Faunea

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Devant leurs yeux s'étendait la preuve manifeste de ce que les fées avaient subies. Sept jours après l'attaque, certains décombres étaient encore fumants, et des corps jonchaient le sol. L'horreur envahissait encore les lieux, et les nouveaux arrivants contemplèrent avec effroi les ruines du village, où il n'y avait pas âme qui vive. Les yeux de Lysiana et Lyséa s'emplirent de larmes, alors que ceux des garçons se posaient sur le sol calciné. Un léger vent s’élèva, et l'on put voir qu'il émanait de la fée.

-Où êtes-vous ? Ne reste-t-il personne ? Demandait-elle avec désespoir

-Lyséa ? C'est toi ?

Un courant d'air les enroula en réponse. Puis, derrière les troncs , de l'autre côté de la clairière, les ombres se mirent à bouger, dévoilant un vieil homme fée, qu'ils reconnurent comme celui de la vision. Orchias était suivi des survivants de l'attaque, ainsi que de quelques jeunes fées. Lysiana descendit de son Kô et vint s'agenouiller devant eux.

-Que peut-on faire Orchias ? S'inquièta-t-elle en les observant tour à tour. Laissez-moi vous soigner. Les garçons ? Vous voulez bien aider à déblayer ?

-Ça marche, acquiescèrent-ils

Malgré le fait que les fées furent peu nombreuses, elles avaient une telle quantité de blessures que Lysiana mit plus de deux heures à les soigner. Pendant ce temps-là, Zohan, Gwyldann ,Isaac et Zark nettoyèrent les restes des maisons, laissant les fées s'occuper des morts qu'ils découvraient. Au milieu des bouts de bois noircis, ils remarquèrent la présence de plusieurs bourgeons de fleurs de toutes les nuances de couleurs, gros comme leurs poings, qui luisaient faiblement, à intervalles réguliers, comme un cœur qui battait doucement.

-Qu'est-ce que c'est ? S'exclama Isaac.

-Les futures fées des plantes qui vont naître, expliqua Orchias. Lorsqu'une fée meurt, elle laisse sa place à une jeune et nouvelle fée. Cependant, dans l'état où sont les choses, nous ne pouvons pas les accueillir et devons ralentir le processus de renaissance.

-Je peux reconstruire le village, intervint Lysiana. Je ne pourrais pas ramener les objets qui contenaient vos souvenirs, mais je peux reconstruire vos habitations.

-Nous serions heureux de recevoir ton aide, s'inclina Orchias.

Une jeune fée courut lui enlacer la taille en pleurant des remerciements. La jeune femme lui sourit doucement et l'écarta en jaugeant la place que les garçons avaient faite. Zohan, devinant ses intentions, dirigea tout le monde vers l'orée du bois, laissant ainsi l'espace libre à sa soeur. Celle-ci posa un genou et ses deux mains à terre et, prenant une grande inspiration, elle mobilisa la totalité de sa maîtrise de la Terre. La clairière s'illumina d'un vert profond, et de nombreux arbres et plantes se mirent à pousser. Lysiana les modifia et les façonna au fur et à mesure de leurs croissances afin de recréer aux mieux les habitations des souvenirs de Lyséa. Nouant les branches entre elles grâce à des plantes grimpantes, elle reforma les toits. Les troncs, épais, larges et aplatis, devinrent les murs et se tordirent et se déformèrent afin de laisser des entrées que des rideaux de lierres vinrent recouvrir.

Un peu plus loin, entre les arbres, quatre fées entreprirent de soigner l'aile de Lyséa. Il s'agissait des quatre doyens, dont Orchias fait partie. Elles se placèrent aux quatre points cardinaux, avec juste assez de distance pour que leurs doigts se touchent lorsqu'ils tendaient les bras les uns vers les autres, et juste assez de place pour que Lyséa se tienne entre eux. Joignant leurs mains, ils se mirent à psalmodier. Doucement d'abord, puis de plus en plus vite et de plus en plus fort. Les alentours se colorèrent de rayons violets, Lyséa devenant lumineuse de l’intérieur à mesure que le sort s'intensifiait. Lorsque la lumière atteignit son paroxysme, un vent se propaga, et vint frapper la fée. Un craquement se fit entendre, puis tout redevint normal quand l'éclat diminua petit à petit, laissant place à une Lyséa comme neuve. Celle-ci fit quelques tours sur elle-même pour voir son aile réparée, puis l'agita doucement pour la tester un peu. Sûre que tout était en ordre, elle s'élança dans les airs avec un cri de joie.

-On dirait une fée à peine éclose, sourit Orchias en la regardant faire.

-En parlant d'éclosion, Lysiana a remis en route le processus, et des fées sont sur le point d'arriver, intervint une des doyennes en ramenant l'attention sur l'urgence de la situation.

En effet, quelques bourgeons brillaient plus rapidement et plus fortement, et l'un d'eux commença à s'ouvrir. Gwyldann, Isaac et Zark se précipitèrent derrière les fées pour y assister. Un camélia bleu marin écartait ses pétales un à un et découvrit une petite fée de la même couleur, aux vêtements bleu marine foncé, aux cheveux, sourcils et lèvres bleu marin clair. Ses ailes bleues translucides étaient arrondies et tremblaient légèrement alors qu'elle bougea en ouvrant de grands yeux bleu ciel. Lyséa étouffa un cri lorsqu'ils rencontrèrent les siens.

-Elle a le même regard que Rosis !

-La mort de ton amie lui a donné naissance, expliqua Orchias. Tu trouveras toujours quelque chose de nos fées disparues dans leurs réincarnations. Acceptes-tu de t'occuper d'elle ?

-Bien sur !

La fée nouveau-née fut prise en charge par les habitants de Faunea, qui la nommèrent et la présentèrent au chef du village, qui la remit à la petite fée mauve.

-Lyséa, Camely sera ta protégée à partir de maintenant, apprends lui nos règles et nos coutumes. Camely, lorsque tu sauras appliquer ce que Lyséa t'enseignera et que tu seras capable de voler, tu seras une adulte et tu pourras à ton tour prendre une fée sous ton aile.

Cette perspective sembla réjouir mais refréner Camely alors que Lyséa l’entraînait à sa suite lui faire découvrir le village.

-Les fées ne volent pas des leurs naissance ? Questionna Gwyldann.

-Non, répondit Lysiana en gardant un œil sur le défilé des jeunes fées devant le chef. Leurs ailes sont encore froissées, il leur faut six mois à un an pour qu'elles se recouvrent des petites écailles qui leur permettent de voler sans se déchirer.

Le cortège coloré des nuances de rose, jaune, vert et bleu se dispersa aux quatre coins du village. Le vieil homme fée se tourna vers Lysiana et s'inclina profondément.

-Merci à tous pour ce que vous avez fait pour le village. Laissez-nous préparer une fête en votre honneur pour vous exprimer notre gratitude.

-Puisse notre grande Déesse Pryss vous bénir tous ! Renchérit une jeune fée au couleur violet foncé.

Sous les yeux ravis des cinq adolescents, les anciennes fées reprirent possession de la clairière, alors que les jeunes se pressaient autour d'eux, curieuses d’appréhender un humain quelques minutes seulement après leurs éclosions. Elles se réunirent autour de Zark, le plus grand et le plus musculeux d'entre eux, et Isaac, intriguées par le Prince. Celui-ci se prêta au jeu, et se pencha vers elles, les laissant lui palper le visage, les épaules et le torse et lui caresser les cheveux, faisant de même avec elles. Du haut de son mètre quatre-vingt-dix-sept, Zark effrayait les fées autant que sa peau halée les captivait. Elles s’amassèrent autour de lui, mais laissèrent un petit périmètre de sécurité. Orchias les fit se disperser alors qu'il s'approchait d'eux.

-Je vais vous montrer où vous pourrez dormir pour les prochains jours, suivez-moi.

Ils ramassèrent leurs paquetages et traversèrent le village derrière la vieille fée jusqu'à une cabane assez grande pour les accueillir tous les cinq. Lysiana fit pousser quatre lits supplémentaires et s'installa sur le premier à sa portée. Epuisée par tous les efforts qu'elle avait fourni pour la reconstruction du village, elle ne tarda pas à s'endormir. Préférant la laisser se reposer tranquillement, ses quatre compagnons retournèrent explorer les environs du village. Zohan prit le temps de recouvrir la jeune femme d'une couverture avant de sortir. Zark était déjà parti, et Gwyldann et Isaac discutaient à voix basses, un tout petit peu plus loin. L'épéiste les rejoignit et leur offrit une visite guidée du village.

-Tu en sais long ! S'exclama Gwyldann, admiratif, en remontant ses lunettes sur son nez en un vif mouvement de main.

-Lysiana et moi venions souvent ici quand nous étions enfants.

-Zark nous a dit que vous étiez originaires de Forn...

-Nous sommes nés à Elendard, nous avons été élevés par la gouvernante de la maison de la Gouverneur Lithbeth.

-Vous êtes les enfants de la Gouverneur ? Questionna Isaac, interloqué.

-Non, sourit le brun. Lysiana et moi ne connaissons pas nos parents. Lithbeth nous a pris sous son aile.

Ils croisèrent Zark à l'angle d'une des maisonnettes de bois, et les deux guerriers décidèrent d'aller chasser leur repas du soir, les fées préférant les fruits et les légumes.

Lysiana se réveilla au moment où la fête commençait, les cris de joies des habitants l'aillant sortie du sommeil. Elle sortit en s'étirant et leva ses yeux verts sur le ciel noir. Quelques percées dans les nuages lui permirent d'apercevoir les étoiles. Elle se dirigea vers le grand feu qui brûlait au centre de la grande place du petit village. Comme une ombre, elle se glissa dans la masse joviale jusqu'à une place assise entre son frère et le prince. Celui-ci sursauta lorsqu'il se rend compte de sa présence.

-Du sanglier ?! S'exclama-t-elle en avisant l'animal en train de rôtir.

-Évidemment ! Lui répondit Zark en lui en servant un bout.

La demoiselle ne se fit pas prier et avala la viande en discutant joyeusement avec ses compagnons et les fées environnantes. La soirée se termina tard dans la nuit, et les cinq jeunes gens n'attendirent pas d'atteindre leurs oreillers pour s'endormir.

Après quelques jours de festivités, le temps se rappella à eux, et ils reprirent la route pour Elendard. Le départ fut difficile, les fées refusant de les voir partir. Orchias ramena de l'ordre dans la situation, et après de nombreux remerciements et au-revoir, les cinq humains montèrent sur leurs Kô et disparurent entre les arbres. Leurs homologues noirs les suivirent comme des ombres. Après quelques heures de marche supplémentaires dans la forêt, les cinq adolescents s’arrêtèrent sous l'ordre de Lysiana. Celle-ci descendit de son Kô et s'avança de quelques mètres avant de se tourner vers ses compagnons.

-Bienvenus à Elendard ! Sourit-elle avec un large signe de la main, englobant les arbres alentour.

-Euh... Lysia ça va ? Interroga Gwyldann, inquiet de la santé mentale de sa partenaire

-Lève les yeux, suggèra Zohan dans un demi-sourire.

Ils s’exécutèrent et découvrirent, perchées bien au-dessus d'eux, les habitations. La Ville Suspendue méritait bien son nom ; sur un arbre central étaient placées les marches rétractiles qui menaient aux passerelles de bois permettant de circuler dans la ville. Les murmures de la vie qui grouillait une trentaine de mètres plus haut se firent de plus en plus fort alors qu'ils se rendanent compte de sa présence.

Quelques hommes descendaient prestement les planches de bois autour de l'arbre, arc en main.

-Les mains en l'air, conseilla Lysiana. Et découvrez-vous.

Ils balancèrent en arrière les capuches de leurs capes et présentèrent leurs paumes aux gardes.

-Il fut un temps où Elendard accueillait les voyageurs à bras ouverts.

-Ces temps-là était synonyme de paix, répliqua un garde.

-Les mercenaires arrivaient-ils donc d'ici ? Questionna Zark

-Ils ont semé le chaos il y a près de trois semaines.

-Ils ont ensuite attaqué Faunéa, c'est nous qui les avons arrêté, leur indiqua Zohan

-Nous voulons voir Lithbeth et Elora, continua sa sœur.

Le capitaine s'avança en mettant à bas sa capuche, révélant des yeux chocolat et des cheveux bruns lui tombant sur le front. Son regard s'illumina lorsqu'il reconnaît la jeune femme.

-Lysiana !

-Caleb ! C'est bien toi ?

L'homme lâcha son arc, qui rebondit au sol dans un bruit mat, et serra la jeune femme dans ses bras, la soulevant de terre. Elle répondit à l'étreinte après quelques secondes d'étonnement. Il finit par la reposer au sol et serra l'avant-bras de Zohan, qui avait mis pied à terre, dans un salut viril.

-Cinq ans qu'on ne t'as pas vu, et nous te retrouvons capitaine de la garde ! Félicitations !

La voix grave de Caleb s'éleva dans un petit rire.

-Merci, mais à côté de ce que vous avez fait, ce n'est pas grand chose. Allez venez, je vais vous amenez voir Lithbeth.

- Nous devons également contacter Dame Elora, lui dit Lysiana . J’aimerai en savoir plus sur ces Kô, ajouta-t-elle en désignant les oiseaux sombres.

-Dame Elora a indiqué vouloir vous recevoir lors de la prochaine pleine lune, expliqua Caleb.

Lysiana leva instictivement les yeux vers le ciel, quand bien même le faîte des arbres et le fait d'être en fin de journée l'empêchaient de voir la lune.

-C'est dans deux jours, répondit Caleb à son geste, un sourire amusé aux lèvres

- Allons voir Lithbeth, soupira la brune après une grimace.

- Comment fait-on pour nos Kô ? Demanda Gwyldann. On ne va pas les faire monter ou les laisser là ?

D’un geste du menton, Caleb désigna un grand enclos caché derrière les fourrés dans lequel ils descellèrent leurs montures qui partirent aussitôt trottiner sur le terrain. A l’inverse de leur homologues colorés, qui grattaient le sol à la recherche de nourriture, les oiseaux noirs se réunirent sous un arbre, mirent leurs têtes sous leurs ailes et s’endormirent rapidement. Après les avoir observer un moment, les cavaliers montèrent l’escalier en colimaçon, précédés par les gardes. Leur arrivée sur la plateforme de bois se fit sous les murmures émerveillés de Zark, Gwyldann et Isaac. Ce-dernier fit un tour sur lui-même pour embrasser la vue de ses pupilles grises. De la plateforme partaient des dizaines de passerelles, dans toutes les directions. Elles rejoignaient des terrasses de bois construites près du faîte des arbres, sur lesquelles étaient fixées des cabanes aussi grandes que les maisons de la capitale, et d’où partaient une demi-douzaines de ponts de bois reliant ainsi les habitations entre elles. Fixée sur la plus grande plateforme, où étaient attachées une vingtaine de passerelles, se trouvait une construction de la taille d’un petit palais.

Ramenant les trois garçons à la réalité, Zohan leur fit signe de les suivre, et ceux-ci posèrent leur premiers pas sur les planches de bois. Ils s’agrippèrent aux cordes tendues le long de la passerelle alors que celle-ci se mit à tanguer. Un rire leur parvint.

- Notre grand guerrier aurait-il le vertige ? Lança-t-elle à la cantonade avec une œillade pour Zark.

Celui-ci, le visage fermé, pâlit de plus en plus. La demoiselle s’approcha d’eux d’un pas léger et posa une main sur son front moite. Ses doigts s’illuminèrent brièvement d’une lumière dorée, qui révèla en s’estompant un Zark qui reprenait des couleurs.

- Ca devrait aller maintenant, sourit-elle

- Merci, souffla le guerrier. A quelle hauteur sommes-nous ?

- Trente mètres. Gwyldann, Isaac, ça ira pour vous ?

- Dans le doute, murmura le brun à lunette en lui faisant signe d’approcher.

Le jeune femme réitèra son geste, mais en frôlant son front du bout du doigt seulement. Elle fit de même avec le blond, qui sentit une vague de chaleur l’envahir. Il papillonna des yeux, et se rendit compte que Lysiana était déjà retournée auprès de Caleb, avec qui elle discutait joyeusement, une main posée sur son bras. Zark et Gwyldann les avaient rejoint, et il décida d’en faire autant. Sur leur passage, les enfants sortirent des maisons pour les observer d’un air curieux, les plus vieux adressaient des sourires et signes de mains à Lysiana et Zohan. Un ancien vint même leur prendre les mains, les larmes aux yeux.

- Tellement longtemps que vous n’étiez pas venus, entendit le blond en se rapprochant.

- Cinq ans, répondit doucement Zohan alors que Lysiana serrait l’homme dans ses bras.

- Tu nous manquais Aberfort, continua-t-elle.

Le vieil homme leur ébouriffa les cheveux avant de se tourner vers les trois autres.

- Aber, voici Gwyldann et Zark, nos compagnons, et le Prince Isaac. Je vous présente Aberfort, un ancien qui siège au conseil du village. Il s’occupait de nous avec notre gouvernante.

- Si moi je suis un ancien, répliqua le plus vieux avec un rire dans la voix. Vous, vous n’êtes encore que des bébés.

Il leur serra la main avec un sourire chaleureux et s’inclina devant le Prince.

- Nous nous demandions tous quand vous viendriez nous voir, Votre Altesse.

-Pardonnez-moi d'avoir tant tardé, lui répondit Isaac en inclinant la tête vers le vieil homme.

-Lithbeth vous attend, rappella Caleb, quelques pas en avant. Ne la faîtes pas languir plus longtemps.

En quelques enjambées, mais toujours en saluant tout le monde, le groupe le rejoingnit. De plate-forment en passerelles, de passerelles en plate-formes , ils atteignirent celle où se trouvait la demeure de la gouverneure

D'un mouvement de tête de Caleb, les deux gardes en faction ouvrirent la grande porte menant au manoir à l'interieur.

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