Juste un instant

2 minutes de lecture

La bibliothèque universitaire est presque vide. Les tables en bois luisent sous la lumière chaude des lampes. Il est un peu plus de dix-neuf heures. Seuls quelques étudiants dispersés murmurent entre deux pages, le silence est presque sacré.

Marie-Louise est assise près d’une fenêtre. Sa main soutient sa tête tandis que l’autre tourne lentement les pages de son manuel de littérature comparée. Ses notes sont bien rangées, son stylo glisse de temps en temps sur le papier. La fatigue commence à poindre, mais elle s’accroche. Ses écouteurs sont posés à côté de sa trousse, pour une fois elle n’écoute pas de musique. Son esprit, pourtant, n’est pas tout à fait ici.

Elle pense à lui.

Encore.

Elle soupire et essaie de chasser son image. Mais c’est là que la porte s’ouvre. Des pas résonnent dans le couloir adjacent. Elle ne relève même pas la tête au début. Puis elle entend une voix — calme, grave, familière.

— Salut...

Elle lève les yeux. Côme.

Il est là, juste devant elle, avec un léger sourire dans les coins du visage, les cheveux un peu en bataille, comme s’il venait de sortir d’un long cours. Il tient un carnet à la main.

— Je ne m’attendais pas à te voir ici aussi tard, dit-il en avançant de quelques pas. Tu travailles sur quoi ?

Le cœur de Marie-Louise s’emballe. Son stylo reste suspendu au-dessus de ses notes. Elle tente de garder une voix posée, mais ses mots trébuchent.

— Euh... un exposé sur le romantisme allemand. J’avais besoin de... solitude.

Elle se maudit intérieurement pour cette réponse confuse.

Côme hoche la tête et tire doucement une chaise.

— Ça ne te dérange pas si je m’assois ?

Elle secoue la tête trop vite.

— Non, bien sûr. Vas-y.

Il s’installe en face d’elle, pose son carnet sur la table, l’ouvre à une page remplie de croquis et de phrases griffonnées. Elle découvre, sans oser trop fixer, des esquisses de statues, des fragments de textes, peut-être des idées de scénario. Il griffonne quelque chose sans un mot, puis lève à nouveau les yeux vers elle.

— Tu travailles souvent ici, le soir ?

Marie-Louise acquiesce.

— Quand je veux être tranquille, oui.

Un silence. Pas pesant. Presque doux. Un de ces silences qui disent plus que les mots.

Elle sent son cœur battre à tout rompre. Elle se demande s’il l’entend, lui aussi. S’il perçoit à quel point sa présence suffit à rendre l’air plus dense, plus électrique.

Il sourit légèrement.

— Tu sais, j’aime bien ton calme. Tu dégages une sorte de... paix.

Elle cligne des yeux. Elle n’est pas sûre d’avoir bien entendu. Ou si c’est réel. Ses joues prennent feu.

— Merci... c’est gentil.

Elle voudrait ajouter quelque chose. Une phrase, n’importe quoi. Mais elle a peur. Peur d’être maladroite. Peur de rompre cet équilibre.

Côme regarde sa montre.

— Je dois encore bosser un peu sur un projet, mais... tu restes longtemps ?

— Peut-être encore une heure.

Il sourit. Se lève, referme son carnet, puis la regarde à nouveau.

— Alors... à tout à l’heure, peut-être.

Il s’éloigne, et elle reste figée, les doigts crispés sur son stylo. Elle sent encore la chaleur de son regard.

Mais avant de passer la porte, il se retourne.

Et là, pendant une seconde, leurs regards se croisent, comme suspendus dans un fil invisible.

Puis il disparaît.

Elle reste là, incapable de respirer pleinement.

Et pour la première fois, elle se demande s’il a vu quelque chose dans ses yeux.

Annotations

Vous aimez lire Destiny ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0