L’auto-stoppeur désormais assis à côté du chauffeur, celui-ci redémarre, conduisant prudemment dans cette saleté de purée de pois.

« Tu n’as pas bien choisi ton jour, hein ? Ce brouillard est le plus épais que j’ai jamais vu, moi ! »

« On n’y voit goutte, effectivement. »

« Tu vas où, mon gars ? »

« Je ne sais pas encore… ailleurs... Je change d’air. Vous avez bien dit que vous alliez à la ville la plus proche ? »

« Yep ! On en a pour une belle trotte, je te préviens ! »

« Tant mieux… »

L’adulte lui jette un coup d’œil, curieux.

« T’as des problèmes chez toi, que t’as tant que ça envie de partir d’ici ? »

« Ouais… c’est compliqué… »

« T’inquiète donc pas, je m’en moque ! T’as une bonne tête et je sais que c’est pas toujours facile avec les parents ! Je compte pas le nombre de gnons que je me suis mangé dans les dents, moi ! »

Il s’esclaffe, suivi par le rire un peu gêné de son jeune passager.

Un ange passe, le silence uniquement meublé par le son de la radio qui chuchote une musique paisible et les raclements réguliers des essuies glaces.

« T’as quel âge, l’aventurier ? »

« Dix-huit ans, bientôt dix-neuf… »

« Oh, mais ça va ! T’es un grand gaillard ! »

Nouveau silence.

Mais celui-ci est soudain interrompu par un grondement, qui fait se froncer les sourcils au chauffeur.

« Excuse-moi, petit gars, mais je vais devoir m’arrêter un instant… je crois que ça vient du moteur. Attends, je vais chercher ma caisse à outils, au cas où. »

Il se gare sur le bas-côté avec mille précautions, puis descend du véhicule, déverrouille le capot puis part au coffre. Ce dernier s’ouvre dans un chuintement.

Le jeune l’entend fourrager et marcher un peu… puis soudain le silence se fait. Brutale.

En parallèle, le brouillard ne semble pas se décider à se lever et l’heure commence à se faire tardive, l’obscurité de la soirée n’arrangeant pas la visibilité.

Il se dit qu’il aurait vraiment dû mieux choisir son moment pour partir…

« Eh gamin, tu peux venir m’aider ? J’y vois franchement pas grand-chose. Y a une lampe torche dans ta portière ! »

Il a assez violemment sursauté à l’entente de la voix de son conducteur, il est bien obligé de l’admettre !

Maladroitement, il se saisit de l’objet demandé, qu’il allume, et trottine jusqu’à l’arrière du véhicule…

Personne.

Il n’y a personne.

Le coffre est ouvert, vide à l’exception d’un vieux cabas élimé, et la boîte à outils est posée au sol sur le bitume.

« M… messieurs ? Vous… vous êtes où ? »

Il lui semble distinguer le crissement d’une semelle, mais il n’est pas sûr.

Il pointe le faisceau de la lampe dans toutes les directions, mais celui-ci ne parvient pas à percer l’épaisseur du brouillard…

Il ne perçoit que trop tard la silhouette qui s’était glissée derrière lui dans son dos, avant que celle-ci ne lui assène un cruel coup de clé à molette à l’arrière du crâne !

Il s’effondre, partiellement assommé, alors qu’un filet de sang lui coule dans le cuir chevelu.

Il entend vaguement la clé heurter sur le sol, puis des mains puissantes le saisissent sans qu’il puisse lutter correctement.

Qu’est-ce qu’il va lui arriver… ?