Le Bosquet Sacré

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Issac et Lysiana échangèrent un regard après avoir observé Zohan partir. Ils reprirent finalement leur marche, suivant méthodiquement le chemin que le bosquet traçait pour eux. Apres un moment à fixer ses pieds en silence, Lysiana releva la tête à cause de la pénombre soudaine. En observant autour d'elle, elle constata la végétation dense et la proximité des troncs. Leurs feuillages épais collés les uns aux autres au-dessus de sa tête ne laissait passer le moindre raie de lumière et elle n'y voyait plus à deux pas. Inspirant profondément, elle ferma les yeux et joignit les mains devant elle. A l'expiration, elle plaça ses mains en coupe, et observa la petite flamme qui s'y était formée. La chaleur qu'elle émettait lui réchauffait les doigts, et la lumière qu'elle produisait prit de l'ampleur comme elle grandissait.

Lysiana la transvasa dans sa main droite, qu'elle tendit sur le côté pour pouvoir retrouver son chemin sans s'éblouir.

-Restez près de moi, Prince Isaac, je vais éclairer la voie.

Seul le silence lui répondit, et elle se retourna vivement pour constater l'absence du jeune homme. Elle l'appella encore une fois ou deux, suppliant intérieurement pour qu'il ne soit pas sorti du chemin. Sa voix se perdit dans les ténèbres, et elle secoua activement la tête pour empêcher la panique de l'envahir, augmentant involontairement l'intensité de sa flamme.

-Le Prince s'en sortira, se sermonna-t-elle à voix haute. Fais lui confiance, et retrouve-le à la Source. Elora nous y attend.

Ragaillardie par ses propres mots, elle reprit sa route. Au bout de quelques pas prudents, elle remarqua que celle-ci s'arrêtait. Les yeux rivés au sol, Lysiana effectua un tour sur elle-même, et grimaça devant le fait que son chemin s'était également éffacé derrière elle. Juste un cercle au milleu des plantes, dont elle était le centre. Sentant la panique l'envahir, Lysianna tendit les bras devant elle, faisant jaillir des langues de feu, décrivant des spirale autour d'elle pour dissiper les tenèbres qui l'entouraient. Le Bosquet semblait cependant avoir d'autres plans, car il les étouffait systématiquement. Etouffant plusieurs cris de rage auxquels se mêlait son angoisse, Lysiana se calma, ramenant dans sa main la petite flamme qui éclairait à peine à deux pas devant elle.

Je ne suis pas égarée, finit-elle par se raisonner. Je ne peux pas être égarée. La Source attend quelque chose de moi. Je dois juste trouver quoi...

Alors qu'elle réfléchissait en observant autour d'elle, un courant d'air coucha la flamme dans sa paume, et elle la protègea de sa main gauche. Le vent se fit plus fort, gonflant sa cape et agitant ses cheveux. Elle dut se recroqueviller sur elle-même pour se proteger des assauts des bourrasques.

Lysiana remarqua finalement quelque chose, et étudia l'angle que la flamme prenait entre ses doigts. Elle remarqua que la flammèche bougeait selon ses mouvements, et non ceux du vent, pointant une direction comme une boussole. Par là ! Afin de protéger son compas improvisé des rafales qui soufflaient toujours, elle crééa un petit dôme d'air autour de son corps. Aussitôt, sa cape retomba sur ses épaules, et le silence se fit dans ses oreilles. Tatônnant du bout du pied, elle s'enfonça dans les broussailles en suivant la voie que lui indiquait la flamme, sans quitter celle-ci des yeux, prête à bifurquer au moindre changement qu'elle pouvait lui indiquer. A plusieurs reprises, le bosquet mit en travers de son chemin des obstacles nécéssitant sa maîtrise de la Terre afin de continuer à avancer, et qu'elle balaya systématiquement d'un revers de la main. Lysiana dut cependant faire un nouvel arrêt lorsque se dressa devant elle un immense mur d'eau.

-V'là autre chose, râla-t-elle à voix basse.

Raffermissant la puissance de son feu dans sa paume droite, elle tendit la gauche devant elle, et, l'entourant de l'aura bleue pâle caractéristique de sa maîtrise de l'eau, la souleva délicatement vers le ciel. Le mur se sépara en deux à sa base, s'écartant en une brèche à peine plus grande qu'elle, et elle s'y engouffra. Pendant plusieurs dizaines de mètres, elle avança, main gauche tendue devant elle pour maintir son chemin, et suivant la direction que la flamme au creux de sa main droite lui indiquait. Finalement, elle déboucha sur un puits de lumière qui la fit papillonner des yeux.

-Nous t'attendions, Lysiana, se fait entendre une voix.

***

Isaac se rendit compte plus rapidement que Lysiana a disparue. Elle semblait s'être évaporée entre les arbres, et il scruta autour de lui en l'appelant plusieurs fois. A plusieurs reprises, et par intermitence, il lui sembla que l'air se réchauffait autour de lui, et se délesta de sa cape, qu'il plia et glissa dans sa besace. Une fois qu'il eut rajusté la bandoulière, il se remit en marche le long du sentier que le Bosquet traçait pour lui.

-Je retrouverai Lysiana au bout du chemin, décida-t-il en avançant.

Il se murmura la phrase plusieurs fois, comme un mantra, tout en allogeant inconsciemment ses foulées. Il slalommait entre les arbres, la main posée sur la garde de son épée, en faisant attention à ne pas dévier de sa route d'un iota.

Il avait l'impression de marcher depuis des heures sans avancer d'un centimètre. Autour de lui, le décor ne changeait pas, alternant arbres et buissons. Les herbes folles s'acrochait à ses bottes, comme pour le retenir, mais il était résolu à atteindre le bout de la piste.

-Votre Altesse !

Isaac se retourna à l'appel, le soulagement envahissant son esprit.

-Lysiana !

-Vous m'avez fichu une de ces trouille Votre Altesse ! Reprit-elle. Aller, venez, allons à la Source.

Elle lui tendit la main, un sourire malicieux sur les lèvres.

-Votre Altesse, appella-t-elle encore avec un mouvement pour le presser.

-Enfin Lysiana, soupira-t-il en avançant d'un pas. Je vous ai déjà dit mille fois de ne pas...

Il s'interrompit, et la regarda longuement. Elle le fixait intensément en retour, ses derniers mots flottant encore sur ses lèvres. Elle se tenait au milieu des fourrés, les herbes lui montant aux mollets, et il recula d'un pas.

-Lysiana ne m'appelle pas "Votre Altesse", et m'a dit de suivre mon chemin uniquement, déclara-t-il d'une voix forte. J'ignore qui vous êtes, mais je n'ai nullement l'intention de vous suivre.

Une grimace mauvaise déforma les traits de la jeune femme, et elle disparut derrière un arbre.

-Alors perdez vous tout seul Votre Altesse, résonna une dernière fois sa voix.

Le jeune homme resta un instant stupéfait par la vision qu'il venait d'avoir, mais finit par reprendre son chemin. Au bout de ce qu'il lui sembla de nouveau des heures, un cri interrompit ses pas. Immobile, il posa la main sur la garde de son épée, et tendit l'oreille. Un nouveau cri retentit, suivi d'un grognement animal et d'un glapissement aigü.

-Au secours !

-A l'aide !

Sortant son épée de son fourreau, Isaac sauta par-dessus un buisson, hors de son sentier, et courut jusqu'à la source du bruit.

Blottis l'un contre l'autre, deux petits êtres faisaient face à un loup qui semblait faire deux fois leurs tailles. L'animal aux poils gris et blanc, bavait littérallement devant ses proies. Proies qui, à la grande surprise du prince, se révelèrent être deux enfants. Sans réfléchir plus avant, Isaac bondit pour se placer devant eux et les protéger, sa lame pointée vers l'animal.

Le loup se redressa de toute sa hauteur, se faisant plus grand encore devant le Prince. Avalant sa salive pour ne pas se laisser impressionner, Isaac raffermit la prise de ses deux mains sur sa garde, écartant un peu plus les pieds pour stabiliser sa posture.

A pas prudents, il décrivit un arc de cercle autour de l'animal, et se retrouva bientôt à l'opposé des enfants qu'il protégeait initialement de son corps. Si le loup se tournait pour les prendre de nouveau pour cibles, Isaac comptait riposter d'un coup de lame entre les côtes. Mais la bête, ses yeux couleur or fixés dans ses prunelles grises, suivit son mouvement en se retournant lentement. Dans un bruissement de feuilles, les deux enfants se cachèrent à toute vitesse derrière le premier buisson. Mais Isaac les voyait toujours.

Avec un grognement puissant, le loup fléchit ses membres, et bondit. Le Prince l'esquiva d'un roulade sur le côté, et en profita pour lui taillader le flanc. L'animal recula en découvrant encore plus ses crocs, et grognant avec haine. Les deux adversaires continuèrent de se tourner autour pendant quelques minutes, alternant assauts et phases d'observation. Isaac avait écopé de quelques coups de griffes et de crocs qui commençaient à l'affaiblir et le ralentir. Mais le loup était aussi bléssé, et plus gravement. Celui-çi se recroquevilla alors sur lui-même, et bondit puissamment en avant. Le prince n'eut que le temps de raffermir sa prise sur la garde de son épée. L'animal s'empala dessus avec une force qui entraîna Isaac au sol. Le choc de la chute lui souffla tout l'air des poumons, mais il réussit à ne pas lâcher son arme.

Claquant frénétiquement des mâchoires, dans un concert de grognement graves et menaçants, le loup continuait d'enfoncer l'épée dans son thorax à chaque mouvement qu'il faisait, déterminé à emmener son adversaire dans la mort. Finalement, il s'immobilisa, refermant ses crocs à quelques centimètres du visage de Isaac, et lui soufflant son haleine putride dans le nez une ultime fois.

L'animal abattu disparut dans une volute de fumée, la moindre goutte de sang s'écoulant de ses blessures et tâchant lame, vêtement et herbe s'évanouissant avec lui. Les blessures dont il était décoré se dissipèrent également. Une illusion, comprit Isaac. Je me suis laissé détourner. Il ne put s'empêcher de se tourner vers les deux enfants, convaincu par le fait qu'ils avaient égalment disparus. Pourtant, il les trouva encore à la même place. A ceci près qu'ils ressemblaient maintenant à deux petits êtres irradiant de lumière, et planait à une vingtaine de centimètres au-dessus du sol. Habillés de ce chatoiement à la couleur d'or liquide, ils pouffaient entre leurs mains, et lui firent signe de le suivre avant de disparaître derrière un arbre.

Au moins me guideront-ils jusqu'à la sortie, pensa le prince en leur emboitant le pas. Au bout de plusieurs mètres, de nouveaux rires firent échos aux premiers, qui continuaient de se répercuter devant lui. Une des créatures surgit juste en face de lui, le forçant à piler net pour ne pas lui rentrer dedans, et s'éleva jusqu'à son visage, dont il effleura les boucles blondes de ses doigts fins. Isaac en ressentit la chaleur qu'il s'en dégageait sur la peau de ses joues. Une chaleur douce, et rassurante. Il sentit ses muscles se détendre, et frissonna lorsqu'un courant d'air froid lui indiqua que la créature s'était reculée. Elle fixa dans ses yeux gris ses iris d'or, et il vit, directement dans son esprit, des images de son combat contre le loup, et des enfants qui l'avaient observé attentivement. Sa vision se flouta, et il se vit avancer en suivant les deux boules de lumière. Il cligna des yeux, et la forêt s'étendit simplement devant lui. Plus de lumière d'or, plus de chemin, juste lui. Les illusions du bosquet l'avaient eu.

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