Sybille

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Jérusalem.

Assise à la fenêtre de ses appartements, la princesse Sybille observait le bleu de l’horizon en berçant son nouveau né dans ses bras. Une vieille servante brossait ses resplendissants cheveux blonds en y glissant quelques perles. La reine mère était elle aussi présente. Installée dans un coin de la chambre, elle brodait en silence une majestueuse tapisserie écarlate qu’elle comptait offrir à son fils. Elle lui avait souvent répété qu’elle trouvait les parties royales du palais trop ternes et qu’il devait les rendre époustouflantes. Lorsqu’il lui répondait qu’il n’y avait aucun intérêt à cela, elle s’offusquait et rétorquait qu’il fallait impressionner les visiteurs. La maison d’Anjou, selon elle, devait être un symbole incontesté de richesse et de puissance. Lui n’y prêtait pas plus d’attention.

Les chambres de la princesse étaient aménagées en conséquence : un lit, bien trop grand même pour trois personnes, était recouvert de fourrures pour les froides nuits ; diverses tables de différentes tailles et couleurs soutenaient les multiples bijoux luxuriants de la jeune femme ; un boudoir monté d’un miroir lui permettait de se rappeler chaque jour sa beauté, tandis que les murs arabesques des pièces complimentaient ses atours.

« Ne rêvasses pas, fit la reine mère sans lever les yeux de sa tapisserie.

- Je ne le faisais point, rétorqua Sybille.

- Ton fils doit avoir toute ton attention. Le paysage peut attendre. »

La jeune fille soupira et berça un peu plus rapidement son enfant. Le changement brutal de rythme le décontenança et il se mit à pleurer. Elle s’énerva à essayer de le calmer. La servante qui s’occupait de ses cheveux proposa de l’aider mais fut interrompue par la reine mère qui s’approchait.

« Ce n’est pas bien difficile de bercer un nourrisson. Donne-le moi avant que tu ne le brises en deux.

- Ce n’est pas facile non plus, s’indigna t-elle en allant à son boudoir.

- J’ai pris soin de vous sans relâche lorsque vous étiez enfants et je n’en suis pas morte. Heureusement pour vous, j’ai été assez bonne à la tâche pour que vous atteigniez l’âge adulte.

- Vous avez eu beaucoup plus d’attention pour le garçon, j’imagine. » elle soupira.

La princesse choisit une paire de boucles d’oreilles ornées d’or et de perles qu’elle mit de côté. Elle se mit à décider quel collier elle pourrait revêtir. Sa mère lui attrapa le visage et le tourna vers elle pour que leurs yeux se croisent. Son regard gris était sévère.

« Les héritiers mâles sont bien plus importants, Sybille, reprit-elle. C’est pourquoi tu dois prendre soin de ton fils, car il sera le prochain roi. L’amour d’une mère forge les futurs monarques. Ne l’oublie jamais. »

Des cloches se mirent à tinter bruyamment. L’attention des deux femmes se portèrent sur la fenêtre. L’armée chrétienne entrait dans la cité, triomphante. Des acclamations s’élevèrent des forteresses de pierres rouges. Depuis leur point de vue, elles pouvaient apercevoir la foule des citoyens en exalte et adoration devant le garçon à la couronne. Sybille grimaça.

« Voici mon exemple, ajouta la reine mère en souriant fièrement. C’est mon amour et ma dévotion qui ont fait de cet enfant un homme dont on se souviendra.

- Non, c’est de mon fils dont on se rappellera. Personne ne voudrait se souvenir d’un lépreux. »

Sa mère lui attrapa violemment le poignet et la tourna de force vers elle.

« Ne dis plus jamais cela, petite insolente ! s’écria t-elle. Ton frère mérite tout ton respect.

- Il m’a mariée de force, mère. Et lorsque j’ai appris à aimer Guillaume, le Ciel a décidé de me le reprendre. Maintenant, je suis à nouveau bonne à marier. Je ne suis rien d’autre qu’un objet politique à ses yeux. Je n’ai pas le temps de tomber amoureuse avant de devoir m’éprendre de quelqu’un d’autre. Je maudis les Anges de ne pas m’avoir faite homme. »

Sybille quitta ses appartements en trombe. Elle descendit les escaliers en pierre dure du palais et accéda aux jardins où elle pouvait avoir une meilleure vue du défilé de l’armée. Là, cachée derrière les rosiers, elle pouvait poser ses yeux sur Baudoin d’Ibelin. Son coeur s’emballa et son teint rougit.

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