Hide : fleur de chaos

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Elle dort contre moi, paisible pour la première fois depuis des jours. Et pourtant, je sens encore son feu, celui qui m’a brûlé si fort alors que j’étais en elle, contre elle. Juste sous la peau. Ce feu-là, il ne s’éteint jamais. Il couve, il attend, prêt à jaillir dès que le monde tentera encore de nous briser.

Je ne me lasse pas de la contempler. Sa silhouette, nue et lovée contre mon flanc, a quelque chose de sacré. D’invincible.

Ma Lola.

Je repense à ce qu’elle m’a dit tout à l’heure. Je suis prête. Jusqu’au bout. Et je crois que je ne l’ai jamais aimée autant qu’en cet instant.

Chez les yakuzas comme dans les arts martiaux, on dit que les femmes sont des fleurs, qu’on peut écraser et protéger. Quand j’ai rencontré Lola, je l’ai prise pour une fleur, elle aussi. Je l’ai longtemps crue fragile, un cosmos sauvage planté dans le béton de nos ruelles : la beauté dans le chaos. Je l’ai crue incapable de survivre dans le sang et les trahisons. Je me suis lourdement trompé.

Lola n’est pas une fleur. C’est une louve. Silencieuse, fière, mortelle, aussi, quand il le faut. Elle a ce regard, celui qui ne tremble plus. Le regard d’une véritable femme de yakuza… Non, plus que ça. Celui d’une épouse, d’une partenaire, d’une complice. D’une femme amoureuse. Celui qui dit : « je suis toujours là ». Pas derrière, comme les épouses de samouraï qui couraient derrière leur mari. Non. À mes côtés.

Et putain, je suis fier d’elle. Fier au point de sentir ma poitrine éclater.

Ce n’est pas juste de l’amour que je ressens, là, maintenant. C’est du respect. Un respect profond, animal. Elle est devenue mon égale sans que je m’en rende compte. Peut-être qu’elle l’était déjà. Peut-être que c’est moi qui ai mis trop de temps à le voir.

Je repense à Kagoshima. Au sang que j’ai versé sur cette boîte sacrée. Au silence des Kozakura. Au serment que j’ai fait. À ce marché maudit.

Et je pense à elle. Lola.

C’est pour elle que je continue à avancer, à me battre dans ce combat truqué. Pour elle et pour Taichi. Pour qu’ils vivent libres, loin de ce merdier. Mais ce n’est plus elle que je dois protéger. C’est nous, ma meute. Et Lola est prête. Prête à se battre, à faire couler du sang s’il le faut. Le mien, celui des autres. Alors, récupérer mon nom, l’identité qui m’est due, le secret dont j’ai hérité, celui pour lequel mes parents ont donné leur vie… ce n’est qu’un détail, pour moi. Si je fais tout ça, c’est pour ma femme et mon fils. Point barre.

Il y a une chose que je ne veux jamais perdre. Une chose dont je suis sûr.

Je ne veux plus rien faire sans elle. Je ne peux plus envisager la vie sans elle. Elle et moi… jusqu’à la fin.

Lola se blottit contre moi. Je glisse une main dans ses cheveux, doucement. Elle bouge à peine, son souffle calme contre ma peau. J’embrasse son front. Elle murmure quelque chose dans son sommeil : peut-être mon nom. Ou celui de notre fils.

Demain, on retourne à Tokyo. Confronter Kiriyama. Découvrir la vérité sur Masa. Récupérer ce qui est à nous. Et cette fois, je ne suis plus seul. J’ai ma femme à mes côtés.

Que le Juge des Enfers ait pitié de ceux qui se mettront en travers de notre chemin.

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