Le moment suspendu

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La bibliothèque est baignée d’une lumière dorée, tamisée par les grandes fenêtres à carreaux. Le silence est apaisant, juste troublé par le froissement de pages tournées, quelques pas discrets et le grattement léger de stylos sur du papier. C’est un lieu qui rassure Marie-Louise. Et pourtant, aujourd’hui, son cœur bat plus fort que d’habitude.

Assise à une table au fond, elle observe le carnet ouvert devant elle sans vraiment le lire. Côme est là, deux rangées plus loin. Il est seul, concentré, le front légèrement plissé au-dessus de son ordinateur portable. Elle sent déjà ses paumes moites. Elle s’encourage mentalement.

Respire. C’est juste un projet. Juste un exposé. Tu n’as rien à perdre.

Érine n’est pas là cette fois. Elle lui a murmuré un « Tu peux le faire » ce matin en l’embrassant sur la joue, puis elle l’a laissée seule. Marie-Louise avait accepté, d’un hochement de tête un peu tremblant.

Elle se lève doucement, en prenant son carnet comme si c’était un talisman. Les quelques pas jusqu’à la table de Côme lui paraissent interminables. Il ne l’a pas encore vue. Elle s’arrête une seconde, l’observe. Il a cet air calme, absorbé, presque ailleurs. Puis, il lève les yeux. Et il sourit.

— Oh, salut Marie-Louise ! Tu bosses aussi ici ?

Elle hoche la tête, essaie de garder le fil de ses pensées malgré la tension qui lui serre la poitrine.

— Oui. J’aime le silence, ça m’aide à... réfléchir.

Il sourit, ferme doucement son ordinateur.

— Je comprends. Moi aussi. Tu veux t’asseoir ?

Elle hésite une demi-seconde, puis s’assoit face à lui. Son cœur tambourine.

— J’ai pensé à quelque chose, dit-elle d’une voix douce, presque hésitante. Pour le cours de littérature moderne... il y a un exposé à faire, non ?

— Oui, la semaine prochaine je crois.

Elle respire un peu plus profondément, se lance.

— Est-ce que ça te dirait... de le faire avec moi ? Ensemble ?

Un silence. Pas long, mais assez pour que son cœur se serre un peu. Puis, il sourit de nouveau, et cette fois, c’est un vrai sourire, chaleureux, presque surpris.

— Avec plaisir, oui ! Ce serait cool. Tu as déjà une idée de sujet ?

Elle reste un instant sans voix. Elle n’a pas prévu ce “oui” aussi simple, aussi direct. Elle attendait une hésitation, une formule polie, peut-être même un “je suis déjà avec quelqu’un”. Mais non. Il a dit oui. Et il semble sincèrement heureux.

— Je pensais à... la représentation du désir dans la poésie romantique, murmure-t-elle.

— Intéressant. Et très toi, ajoute-t-il avec un clin d’œil.

Elle rougit légèrement, mais elle sourit, soulagée.

— On peut commencer à y réfléchir ce week-end, si tu veux ? propose-t-il. Il y a un café sympa pas loin, ou sinon, ici, comme tu préfères.

Elle hoche la tête, un peu abasourdie par sa propre audace, mais étrangement sereine.

— D’accord. Ce week-end.

Quand elle repart de la bibliothèque, le cœur encore battant, elle a envie de rire et de pleurer à la fois. Elle a fait un pas. Et lui aussi.

Et dans sa poche, elle sent le carnet contre sa hanche. Elle y inscrira ce soir :

“Je l’ai fait.”

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