Chapitre 33

6 minutes de lecture

Ecrit en écoutant notamment: Trym - Don't Be Jealous [HardTrance]


Point de vue Michaël


Après être rentré et m’être mis très péniblement au boulot depuis un petit quart d’heure, je sens mon téléphone vibrer avant d'afficher le nom de mon amoureux lorsque je le tire de ma poche. J’interromps sur le champ mes révisions d’histoire-géo sur le commerce mondial maritime, prends soin de fermer la porte, et alors que je m’attendais à quelques mots doux, il prend une respiration marquée et amorce sa tirade sans me laisser en placer une :

— Hey, mon petit mec, j’ai un peu discuté de toi avec mes parents. J’ai bien l’impression qu’ils ne sont pas contre l’idée que tu viennes samedi matin. Ils sont persuadés que t’as "une bonne influence sur moi", comme ils disent. Pas seulement pour les raisons qu'ils imaginent, mais ça les rassure, t’imagines même pas à quel point mon père était satisfait du 14 que j’ai eu en physique-chimie après que tu m’as expliqué le chapitre ! Il aurait presque retrouvé foi en son fils… Alors on ne va pas s'en priver ! Tu pourras venir ?

— Euh d’accord, pas de problème réponds-je, avant de poursuivre très sérieusement :

— Et il faut que je me chauffe sur quel chapitre cette fois ?

Je l’entends contenir un rire mal dissimulé:

— Donnée complémentaire : on sera seul chez moi. T’arrives à résoudre l’équation maintenant ?

— Je ne vois pas le rapport… à part qu'on sera tranquille pour bosser... , continue-je bêtement, avant de me rendre compte de mon niveau olympique de stupidité et de bafouiller bêtement une série aléatoire de "Ah mais oui !" , "Bien-sûr !" , et " Je suis con…".

C’est vraiment terrible, même au téléphone, son aura me fait perdre 40 points de QI… Surmontant son amusement, il me rassure :

— Ne t’en fais pas, ça fait tout ton charme. Et donc, t’as compris quoi mon petit gars ?

Alors que j’essaye d’imaginer quelques phrases excitantes à son attention, la porte contre laquelle j’étais adossé s’ouvre violemment et mon téléphone m’échappe des mains.

C’est mon frère qui m’appelle pour manger, et qui s’excuse de m’avoir bousculé en allant le ramasser. Je sens mes poils se hérisser d’un coup quand il me tend l’écran, sur lequel ‘Morgan’ est affiché en grand, avec un grand sourire. Il ressort aussi brusquement qu’il était entré, en gueulant : "Fais vite, ça va refroidir !" , tandis que j’essaie de souffler en me répétant qu’il n’y a aucune raison objective qu’il ait pu deviner quoi que ce soit, à moins d’écouter aux portes et d'être particulièrement perspicace.

Par rapport à mon frère, ce qui me gênerait le plus, c’est simplement qu’il apprenne que je sors avec quelqu’un, peu importe si c’est avec un mec ou une fille. Vu comme je suis mal à l’aise avec ça, je ne vous dis pas le filon inépuisable qu’il tiendrait pour me charrier…


Je porte à nouveau mon téléphone à l’oreille:

— Ah, t’es là ? Tu t’es cassé la gueule dans l’escalier ou quoi ?

— Euh non, non, par contre je vais manger là, je te rappelle quand j’aurai trouvé quelques idées, mon beau.


Point de vue Morgan


Je m’en veux quelque peu de lui avoir seulement affirmé que je pensais peut-être l’aimer, tout à l’heure. Je ne sais pas s'il avait vraiment relevé le détail, mais c’est pour cette raison que je déclare maintenant:

— Ha, t'as jusqu'à samedi matin pour ça! Une dernière chose avant que t’y ailles: je t’aime sincèrement, Michaël.

Après un blanc de quelques secondes, il me répond avant de raccrocher:

— Je t’aime Morgan.

Un profond frisson zèbre mon dos avant de se ramifier en une onde de bonheur qui envahit mon corps entier, et mes zygomatiques se tendent à l'extrême dans un large sourire qui s'éternise bien après que j'ai déposé mon téléphone...


Point de vue Michaël

Comment dire ? C’était juste… merveilleux. Tellement beau que je ne savais plus quoi dire. J'ai toujours du mal à réaliser que quelqu'un puisse dépendre de moi de cette manière, et réciproquement...

C’est ainsi que je descends les escaliers, débordant d’allégresse, malgré mon père qui me houspille, apparemment impatient de donner son premier coup de fourchette. D’ailleurs, c’est curieux, mais depuis qu’il a appris que je suis gay, il y a un bon mois, il ne m’en a jamais reparlé. Difficile de savoir ce qu’il en pense. Peut-être s’en fiche-t-il royalement ?

Par contre, je n’aime pas trop le sourire goguenard de mon frère ; j’ai l’impression qu’il décode mes pensées quand il affiche cet air. Peut-être est-il en fait simplement content pour moi que je sociabilise un minimum ? Quant à ma mère, aucun fait notable à reporter par rapport à ces questions, ce qui m’arrange plutôt bien à vrai dire.

J’aurais pu passer la plus agréable nuit de ma vie – en attendant d’en passer une en amoureux –, mais le vendredi matin, je suis sur le qui-vive à cinq heures et demie. Le stress des retrouvailles avec Alexandre est bien-sûr la raison de mon réveil très matinal, d’autant plus que je n’ai eu aucun message de sa part depuis hier soir. Pour essayer de faire abstraction de ce problème, je relis une dernière fois mon cours de géo pour le contrôle d’aujourd’hui : Shanghai, Tianjin, Rotterdam, Los Angeles, Tokyo... détroits de Malacca, Ormuz, Gibraltar…


Je ne sais pas vraiment qui doit aller parler à l’autre, mais le regard glacial et lourd de reproches qui s’abat instantanément sur moi dès que j’entre dans son champ de vision me suggère très fortement de garder mes distances. Il ne me décroche ensuite plus aucun regard et détourne le visage dès que je tourne la tête dans sa direction, serait-ce pour regarder par la fenêtre.

C’est seulement peu avant la pause de 10 heures qu’il me rend le clin d’œil que je lui avais moi-même lancé il y a deux semaines, un peu comme un code. Sauf que ce n’est pas exactement la même lueur que j’ai pu brièvement apercevoir dans ses yeux. Cette fois ci, j’ai droit à un regard acrimonieux qui me fusille de haine.

Comme convenu, nous nous trouvons un recoin de couloir à l’écart du flot d’élèves surexcités qui crapahutent en direction de la cour. Je sens la foudre approcher, et m’appuie contre le mur, attendant qu’il démarre. Il m’observe sous toutes les coutures avant de commencer :

— Mon gars, je suis moins con que j’en ai l’air. Je vous ai vu hier soir, en train de vous faire des câlins avec ton… Morgan.

Il poursuit d’un chuchotement éraillé :

— Vous étiez bien mignons tous les deux ! Mais toi, pauvre con, qui retourne ta veste au premier venu, tu me dégoûtes. C’est bien simple, tu ne parles pas de notre relation, et je te laisse tranquille… avec ton drogué, t’as l’air d’aimer ça.

Et il me laisse sur place, après m’avoir plaqué au mur de ses mains puissantes, cette fois-ci dans le but de me montrer qu’il ne plaisantait pas.

Ok, donc deux enseignements à tirer de tout ça. D’une part, je suis définitivement convaincu qu’il m’a effectivement pris pour un idiot - et que j’ai agi comme tel, il faut le reconnaître - . S’il m’aimait vraiment, il n’aurait pas lâché l’affaire aussi facilement… Je n’ai vraiment aucun remord à avoir à son encontre. D’autre part, il ne viendra sûrement pas m’emmerder. Il sait pertinemment que le cas échéant, je suis en mesure de lui créer quelques problèmes vis-à-vis de son acolyte peu tolérant, avec lequel il semble d’ailleurs toujours s’entendre à merveille.

On risque de passer le reste de l’année en mode guerre froide…

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