Chapitre 3
Quand la prof rentra dans la classe, Romane comprit tout de suite que le directeur lui avait annoncé une mauvaise nouvelle. Une nouvelle peut-être même effrayante, vu comme Madame Chantale était blême. Est-ce que quelqu'un était mort ? C'était la première question que Romane s'était posé en la voyant.
L'enseignante tenta de mettre de l'ordre dans ses papiers, sans vraiment se concentrer. Elle semblait ailleurs. Elle finit par relever la tête et croisa le regard de Romane. Elle leva les yeux au ciel, mais fit signe aux deux fille de s'approcher.
— Les filles, vous allez commencer le projet seules. Vous pouvez choisir une légende et faire les recherches sans Xavier. On verra au moment de la présentation si... S'il pourra participer.
— Il va bien ? demanda Sarah, inquiète.
— Ne le dérangez pas inutilement pour le projet, c'est tout, répondit la professeure avec un air grave. Allez, retournez à vos places.
Puis elle se leva et s'adressa à toute la classe. Elle était toujours blême, mais avait repris de sa force habituelle.
— Les enfant ! Je suppose que vous avez tous pu regarder la liste de légendes. Maintenant, il faut choisir. Je vais encore piger des noms. Décidez vous sur un deuxième et un troisième choix, au cas où elle soit prise avant votre tour. On commence.
Romane et Sarah lirent la liste à toute vitesses, essayant de déterminer un premier choix. De toute façon, elle connaissaient peu ou pas légendes sur la liste, ainsi il n'était pas facile de choisir.
— Léo.
Léo et sa coéquipière Félicie échangèrent un sourire, puis Félicie donna leur choix :
— Le moulin hanté.
La majorité de la classe soupira. C'était la légende la plus connue du village et la seule dont Romane se rappelait à peu près l'histoire. Sarah, pratique, ratura le nom de la légende sur sa feuille. Les noms défilèrent, ajoutant de plus en plus de ratures sur la feuille de Sarah et de plus en plus de déception dans la tête de Romane. Toutes les «bonnes» légendes avaient été prises. Quand enfin, l'enseignante nomma le nom de Romane, celle-ci choisit le titre le plus accrocheur des trois restants. «L'Ombre».
De légers rires fusèrent dans la classe. Visiblement, peu d'élèves étaient du même avis qu'elle. Sarah lui lança un regard déçu. Romane ne comprenait pas. «L'Ombre», c'était bien, non ? Mais ce qu'elle comprit encore moins, ce fut le regard de Madame Chantale. Un drôle de regard, à la fois soucieux et pétillant.
La prof pigea l'équipe restante, qui choisit, puis donna ses dernières directives :
— Vous pouvez essayer de chercher sur internet, ceux qui ont un ordinateur à la maison. Mais vous ne trouverez pas grand chose. Ste-Marie-De-L'espérance est un petit village. Je vous conseille de plutôt poser vos questions aux gens du village. Vous aurez de l'informatin de différents points de vue, ça risque d'être intéressant.
Toutes les équipent se mirent à parler en même temps, commentant leur légende finale. Romane et Sarah ne firent pas exception.
— Pourquoi tu as choisi celle-là ? demanda Sarah avec exaspération. Elle n'a même pas l'air intéressante.
— Ben là ! s'exclama Romane. «L'Ombre», «L'œil du lynx» ou «Le pauvre fermier». Laquelle a l'air la plus intéressante ?
— Ok, pour le fermier, ça a l'air poche. Mais «L'Ombre», vraiment ? On sait même pas qu'est-ce que ça raconte !
— Justement. Ça pourrait raconter un truc cool. On verra ben, en tout cas.
— Ouais. Heille, pourquoi Xavier fait pus le projet avec nous, tu penses ?
Son expression renfrognée avait laissé place à de l'inquiétude. Pourquoi donc Sarah prenait autant à coeur les problèmes de Xavier ?
— J'sais pas. Y est peut-être mort. Ou un proche à lui est mort.
— Dis pas ça ! s'écria Sarah, les larmes aux yeux. Merde, dis pas ça, Romane.
— Je lui souhaite pas ! Je fais juste énoncer une hypothèse. De toute façon, dans mon expérience, les choses qu'on imagine arrivent jamais. Je le protège de la mort d'un proche... Ou de sa propre mort.
— Tais-toi, Romane Tremblay ! Tu sais rien ! Peut-être que justement, les choses peuvent arriver si on pense qu'elles n'arriveront pas.
— T'es dure à comprendre, des fois, Sarah. Mais t'inquiète pas, il doit pas être mort : la prof a dit qu'on verrait s'il pourrait participer. Si ça se trouve, il s'est juste cassé le bras.
Sarah inspira de grandes goulées d'air pour se calmer. Puis, elle repris sur un ton posé, égal.
— On devrait aller voir chez les Marcotte. Juste pour voir si tout va bien !
— Ouain... Si ça peut te rassurer. Mais je m'éterniserai pas là-bas. Tu sais à quel point j'adoooore Xavier.
Sarah se contenta de soupirer.
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