Chapitre 27
Quand Jorys parlait de "trouver des places", il ne faisait évidemment pas allusion à des invitations. Non. Il parlait d’assister à ce dîner en tant que gardes du corps d’un influent homme d’affaires de la Silicon Valley. “C’était ça ou rien”, m’a-t-il simplement lancé en guise d’explication. Et à vrai dire, c’est plutôt une agréable surprise. Je me sens bien plus à ma place en tenue tactique, que dans une robe de soirée.
Je me tiens à quelques pas derrière notre employeur temporaire, Mateo Russell. Une trentaine d’années, svelte, taille moyenne. Son regard, même adouci par ses yeux noisette, ne perd rien de son intensité vive et acérée. Lorsqu’il a remarqué que nous n’étions pas les gardes initialement prévus, il m’a fixée avec une telle insistance, que j’ai cru pendant un bref instant, qu’il avait deviné nos véritables intentions. Puis, il m’a souri et tendu la main. Un geste pour le moins inhabituel au vu du contexte. Sa poigne était ferme, mais étonnamment délicate.
Je jette un coup d'œil à Roman sur ma droite. Pour n’importe quelle personne, il incarne le parfait garde du corps, méticuleux, professionnel et inébranlable. Ses yeux balaient la salle, évaluant chaque invité comme une menace potentielle. Je suis la seule à savoir que cette vigilance n’a qu’un seul but, repérer Reed parmi tous ces hommes et femmes tirés à quatre épingles. Mais, sa quête ne dure pas longtemps, puisque le député fait son entrée et se dirige droit vers nous. Ou plutôt, droit vers Russell. De loin, il lui adresse un sourire de circonstance, un peu trop forcé pour être sincère, serrant quelques mains sur son passage. Arrivé à notre hauteur, il salue Russell d’une poigne ferme et tourne enfin la tête. Ses yeux croisent les miens. Il marque un temps d'arrêt. Son sourire se fige. Il est pris de court. Nous nous jaugeons. Je lis l’hésitation dans son regard, l’envie de faire demi-tour. Mais trop tard. Il est bien trop près pour reculer maintenant sans soulever de questions. En diplomate aguerri, il se ressaisit rapidement et adresse quelques banalités avec Russell qui n’a rien remarqué de notre échange. Par moments, il relève les yeux vers moi. Et chaque fois, le message est clair. Il ne se dérobera pas à cette confrontation.
Sa conversation terminée, je le suis du regard alors qu’il rejoint la salle de réception, suivi par d’autres convives, d’une démarche qu’on qualifierait d’assurée. Reed entame sa quarantième année, gardant son physique athlétique. Il est habitué à garder le contrôle. Mais le dernier regard qu’il m’adresse avant de disparaître derrière les portes, aussi furtif soit-il, trahit tout sauf de l’assurance. Nous avons un accord. Chaque partie respecte sa part du marché et jamais nous n’interférons dans nos univers respectifs. Il m’oblige à venir à lui, alors, il ferait bien de coopérer. Il a tout autant, voire plus à perdre.
Les gardes du corps étant interdits en salle de réception, Roman et moi patientons le temps du dîner au bar de l'hôtel. Nous faisons semblant tous les deux de siroter nos verres. Je désactive mon oreillette et me tourne vers lui.
— Ça va avec Luis ?
Il lève la tête vers moi, surpris par la question. Mais après un instant d’hésitation, il imite mon geste et enlève à son tour son oreillette. Il observe pendant un long moment le contenu doré, avant de répondre.
— J’ai toujours pris soin de lui, même lorsque nous étions mômes. Ma tante, avant de mourir, m’a fait jurer de toujours garder un œil sur lui. Je lui en veux, souvent, de m'avoir arraché cette promesse. Vivre avec Luis, c’est comme… s’occuper d’un enfant qui ne grandira jamais. C'est lui l’aîné, mais les rôles sont inversés. Je ne compte plus les situations de merde dans lesquelles il m’a entraîné.
Son regard se perd un moment dans le vide.
— Tellement de fois, j’ai souhaité qu'il n'ait jamais fait partie de ma vie, confesse-t-il.
Il bat plusieurs fois des cils et revient à lui. Il se tourne vers moi, le regard rempli de culpabilité, comme si m’avouer cela lui coûtait une part de lui-même.
— Notre présence ici, dans l’équipe, n’est qu’une conséquence parmi tant d’autres de ses actes irréfléchis.
— Vos têtes sont mises à prix.
Il ne sourcille pas face à ma déclaration. Ne s’étonne pas que je sache ce qui les a fait fuir de leur pays. Une récompense sur chacune de leur tête. Les sommes récoltées lors de leurs victoires aux courses de voitures clandestines, n'ont servi qu’à rembourser une partie de leur dette et le reste, à confectionner de faux papiers pour fuir du pays. Des dettes collectées intégralement par Luis.
— J’ai une sœur tu sais, dis-je à mon tour.
Il me fixe, surpris mais attentif.
— Elle a six ans de moins que moi. Nos parents ont perdu la vie dans un accident de voiture et nous étions à l’intérieur avec eux. Un véritable miracle, avaient dit les médecins. Elle n’était alors qu’un bébé, à peine âgé de quelques mois. Nous avons ensuite été confiées à un orphelinat, dirigé par des sœurs.
Je marque une pause.
— C'était loin d'être agréable. Ironiquement, ceux dont on espère le plus de la compassion sont souvent les moins enclins à nous en offrir. J’ai toujours fait en sorte qu’elle ne manque de rien, qu’elle ne remarque pas l’hostilité de notre nouveau foyer. L’amour qu'elle n’a pas reçu de nos parents, et quasi inexistant chez les sœurs, j’ai toujours fait en sorte qu’elle le reçoive de moi. J’ai fait de mon mieux pour la protéger, jusqu'au jour où… nous avons été séparées.
Ses cris et son regard horrifié lorsque Vladimir me plante la seringue dans le cou me hanteront toujours.
— Enfin bref, nos histoires ne sont pas similaires. Mais là où je veux en venir, c’est que je sais ce que ça fait d’être responsable d’une personne, encore plus un membre de sa famille. Je sais ce que c’est d’avoir le ventre noué d’inquiétude, encore et encore, au point que ça devienne une routine. Les compromis aussi. On se retrouve dans des situations qu’on aurait évitées seul, ou dont on se serait sorti seul. On vit en fonction de l’autre, on s’oublie parfois, souvent, et on fait des choix qu’on n’aurait jamais fait pour soi. J’ai envisagé ma vie sans elle. Plusieurs fois. Trop de fois. Alors je te comprends.
Je me tourne vers lui.
— Mais la vérité, c’est que sans elle, sans Sandra, je ne serais probablement plus là. Et sans moi, sa vie aurait pris une tout autre tournure. Tant qu’elle sera en vie, je serai responsable d’elle, même si moi, mes parents ne m’ont rien fait jurer. Ils n’en ont pas eu le temps, dis-je plus faiblement.
— Peut-être sommes-nous co-dépendants, continué-je. Peut-être que c’est ça, notre mission sur terre. Peut-être que certains d’entre nous sont simplement faits pour prendre soin des autres. Qu’on le veuille… ou non.
Un silence paisible s’installe entre nous, chacun perdu dans ses pensées. Roman fait tournoyer son Whisky et finit par l’avaler cul sec. La seule règle durant les missions, est de ne jamais consommer d’alcool afin de garder les idées claires et être prêt à toutes éventualités, mais je ne lui en tiens pas rigueur. Je l’aurais imité si les relents de ma gueule de bois n’étaient pas toujours présents.
J’observe les autres gardes se lever et réactive mon oreillette.
— Le dîner est terminé, on y va.
Nous arrivons en face de la salle de réception au même moment que Reed, qui en sort. Deux gardes font alors leur entrée et se dirigent vers nous. Nous les avions déjà identifiés comme les hommes de main du député. Reed lève subtilement le doigt, leur intimant de ne plus avancer. Il tourne ensuite la tête vers moi, m’invitant à le suivre. Je lui emboîte le pas et on s’éloigne. Nous nous dirigeons vers les escaliers de service, laissant les convives loin derrière nous.
Reed ouvre la porte et me demande d’entrer la première.
— Après vous, fais-je à la place.
Il hoche simplement la tête et s’exécute. J’entre à mon tour et ferme la porte derrière nous. Il descend deux étages sans s'arrêter. Au troisième, je tends la main vers mon arme. Comme l’ayant senti, il me dit par-dessus l'épaule.
— Des oreilles indiscrètes peuvent traîner près de la porte, explique-t-il en désignant du menton le haut des escaliers tout en continuant sa progression.
— Arrêtez-vous.
Il s'arrête aussitôt et se tourne vers moi. Je le rejoins et m'arrête à quelques marches près de lui.
— Où sont mes armes ? Dis-je allant droit au but.
Il feint la confusion.
— Vous n'êtes pas sans savoir que la pénurie régionale…
Je descends les trois marches qui nous séparent. Il recule et cogne le mur. Il se retrouve coincé.
— Je vais reformuler, dis-je détachant chaque syllabe. Que font mes armes à Baltimore entre les mains de deux abrutis finis ?
— Je ne sais pas de quoi vous parlez…
Je tire mon arme de ma poche arrière. Il ne rate rien du mouvement.
— Ne me forcez pas à me répéter.
Il déglutit, mais hésite toujours à me répondre. J’enlève le cran de sûreté. Le cliquetis le faisant presque sursauter.
Il lève lentement les yeux vers moi et me fixe, longtemps, pesant le pour et le contre. Je l’ai toujours vu comme quelqu’un de stoïque, solide, avec qui on peut discuter, négocier, trouver des accords. Mais depuis le début de la soirée, il renvoie l’image d’une personne en constante vigilance. Et cette méfiance, ce n’est pas moi qui la provoque.
— J’ai reçu comme ordre de bloquer vos armes et ne pas vous les livrer.
Son regard oscille entre mon visage et ma main tenant l’arme.
— Peu après, d’autres ordres sont arrivés. Cette fois, pour les envoyer à Baltimore.
Il me fixe.
— C’est tout ce que je sais. Les deux types dont vous parlez, je ne les ai jamais vus. Je ne sais pas qui ils sont.
Il redresse les épaules, comme si le plus difficile venait de passer.
— Des ordres de qui ?
Silence.
— Je ne peux pas vous le dire.
Je m'approche. Un simple filet d’air nous sépare. Il prend une inspiration et me fixe.
— Les ordres viennent de qui ? répété-je froidement.
Son regard se durcit. Il déglutit avant de lâcher.
— Vous savez très bien qui.
Ses mots résonnent comme une claque. Et je comprends aussitôt. C’était une évidence. Tout s’assemble comme les pièces d’un puzzle. Ma vision se trouble, et le peu de patience qu’il me reste s’évapore. Je le plaque violemment contre le mur, sa tête cogne la surface froide dans un bruit sec. Sa respiration devient erratique, ses yeux se remplissent de fureur, tout comme les miens. Il tente de se débattre, mais je presse mon arme contre son ventre.
— Vous êtes de mèche tous les deux ? Faire parvenir la vidéo du cambriolage à Sanchez ne suffisait pas ? Maintenant, il veut me priver de mon business ? C’est encore un test, c’est ça ? Quelles sont ses intentions ? Parle !
Ses lèvres se pincent en une fine ligne, les tressaillements de sa mâchoire trahissent son obstination à ne rien lâcher.
— Parle ! criai-je en enfonçant un peu plus l’arme contre son ventre.
— Je ne sais pas de quoi vous parler, lâche-t-il d’une voix rauque. Mais…
Il lève un doigt, prudemment.
— Il a parlé d’une taupe. Tant qu’elle sera là, vous ne recevrez plus rien, plus d’armes. C’est tout ce que je sais, je le jure. Et vous savez que je ne peux rien y faire.
Je recule d’un pas, le souffle court. Merde, merde, putain de merde ! Je relâche Reed et remonte les escaliers à grandes enjambées. J’ouvre la porte d’un coup sec, manquant de renverser les deux gardes postés devant. Mon regard trouve aussitôt Roman.
— Nous partons.
Il me suit sans un mot, pendant que les hommes de Reed se ruent dans l’escalier.
— Jorys ! lancé-je en sortant de l'hôtel. Mets-moi en ligne avec Ricky et Taylor.
— Ça risque d’être compli...
— Tout de suite, coupé-je sèchement.
Jorys s’empresse d’établir la liaison. Nous sommes déjà dans la voiture, de retour vers le centre, lorsque Ricky et Taylor apparaissent sur ma tablette.
— Rentrez immédiatement au centre, lançai-je sans détour.
Ricky et Taylor se fixent, perplexes.
— Que veux-tu dire par là ? demande Ricky.
— Que la mission à Baltimore est terminée et que vous devez rentrer sans plus tarder.
— Comment ça ? dit-il confus. Nous n’avons pas découvert qui tire les ficelles…
Il marque une pause. Puis son visage s’éclaire.
— Tu as parlé à Reed ? Que t'a-t-il dit ? Qu’as-tu appris là-bas ?
Le silence se fait dans l’habitacle et même au bout de la ligne du côté de Jorys. Roman qui est au volant me jette de rapides coups d'œil. Lui non plus ne comprend pas ce qui se passe et veut savoir. J’ai éteint mon oreillette au moment où Reed et moi avons pénétré dans les escaliers de services. Personne n’est donc au courant de ce qui a été dit.
— Me fais pas chier Ricky. J’ai dit revenez immédiatement. Vous êtes en danger. C’est un ordre, putain !
Je coupe brutalement la communication et, dans un excès de frustration, arrache mon oreillette et la jette par la fenêtre.
Roman, qui n’a rien perdu de la scène, appuie aussitôt sur l’accélérateur. Soit il a compris que je veux rentrer au plus vite, soit il tient à ne pas devenir la prochaine cible de ma colère.
***
Je retrouve Marie-Antoinette sur le toit, debout devant la serre. Elle porte un long manteau blanc qui dissimule sa silhouette. La brise matinale emporte ses cheveux au vent. Elle ne se retourne pas à mon approche, mais se décale légèrement, m’invitant silencieusement à la rejoindre. Sans un mot, elle me tend sa cigarette à moitié entamée que je n’avais même pas remarquée jusque-là. Je la prends, tire une longue bouffée, puis la lui rends.
— J’ai entendu dire que tu partais, dis-je en brisant le silence.
Elle porte la cigarette à ses lèvres, tire une dernière bouffée, puis écrase le reste du bout de ses talons.
— J’ai entendu dire que ton entrevue avec le député s’était mal passée.
Le silence qui suit est pesant. Je finis par le rompre.
— Ce n’était pas ce à quoi je m’attendais.
Je marque une pause, le regard perdu quelque part entre elle et la serre.
— Je ne sais même pas à quoi je m’attendais, murmurai-je, plus pour moi-même que pour elle.
Marie-Antoinette tourne enfin la tête dans ma direction, le regard voilé d’un mélange d’intérêt et de prudence.
— J’ai l’habitude des contretemps, m’empressé-je d'ajouter.
— Mais celui-là semble différent, pointe-t-elle.
— Ça va s’arranger. Ne t’en fais pas pour moi.
Elle ne répond pas, mais son silence parle pour elle. Elle ne me croit pas. A nouveau le silence s’installe entre nous.
Il était près de deux heures du matin lorsque nous sommes rentrés. J’ai pris la direction de ma chambre, et Roman de la sienne. Adrian ne dormait pas à mon arrivée. Il a pris l’habitude de m’attendre pour dormir. Une habitude que je trouve absurde, mais dont je ne peux nier le côté terriblement romantique. J’étais frustrée par l’issue de la mission, furieuse face aux révélations de Reed, mais au fond, pas totalement surprise. Ce n’est pas la première fois qu’on évoque une taupe dans nos rangs, et ce n’est sûrement pas la dernière. Mais perdre nos parts du marché, en revanche, serait un coup dur. Pour les affaires, pour notre réputation, pour tout ce que nous avons accompli jusqu'ici. Et les conséquences ne tarderont pas à se faire sentir. Je me suis endormie, blottie dans les bras réconfortants d’Adrian. Au réveil, il n’était plus là. Ses nouvelles responsabilités à l’armurerie, en l’absence de Ricky, lui prennent tout son temps. Nous n’avons pas beaucoup échangé ces derniers jours, mais dormir à ses côtés cette nuit, c’était comme retrouver un ancrage. Un instant de paix volé au chaos qui se profile à l’horizon.
— Tu sais..., reprend Marie-Antoinette en s’éclaircissant la gorge. J’ai toujours envié ta complicité avec Gisèla.
Ses mots me prennent de court. Je me tourne vers elle, son regard est fixé sur la serre.
— Tu étais différente avec elle. Tu lui accordais une attention particulière. Elle était si douce, si…fragile. Elle me rappelait une petite coccinelle posée sur la rosée du matin.
J’aurais ri face à cette image, si ses mots ne m'évoquent pas des sentiments douloureux, refoulés si profondément parce qu’ils risquaient de me noyer.
— Je n’ai pas été très gentille avec elle, avoue-t-elle en baissant les yeux. C’est pour ça que je n’étais pas présente à son enterrement. Je me sentais illégitime d’y assister. Pas après la façon dont je la traitais.
Elle prend une profonde inspiration.
— Je m’en suis longtemps voulu, tu sais. Mais je suis heureuse de voir ce que vous avez fait de son œuvre, fit-elle en désignant la serre. Je crois que de là-haut, elle doit être fière.
Plus personne ne parle d’elle, comme si elle n’avait jamais existé. Je n’ai personne avec qui évoquer son souvenir, ni les bons, ni les mauvais, avant que son visage ne s’efface complètement de nos mémoires. Parfois, sans crier gare, son rire jaillit dans mon esprit, mais son visage lui, demeure flou. Alors, en entendant ces mots, ma gorge se serre. En un instant, c’était comme si Gisèla revivait. C’est à elle que je dois tout. C’est grâce à elle que je n’ai pas cédé à l’apitoiement. Si sa mort doit signifier quelque chose, c’est la force qu’elle m’a rendue pour continuer à me battre. Et si un jour je m’en sors, ce sera parce qu’elle m’aura donné les armes.
— J’ai compris, finit-elle par dire doucement, que ce que tu voyais en elle, c’était la sœur que tu avais perdue.
Je laisse tomber les larmes qui menaçaient de couler depuis un moment. J’avais perdu une fois de plus un être cher, et entendre ses paroles, validait mes sentiments, même si je ne pensais pas en avoir besoin.
Marie-Antoinette sort un mouchoir de sa poche et tapote délicatement son visage. Je me rends compte que je ne suis pas la seule affectée. Elle s’éloigne, observe un instant le paysage en contrebas, nous laissant le temps de reprendre nos esprits. Puis elle revient, le visage résolu.
Elle s’approche, pose ses mains de chaque côté de mes épaules.
— Tu sais qui il est, n’est-ce pas ?
Mon visage se ferme, comprenant le non-dit.
Je hoche la tête.
— Alors tu sais comment ça va se terminer.
Je secoue la tête, refusant d’accepter cette éventualité. Je trouverai une solution. Je trouve toujours une solution.
— Oh, ma chérie, mon cœur saigne pour toi. Mais tu vas t’en sortir. Tu as tellement sacrifié…
Elle enchaîne sans me laisser le temps de souffler.
— Il faut que tu parles à Katherine.
Je me ressaisis et pouffe presque croyant avoir mal entendu.
— Je suis sérieuse, Catelyn. Il faut que tu lui parles.
Son regard est implorant, et pour la première fois, j’y décèle une vraie détresse.
— De quoi veux-tu que je lui parle ? Je ne me souviens même plus de la dernière fois où, elle et moi, avons eu une conversation normale, décente, sans que ça ne dégénère en dispute.
— Je sais. Je n’ai jamais été sa plus grande fan non plus. Mais s’il te plaît, écoute-moi et va lui parler. Tu es la seule à pouvoir l’aider.
Je ne comprends pas ce que ça signifie. Mais avant que je ne puisse répondre.
— Le vent tourne, Catelyn, dit-elle. Tu sais que tu peux toujours compter sur moi. Fais attention à toi.
Elle dépose un baiser sur ma joue, puis s’éloigne.
Je l’aurais retenu et forcé à parler si ça avait été une autre personne. Mais ça n’aurait rien changé, elle n’aurait rien lâché. Être évasive, faire des entrées et des sorties grandioses, c’est du Marie-Antoinette.
Je reste un long moment sur le toit, perdue dans mes pensées, à ressasser les événements de ces derniers jours, avant de finalement me décider à aller trouver Katherine. C’est la dernière chose que j’ai envie de faire, mais Marie-Antoinette ne parle jamais pour rien. Elle doit avoir une raison plus que valable d’autant insister. Je traverse le centre et, au détour d’un couloir, j’aperçois une silhouette familière. Katherine. Elle accélère le pas, puis finit par courir. Me fuit-elle ? Je me lance à sa poursuite, à quelques mètres derrière elle.
— Katherine, lancé-je.
Elle ne se retourne pas. Ne s'arrête pas. Au contraire, elle accélère et ouvre précipitamment une porte sur notre gauche. Je me jette à sa suite. Elle tente de m’en barrer l’accès, mais je bloque la porte d’un pied. Elle renonce aussitôt et recule.
Je pénètre dans la pièce. C’est notre ancien appartement. Celui que nous partagions à trois, avec Gisèla avant le drame. Je l’entends dans la salle d’eau et comme si mon corps avait compris, mes pas se font lourds. Néanmoins, j’avance tant bien que mal à sa rencontre. Elle est recroquevillée sur le sol, le regard absent. Puis soudain, elle se tourne vers le pot des toilettes et vomit tout son saoule. Encore et encore, sans retenue, jusqu’à n’en plus pouvoir. Comme une révélation, l’évidence me frappe de plein fouet, me faisant reculer. Je la fixe, sous le choc.
— Tu es enceinte !
Elle lève la tête vers moi, les yeux embués de larmes. Elle ouvre la bouche, sur le point de rétorquer, mais se détourne, se penche de nouveau sur le pot des toilettes et vomit.
Seigneur, comment ai-je pu passer à côté de ça ?
Il se passe beaucoup de choses dans ces deux derniers chapitres non ?
La discussion entre Catelyn et Marie-Antoinette dans le bureau de Catelyn, la discussion entre Catelyn et le député à la réception, la discussion entre Catelyn et Marie-Antoinette sur le toit, et maintenant Katherine qui est enceinte !
L'aviez-vous devinez ?
A votre avis, tout ce suspens, il se trame quoi derrière ?
Tous ses secrets, vous en avez marre ou ça va ?
Le prochain chapitre risque de prendre un peu plus de temps. Je pars quelques jours en vacances :)
Je publierai dès que je pourrai.
Xoxo :)
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