dirige directement vers la grande salle de réunion où toute l’équipe est rassemblée. J’aperçois Ricky et Taylor à l’entrée dans une conversation pour le moins enjouée et qui perd en ardeur à mon approche. Après un salut rapide à Ricky qui hoche la tête en guise de réponse et un Taylor qui me lance un salut discret, nous nous dirigeons tous les trois à l'intérieur.

Un pied dans la salle et mes sens s’éveillent. Mon regard tombe directement sur Adrian qui m'observe à son tour.

— Bonjour, dis-je à l’attention de toute l’équipe.

Les discussions s'estompent jusqu'à s'éteindre complètement. Ils se tournent tous vers moi.

— À la vue de vos têtes, je pense que la nuit a été bonne…peut-être pas spécialement pour toi Antonio.

Le concerné a le visage enflé et les yeux légèrement rouges.

— J’ai connu pire, dit-il la voix rauque.

— Je parie qu'il s’est fait dessus hier, s'esclaffe Luis dont le sourire s’éteint progressivement à la vue de mon regard désapprobateur.

— Je tiens à tous vous féliciter pour la réussite de la mission. Pour une première et malgré les imprévus, nous nous en sommes plutôt bien sortis.

Je lis de l’approbation sur les visages et m’arrête sur celui de Jorys.

— Surveille tous les canaux de transmission, Sanchez est sûrement hors de lui et je veux savoir tout ce qui se dit à ce sujet. Je suppose que les enrégistrements des caméras de surveillance ont déjà été effacées.

Il hoche la tête et ajoute.

— J’ai détruit le téléphone cloné. Le garder plus longtemps et ils auraient remonté à nous. Et j’ai effacé toutes traces de notre passage dans leur système.

— Parfait, dis-je contente de son travail.

— Je pense que si vous êtes là, ce n’est pas uniquement pour écouter mes félicitations, dis-je sur un ton plus sérieux. Je n’aime pas tourner autour du pot alors je vais aller droit au but. J’ai promis de choisir mon binôme à la fin de cette mission, mais au risque de vous décevoir, je n’ai choisi personne. Pas encore, précisé-je.

Je me tourne légèrement vers Ricky, pas le moins du monde étonné de ma décision. Mais je lis de la déception dans le visage des hommes en face de moi et de la surprise dans certains.

— Vous m’avez agréablement surpris. Le travail fourni hier n’est pas celui d’un groupe d’individus se connaissant à peine. Croyez-moi, je sais de quoi je parle. Nous avons été en totale coordination et chacun est venu en aide à qui en avait besoin,

Je dis cela en m’adressant à Adrian et Taylor.

— Vous avez fait preuve d’initiative, dis-je en me tournant vers Roman, Jorys et Kyle. Nous avons travaillé comme une équipe qui travaille ensemble depuis longtemps et le choix en est plus difficile. Vous avez tous un potentiel unique.

Je regarde Antonio et Luis. Ce dernier est caustique mais apporte une énergie particulière à l’équipe et je suis sûre qu' il a bien d’autres qualités.

— Hier n’a pas été suffisant pour me décider. J’irai en mission avec chacun d’entre vous, voire plusieurs, en fonction du besoin. Je me déciderai quand je serai fixé.

Je me tourne vers Ricky qui m’observe à son tour. Son visage est neutre et j’ai du mal à lire à travers son regard. Je ne sais pas ce qu’il pense de mon discours, s’il est du même avis que moi et s’il me soutient. Il n’aime pas donner son avis, il déteste le faire. Pour autant, je ne sais pas s’il appréciera que je dispose à ma guise de ses hommes. Même si je suis son supérieur, ils sont sous ses ordres. Mais il me donne sa réponse lorsque son regard s’adoucit et qu’il hoche imperceptiblement la tête.

Je me retourne et tombe sur Adrian qui me fixe. Je ne sais pas si c’est de l’approbation que je lis dans ses yeux, mais cela me rassure. Je ne devrais pas me soucier de son avis mais il en est ainsi. Et au fond je suis ravie qu’il ne m’en veuille pas parce que je sais qu’il convoite ardemment le poste.

— Messieurs, dis-je en attirant de nouveau leur attention. Ce n’est pas tout ce que j’avais à annoncer.

Ricky se tend à mes côtés et je retiens mon sourire moqueur.

— Vladimir fête son anniversaire aujourd’hui et comme tous les ans, il organise une fête au club. Cette année, le thème c’est : disco.

— Sérieux ? demande Luis.

— Ai-je une tête à plaisanter ?

— Non. C'est juste que …

— Bien ! coupé-je. Il attend de nous que nous soyons fringants. Au dernier étage, il y a une salle mise à disposition pour vous. Vous y trouverez votre bonheur, sinon, cherchez Katherine.

Mon ton est moins enjoué à la prononciation de son prénom.

— Aux dernières nouvelles, elle a les cheveux bleus flamboyants, vous ne pouvez pas la rater.

Depuis la mort de Gisèla, Katherine a troqué sa chevelure rousse contre toutes sortes de couleurs. Au début, je pensais que c’était sa manière à elle de faire son deuil et que ça lui passerait mais depuis je n’ai plus jamais aperçue sa chevelure naturelle.

— Vous êtes attendus pour vingt-deux heures. Vous avez votre soirée de libre, profitez-en, terminé-je.

Je fais signe à Kyle de me suivre et je sors de la salle.

Nous parcourons une petite distance, nous éloignant de la salle de réunion avant que je ne m'arrête.

— C’était impressionnant ce que tu as fait hier, dis-je en me tournant vers lui.

Il relève la tête passablement surpris et légèrement mal à l’aise.

— Où as-tu appris à tirer ? dis-je m’abstenant de mentionner que cette aptitude n'est mentionnée nulle part dans son dossier.

Il faudrait que je revois ce point avec Ricky. Les dossiers fournis par Thomas manquent cruellement d’informations importantes.

— J’allais souvent chasser avec mon père quand j’étais môme. C’est lui qui m’a initié.

— Et où est-il maintenant ?

Son regard se perd quelques instants dans ses souvenirs.

— Il est mort.

— Je suis désolée pour ton père, dis-je sincèrement.

Il me sourit légèrement et hoche simplement la tête.

— Que chassiez-vous ?

— Oh ! Rien de très original, du lièvre, du daim et même un sanglier une fois.

— N'empêche que cela devait être très intéressant.

— Ça l'était. Je ne ratais aucune occasion de l'accompagner.

— Je n’en doute pas. Tu peux tirer jusqu’à quelle distance ?

— Deux kilomètres, déclare t-il d’une voix neutre comme si c’était quelque chose de banal.

Je l’observe intriguée.

— C’était pour le sanglier ?

Il fronce les sourcils, une lueur d’incompréhension lui traversant le regard puis il comprend mon allusion et son visage s’éclaircit. Un franc et magnifique sourire étire ses lèvres révélant ses dents blanches. Mais, il secoue la tête et son humeur se rembrunit aussitôt.

— Non, dit-il. C’était un homme.

— Je vois. Tu m’apprendras ? reprends-je.

Il me toise les sourcils levés.

— Oui … oui bien-sûr.

— Excellent. Je ne te retiens pas plus longtemps.

Il se retourne et je l’observe s’en aller.

Je me dirige vers mon bureau et passe un coup de fil à une vieille connaissance.Tamara est bien plus qu’une vieille connaissance, si je dois être honnête.

Nous nous sommes rencontrés un soir au club à mes débuts et le courant est immédiatement passé entre nous. C’est une très belle femme aux magnifiques courbes rondes à la peau noire, élégante et très sure d’elle et ce soir là j’étais censée lui proposer mes services. Vladimir ne se préoccupe pas d’avec qui nous passons nos journées ou nos soirées, tant que ça lui rapporte du fric, on peut bien baiser des grenouilles qu’il s’en fout royalement. Je n’avais que dix-sept ans et aucune connaissance de ce que je devais faire. Je ne connaissais rien à mon corps, à la sexualité et encore moins à l’art de la séduction. Vladimir nous avait vaguement briefé sur la chose supposant, j’en suis sûre que nous apprendrons en voyant les autres faire. J’avais lu quelques trucs dans les bouquins que je réussissais à avoir en cachette à l’orphelinat et quand j’y repense, la sœur Bernadette m’aurait étripée si elle avait su le contenu de mes lectures. J’avais eu quelques béguins pour garçons du village à côté mais rien de vraiment sérieux. Je ne savais pas quand une femme était attirée par moi. Avec les hommes c’était facile, leur regard lubrique parlait pour eux.

Ce soir-là, Tamara perçoit mon désarroi et c’est elle qui fit le premier pas. Elle m’a appris tout ce que je sais aujourd’hui. Elle a gentiment repoussé mes avances m’affirmant que j’étais beaucoup trop jeune. Elle venait régulièrement au club et quand elle n’était pas là pour me raconter ses folles histoires, je m’ennuyais. Nous discutions de ses expériences avec les hommes mais aussi avec les femmes. J’enviais la liberté qu’elle avait de décider de qui elle ramenait dans son lit le soir. Au bar elle me montrait les hommes qui seraient sans équivoque doux avec moi, ceux qui seraient fougueux et ceux envers qui je devais me montrer prudente. Elle savait deviner si un homme était généreux ou pas juste en l’observant. Je me suis fait assez de sous grâce à elle. En réalité, cela remplissait plus les poches de Vladimir que les miennes.

J'ai su lors de l’une de nos discussions qu’elle tenait un prestigieux salon de coiffure et quand Candice la coiffeuse attitrée du club a failli brûler les miens, le prétexte était tout trouvé pour changer de coiffeuse. Mes cheveux sont naturellement bouclés, la combinaison de la douceur lisse de ma mère mêlée aux boucles épaisses de mon père, le reflet de ma mixité.

Un soir, pendant un de mes jours de congé, elle m’a fait découvrir son salon. Ensuite, nous sommes allées chez elle pas très loin de là, nous avons bu un verre de vin, ensuite nous avons terminé la bouteille. Nous en avons entamé une autre et elle m’a fait savoir qu’elle me désirait et je la désirais en retour. Nous avons couché ensemble et c’était la première fois que je prenais du plaisir avec une personne. Je l’ai fait parce que j’en avais envie et putin c’était bon. Je devais avoir vingt ans et elle vingt-sept.

Le lendemain, elle avait disparu. Je suis restée sans nouvelles d’elle pendant deux ans et lorsqu’elle est réapparue, de nul part, du jour au lendemain comme, elle s'était fiancée.

Je n’étais pas amoureuse mais elle comptait beaucoup pour moi. Sa disparition m’a plus inquiétée qu’attristée. Elle n’a pas expliqué la raison de son départ ni parlé de ses fiançailles. De mon côté je n’ai pas posé de questions. J’étais juste soulagée et contente qu’elle soit en vie. Peut-être aurai-je dû plus la questionner. Au fond, je pense ne pas l’avoir fait pour éviter ses questions en retour. C’est la seule femme avec qui j’ai couché parce que je le voulais et maintenant c’est de l'histoire ancienne. Elle demeure une bonne amie et depuis je l'appelle en renfort.

— Tes cheveux sont abîmés, ma belle, me réprimande-t-elle gentiment en entrant dans ma chambre. Et tu les as tellement lissées qu’elles sont maintenant toutes raides.

— Je n'ai pas le temps de m’en occuper, dis-je en prenant place dans le séjour où sont disposées toutes ses affaires.

Plus le temps. Quand tu étais encore…

Elle en me lorgne hésitante.

— Quand j'étais encore quoi ? une pute ?

Elle hausse les épaules.

— Au moins tu avais de beaux cheveux.

— Et bien comme tu peux le constater, je ne le suis plus. Dis-je agacée. Maintenant s'il te plaît, rends toi utile et finissons en.

Elle me fixe faussement offusquée.

— Tu es loin de la jeune fille timide que j'ai connue.

— Je n’ai jamais été timide. Mais si tu parles de la version de moi, naïve, vulnérable et sans défense, sache qu’elle est morte et qu’elle ne me manque absolument pas.

— Je ne voulais pas … commence-t-elle mais mon regard la dissuade de poursuivre.

— Tu aurais dû me prévenir plutôt, dit-elle à la place. Au vu de l'étendue des dégâts, on en a pour plusieurs heures, dit-elle en passant la main dans mes cheveux.

— Alors ne perdons plus de temps.

Nous passons les heures suivantes à appliquer des soins non seulement sur mes cheveux mais aussi sur tout mon corps, même après avoir protesté ne pas en avoir besoin. Tamara a balayé toutes mes réticences d’un revers de la main et l’après-midi s'est transformée en une soirée filles dont je ne pensais pas avoir besoin.

D’un commun accord, nous avons décidé de partir sur une coupe simple mais qui en jette. Mes cheveux sont attachés en un chignon haut et court faisant virevolter mes nouvelles boucles autour de ma tête et laissant mon cou dégagé. Au-devant, quelques mèches pendent de chaque côté ce qui donne l’aspect d’une frange dégradée. Tamara a insisté pour me maquiller et comment dire, nous avons des goûts opposés.

Je voulais quelque chose de discret et elle voulait tout son contraire. Nous n'avons pas trouvé de terrain d’entente alors je l’ai laissé faire. Sur mes yeux, elle a appliqué un fard marron orangé et beige, et pour terminer le tout, elle m’a fait un trait d’eye liner fumé qui souligne la forme amande de mes yeux. C’est à la mode, a-t-elle dit quand j’ai voulu protester. Pour mon teint, elle a préféré faire quelque chose de simple qui met naturellement en valeur les traits marqués de mon visage. Tout cela rehaussé par un blush rose orangé sur mes pommettes hautes. Sur les lèvres, nous avons convenu d’un rouge à lèvres couleur nude rosé et un gloss transparent. Le tout est harmonieux et quand je me regarde dans le miroir, je ne me reconnais pas.

— Il n'y aura pas un seul homme ce soir qui te dira non, ma belle. Ou femme d’ailleurs, susurre-t-elle provocatrice.

— Tu es fiancée, Tamara !

— Ça ne m'empêche pas d’apprécier les belles choses. Bien passons à la robe.

— Non, j’ai prévu moi même quelque-chose, dis-je précipitamment.

Elle ne prend même pas la peine de me répondre et se dirige vers l’entrée.

— J’ai demandé à Ricky de me faire monter quelques robes que j’ai ramené. Tu sais, dit-elle sur le ton de la confidence, il me fait parfois douter de mon orientation. Mais il n’a d’yeux que pour l’autre, soupire-t-elle. Je me demande ce qu’il lui trouve d’ailleurs…

Ne l’écoutant plus parler, je lève les yeux et nos regards se croisent dans le miroir en face. Je découvre qu’elle attend de moi une réponse. Voyant que je ne commenterai pas ses propos, elle hausse les épaules et s’élance de sa démarche chaloupée vers le porte vêtements sur lequel est accroché plusieurs robes.

— Je lance ma marque de vêtements pour femme bientôt, dit-elle nerveuse, ce qui ne lui arrive jamais. Tu me serviras de mannequin ce soir.

Je me lève de mon siège et m’approche du porte-vêtements.

— Ces robes sont magnifiques Tamara, dis-je en faisant le tour.

Ses yeux s’écarquillent légèrement.

— Je le pense vraiment, assuré-je

— Merci, dit-elle avec un grand sourire. Allez viens les essayer. On est déjà assez en retard.

— Comment connais-tu mes mensurations ? fais-je étonnée de rentrer parfaitement dans la première robe.

— Je connais ton corps ma belle, déclare-t-elle sur le ton de l’évidence. Tu as perdu une taille de vêtements mais tu as pris du muscle. J’ai ajusté en fonction. Allez, tourne-toi que je vois.

— Humm non, elle ne met pas tes jambes assez en valeur. Essaie celle-ci plutôt.

Je suis épuisée à force d’entrer et de sortir dans les différents habits. Et je rajoute cette torture à la liste des choses pour lesquelles je déteste Vladimir. Lui et ses anniversaires extravagants.

Tamara et moi, nous nous mettons d’accord au bout de la cinquième robe. Elle est noire à bretelles fines et m’arrive à mi-cuisse. La robe est agrémentée de sequins cousus sur toute la surface, le col en v met bien en valeur ma poitrine. La robe tombe agréablement sur mon corps me permettant d'être libre dans mes mouvements et elle me fait de longues jambes, comme le voulait Tamara. Elle me tend une paire de sandales noires à talons dont les lanières sont assermentées de petites pierres précieuses. Le tout est très sexy mais élégant et fait bien les années soixante-dix. Pile dans le thème de la soirée.

— Comment vas-tu voir l’effet de ton travail si tu n'assistes pas à la soirée ? Je suis nostalgique de nos beuveries au bar.

Elle s’approche de moi et entoure mes épaules.

— T’inquiète pas pour moi. J’aurai des retours.

Elle me fait un clin d'œil et s’éloigne.

— Allez ma belle, ils n’attendent que toi.

Je m’approche d’elle et la prend dans mes bras

— Merci pour ce soir, je te le revaudrai. Prends soin de toi.

Je la laisse ranger ses affaires et descends rejoindre les autres. J’emprunte les escaliers et découvre Ricky en smoking noir m’attendant en bas des marches.

— Que fais-tu là ?

— Je me disais que tu aurais besoin d’un appui avec ces talons vertigineux, dit-il en me tendant le bras.

Je m’abstiens de lever les yeux et souris en acceptant son bras.

— Tu es ravissante Catelyn.

— Merci. Tu n’es pas mal non plus.

— Ouais, j’ai fait un effort.

— Tu as reçu des menaces.

— C’est possible, fait-il évasif.

— Où est-elle d’ailleurs ?

— Partie en avance. Deux ou trois trucs à régler.

— Totalement elle.

Nous avançons vers la sortie lorsque je remarque les coups d'œil de Ricky. Il hésite à vouloir dire quelque chose mais se retient.

— J’ai cru comprendre que Vladimir te voulait à ses côtés ce soir, finit-il par dire, nous forçant à nous arrêter.

— Est-ce donc mon refus qui te préoccupe ?

Il garde le silence un instant puis semble de nouveau hésiter.

— Lâche le morceau, dis-je n’y tenant plus.

— Tu lui tiens beaucoup trop tête, lâche-t-il en soutenant mon regard.

Mais avant que ma colère ne rugisse, il enchaîne.

— Laisse-moi terminer. Je ne sais pas ce que tu as en tête mais tu sembles oublier ta place et à qui tu as à faire. Ne me regarde pas comme ça, tu sais de quoi je parle.

— C’est lui qui te l’as dit ?

— Non, fait-il en secouant la tête. J’observe, ce dont tu sembles être incapable ces derniers temps.

Ricky est la seule personne que j’autorise à me parler ainsi et il vient d’épuiser tous ses joker.

— Tu as beau être Catelyn son bras droit, tu es à sa merci. Nous le sommes tous. Ne te pense pas libre. Il tient son pouvoir du contrôle qu’il a sur nous et de la peur qu’il inspire. Nous sommes ses marionnettes et tu es sa préférée. S’il pense ne plus avoir d’emprises sur nous, sur toi… Tu connais très bien ses méthodes.

— Tu es en train de me dire que j’aurai dû accepter qu’il m'exhibe ce soir comme l’une de ses…

— Oui Catelyn, oui !

Je le regarde ahuri.

— Pourquoi pas ? Qu’est-ce que ça change de toute façon ? Qu’il croit ce qu’il veut croire. Que tu es docile, obéissante. Fais semblant. Tu es très douée en la matière.

Il fait une pause et reprend.

— Je me fais du souci pour toi. Ne le laisse pas penser que tu lui échappes. Si tu te rebelles trop, tu sais ce qu’il fera pour te punir. Je ne te demande pas d'en faire trop. De toute façon, il sait que tu ne l’aimes pas et il sera méfiant si tu deviens gentille. Mais soit plus…conciliante.

Je le dévisage, en colère. Pas contre lui mais parce qu’il a raison et qu’il vient de me rappeler ma condition. J'éprouve de la haine envers Vladimir et je suis en colère contre Dieu d'être sourd à mes prières. La bible ne dit-elle pas que quand on l'appelle, il répond ? Il n'a sûrement rien à faire de mes supplications parce qu'avec l’ardeur avec laquelle je crie son nom, s’il voulait me répondre, il l’aurait fait.

J’inspire profondément pour retrouver mon calme et acquiesce. Le message est passé.

— Bien. Maintenant rentrons subir cette soirée, dit-il.

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