Nelyo tchagui ! 2/2

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« Maintenant, combats légers. Pas de protections. Vous retenez les coups. »


Le maitre désigna les paires :

« Loreleï, tu prends… » Il regarda les nouveaux. « Toi. Cheveux courts. »

Le type se redressa. Sourire en coin.

« D’accord. »

Ils se placèrent face à face, le maitre au milieu.

« Règles. Touches légères. Pas de puissance. C’est un exercice. Pas un combat de rue. Compris ? »

« Compris », dit Loreleï. Le type hocha la tête.

« Salut », dit Loreleï en s’inclinant.

Il s’inclina aussi. Moins soigneusement.

« Si Jak ! » (Commencez)

Le type avance. Trop vite. Trop confiant. Lance un coup de poing. Téléphoné.

Loreleï esquive. Pas de difficulté.

Il essaie encore. Coup de pied bas. Maladroit.

Elle bloque. Contre immédiatement. Dolyo chagi. Coup de pied circulaire. Sa jambe part. Rotation. Touche la tête un peu plus fort que d’habitude. Pas trop. Mais précise.

Le type recule. Surpris.

« Point Loreleï », annonce le maitre.

Ils recommencent. Cheveux courts est plus prudent maintenant. Observe.

Loreleï ne le laisse pas respirer. Elle avance à petits bonds. Contrôle la distance. Feinte basse.

Il mord.

Elle frappe haut. Ap chagi. Frontal. Talon sur le torse.

Il vacille. « Point Loreleï. »

Troisième échange. Le type est énervé maintenant. Elle le voit dans ses yeux.

Il charge. Trop agressif.

Erreur. Loreleï pivote. Esquive. Contre. Nelyo tchagui. Coup de pied descendant. Sa jambe monte. Haut. Puis redescend. Comme une hache. Sur la tête. La vibration jusque dans sa hanche. Elle pousse un cri.

Le type tombe sur un genou.

« Stop ! » le maître lève la main.

Loreleï recule immédiatement. S’incline. « Désolée. Trop fort ? »

Le type se relève. Secoue la tête. Sonné. « Ça va. »

« Combat terminé. Loreleï gagne. »

Loreleï partit boire. Les autres combats continuèrent. Les trois nouveaux étaient regroupés. Parlaient à voix basse. Elle les entendit quand même.

« Putain, elle t’a démonté. »

« Ferme-la. »

« Sérieux, mec. Elle t’a mis au tapis. »

« J’ai dit ferme-la. »

Loreleï s’approcha. Calmement. Ils se turent en la voyant. Elle les regarda. Un par un. Puis dit d’une voix claire :

« Mes jambes servent AUSSI à frapper. Pas que pour la déco. »

Silence. Le type aux cheveux courts rougit.

« Je… »

« Vous pensiez quoi ? Que j’étais là pour quoi ? Pour faire joli ? »

Les trois évitèrent ses yeux verts qui lançaient des éclairs.

« Je suis là pour progresser. Mes jambes sont mes outils. Pas un accessoire pour vos fantasmes. »

L’un d’eux — plus jeune, cheveux longs — osa parler.

« Désolé. On… on a été cons. »

Loreleï le regarde. Évalue. « Ouais. Vous avez été cons. »

« Ça se reproduira pas. »

« J’espère. Parce que si ça se reproduit, je demande au maitre de me mettre avec vous à chaque cours. Et je vous frappe. Légèrement. Mais régulièrement. »

Le type aux cheveux longs sourit malgré lui. « Message reçu. » Loreleï hocha la tête et repartit s’entrainer.


Fin. Salut collectif. Tout le monde s’inclina vers le maitre, qui leur rappela ensuite la date du passage de ceinture. Et que, sauf en cas de décès, personne ne devait manquer un seul cours.

Loreleï rejoignit les vestiaires. Se changea. Remit sa mini-jupe en jean et ses tennis rouges. En sortant, elle croisa Quentin dans le hall. Ils discutèrent tout en marchant vers la station de bus.

« Bien joué tout à l’heure.

  • Merci.
  • Ils ont compris.
  • J’espère.
  • Tu leur as fait peur.

Loreleï resta songeuse.

  • C’était le but. Tu crois qu’ils vont me détester ?
  • Ils ont intérêt à comprendre, sinon… Nelyo tchagui !

Quentin hésita avant d’ajouter :

  • Tu viens à la soirée de Malik ?
  • Non, Vivian a prévu autre chose.
  • Tiens, en parlant du loup…

Loreleï se retourna. Vivian marcha vers eux, démarche assurée, sourire légèrement crispé. Elle sentit son ventre se nouer. Elle était presque déçue qu’il soit déjà là.

Arrivé à leur hauteur, Vivian salua Quentin. Bras de fer perpétuel auquel Quentin s’était habitué. Ce dernier ne s’attarda pas et se dirigea vers la fac, les laissant à l’arrêt de bus :

  • À mardi, Loreleï !
  • Bon week-end, Quentin ! Nelyo tchagui !

Vivian interrogea :

  • Ça veut dire quoi ?
  • Rien, un truc entre nous.

Vivian se renfrogna immédiatement. Loreleï ressentit de la lassitude. Devoir le ménager tout le temps commençait à lui coûter. Une fois dans le bus, Vivian demanda :

  • Il y avait des nouveaux ? Un pote de STAPS a dit qu’il voulait tester le taekwondo.
  • Tu lui as dit que j’en faisais ?
  • Non. Alors ?
  • Un grand con, cheveux courts ?
  • Oui, ça lui correspond bien.
  • Comme la plupart de tes potes de STAPS. Il m’a prise pour une cruche. Il a compris sa douleur.
  • Tu l’as démonté ?
  • Un peu.
  • Bien. Tu vois, pas la peine de lui dire que tu es ma copine. J’ai laissé le charme agir.

Loreleï rit, puis regarda Vivian avec étonnement : c’était si rare de retrouver le Vivian d’avant. Celui qui savait plaisanter, qui ne craignait pas qu’elle s’envole au moindre souffle. Elle ajouta :

  • Tu vois, tu peux me faire confiance.

L’illusion se dissipa. Il n’avait pas recouvré son humour ni sa légèreté :

  • Pour démonter la gueule de gros abrutis, oui. Par contre… Quentin : étudiant en philo, qui te touche au taekwondo, te fait rire… Là… »

Loreleï soupira et ne donna pas suite. Elle se blottit contre Vivian et ils se racontèrent leur semaine pendant le trajet les menant à l’appartement de Loreleï, dans le centre de Bordeaux. Ils finirent par regarder les maisons défiler, en silence. Loreleï pensa au combat. Elle n'avait plus peur de prendre des coups. Au contraire. L'impact, le cri, la précision. Elle aimait combattre. Surtout contre Quentin. Lire son corps lui plaisait autant que de le frapper.


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