Un pas de plus
Le vent souffle doucement dans les arbres du petit parc situé derrière la faculté. Le banc, légèrement usé, fait face à un canal étroit où quelques bateaux flottent, paresseux. C’est un endroit que Marie-Louise aime pour son calme, pour son air de refuge.
Érine est déjà là quand elle arrive. Assise, genoux repliés contre la poitrine, elle lance un regard vif à son amie.
— Tu as une tête de fille qui a quelque chose à raconter, déclare-t-elle avec un sourire malicieux.
Marie-Louise se laisse tomber à côté d’elle, le souffle court, comme si elle avait couru depuis la bibliothèque de la veille jusqu’à ce banc.
— Il m’a parlé, Érine. Côme. Il m’a parlé.
Érine se redresse aussitôt, les yeux brillants.
— Raconte-moi. Tout. Et sans rien sauter, je te préviens.
Alors Marie-Louise raconte. Les battements de cœur, les mots de Côme, le moment suspendu, ce regard échangé dans la nuit. Chaque détail, chaque frisson. Elle parle avec les mains, avec ses yeux, avec toute l’émotion contenue dans sa poitrine.
Érine l’écoute avec attention, son sourire s’élargissant à mesure que l’histoire se déroule.
— Tu te rends compte ? souffle-t-elle à la fin. Ce qu’il t’a dit… c’était pas rien. Il ne dit pas ça à tout le monde.
— Je sais. Et... je crois que je suis prête. Presque. En tout cas, j’ai envie d’avancer. D’arrêter de me cacher derrière mes carnets.
— Enfin ! s’exclame Érine. Tu vois ? Il t’aime peut-être pas encore, mais il te regarde. Et tu mérites ça.
Marie-Louise hoche la tête, les yeux un peu humides, le cœur gonflé d’espoir.
— Mais... je veux pas arriver en mode “je t’aime depuis des mois”, tu vois ? Je veux juste... commencer autrement. Naturellement.
Érine penche la tête, malicieuse.
— Alors écoute-moi bien : il y a un exposé à faire pour le cours de littérature moderne, non ?
Marie-Louise la regarde, intriguée.
— Oui… ?
— Propose-lui de le faire avec toi. Pas pour lui faire une déclaration, pas pour te torturer… juste pour passer du temps avec lui, hors du regard des autres. Il acceptera. J’en suis sûre.
Marie-Louise réfléchit. L’idée fait battre son cœur trop vite, mais cette fois, ce n’est pas que de la peur. Il y a de l’élan. Du possible.
— Tu penses que c’est une bonne idée ?
— Je pense que c’est une idée parfaite, répond Érine avec un clin d’œil. Et je serai là si tu paniques. Mais je sens que tu ne vas pas paniquer. Pas cette fois.
Marie-Louise sourit. Pour la première fois, un sourire entier, sans filtre. Elle regarde l’eau couler sous le pont un peu plus loin. Ce matin-là, elle n’écrit pas dans son carnet.
Elle écrit dans sa vie.
Et elle sait que bientôt, elle devra lui parler.
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