Secrets de Famille
Lorsqu’elle ouvre les yeux, elle se retrouve dans une vaste prairie, en compagnie du Prince. Le jeune homme de ses rêves semble tout droit sorti d’un monde médiéval, vêtu d’un chemisier beige bouffant et d’un sarouel bleu.
– Je ne connais même pas ton nom… souffle-t-elle, émue, incapable de le saluer correctement.
Le Prince sourit tendrement. Son visage rayonne de bonté.
– Tu es de retour, finalement… Je suis si heureux de te retrouver, Akeïn. Mon nom est Sayan[1].
Akeïn rougit, sidérée. Il a tellement grandi ! Mon Dieu… il est devenu un beau jeune homme. Un vrai. Imberbe, certes, mais plus grand et plus musclé qu’à sa première venue ici. Sayan la scrute de son regard azur.
« Ah, je me remets instinctivement à parler et comprendre leur langue, comme la dernière fois », songe-t-elle. « Ce n’est pas du japonais. Est-ce que cette faculté viendrait de mon ancêtre ? »
Elle reste silencieuse, fascinée par les traits angéliques du Prince, par la brillance surnaturelle de ses cheveux bleus mi-longs, si soyeux.
– Nous avons besoin de toi ici, au Royaume, ajoute Sayan. Ta magie ancestrale et ta science des plantes nous seront précieuses.
Le Prince lui tend la main. Akeïn l’observe, bouleversée, rougit de plus belle et prend finalement sa main pour se relever. Elle se sent nauséeuse, et sa tête bourdonne. Elle vacille, perd l’équilibre en se redressant.
– Ah, tu subis les conséquences du voyage interdimensionnel. C’est normal. Plus jeune, tu pouvais facilement le supporter. Mais en grandissant, ton corps se transforme… et tes énergies aussi.
Dès qu’Akeïn a des étourdissements ou trébuche, le Prince la rattrape en la soutenant de son bras, attentif.
– Courage ! Ce n’est plus très loin.
– Balsa est-elle ici ?
– Oui, tu vas bientôt retrouver ton double.
Akeïn n’en croit pas ses yeux. Dans une sorte d’état second, elle se laisse guider, son goût de l’aventure plus fort que sa peur ou son hésitation.
Une cité médiévale se dessine au loin, protégée par une imposante muraille en pierre. Elle en aperçoit déjà les toits aux courbes élégantes, recouverts de tuiles vernissées. Au-delà de la muraille, des pagodes s’élèvent vers le ciel, ornées de motifs incurvés. Arrivés aux portes du vaste royaume, Akeïn et le Prince traversent un pont en pierre aux arches délicates, sous lequel s’étendent les douves.
Dans les jardins fleuris, des temples élégamment sculptés se dressent, décorés de riches motifs et de représentations d’animaux mythologiques, qui semblent danser sur les murs.
Sayan la conduit jusqu’à l’entrée du palais, gardée par deux immenses statues de lions ailés, finement ouvragées. Des frises complexes en or embellissent l’édifice royal, dont la toiture rouge à la croupe arrondie contraste avec les arabesques dorées.
– C’est… c’est ton palais ? bégaye Akeïn, impressionnée.
Le Prince sourit tendrement, amusé.
– Et oui… j’ai grandi ici. Désormais, c’est ta demeure.
– Comment ça ? Comment se fait-il que moi, Terrienne, je puisse vivre dans votre monde et… séjourner dans ce palais ?
– Parce que tu es la descendante d’Asuna, Gardienne d’une magie ancestrale qui provient de ta planète.
Akeïn se retourne en entendant une voix féminine répondre.
– Balsa ! s’écrie-t-elle, rayonnante.
– Akeïn ! Te voilà enfin ! sourit l’épéiste.
La guerrière n’a pas changé. Ses cheveux bruns sont tirés en un chignon serré qui lui donne un air sérieux. Elle porte sa tenue bordeaux : un pantalon ample et souple, assorti d’un haut maintenu par un large foulard beige, son épée cachée dans son fourreau.
– Akeïn… Le pouvoir de ta famille s’est manifesté en toi dès ta naissance. Ta grand-mère actuelle l’a perçu. Asuna, ton ancêtre, possédait ce même don et a vécu un temps parmi nous. Puis elle est retournée sur Terre, a eu des enfants, et leur a transmis la science des plantes. Ma propre ancêtre était son double, tout comme je le suis avec toi. C’est pourquoi j’ai accès à toutes ces connaissances. Mais les générations qui ont suivi n’ont pas eu cette magie si particulière, propre aux Gardiennes… jusqu’à toi.
Autour d’eux, les jardins exhalent un parfum enivrant, et, au loin, le murmure apaisant d’une fontaine mêlé au chant d’oiseaux aide la jeune fille à remettre de l’ordre dans ses idées. Une brise légère soulève ses longs cheveux châtains.
– Je comprends mieux les paroles de Naka… souffle-t-elle, pensive. C’est pour cette raison que j’ai pu vous sauver de l’entité sombre ! Grâce à ce pouvoir transmis par Asuna. Comment se fait-il qu’elle ait vécu ici, dans votre monde ?
– Oh, Akeïn, ta famille est unique… elle descend d’un métissage entre une femme de ce monde et un homme du tien, à une époque où les mondes étaient interconnectés. Voilà pourquoi tu peux demeurer ici si facilement. Puisque tu es la nouvelle Gardienne, ton destin est lié à celui d’Asuna.
– Je… je vais donc vivre ici, réellement ?
Le prince la regarde intensément et intervient :
– Si tu le souhaites, tu peux rester dans notre monde toute ta vie.
[1] Se prononce « Sayanne ».
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