Le Detla de Brenn

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Le groupe prit son départ avec leur nouveau compagnon. Il s'avéra que Erneld voyageait légerement en retrait, et semblait épier leurs moindres faits et gestes. Il fut rapidement clair pour la troupe que l'homme était plus un agent de surveillance pour Lenton qu'un émissaire envoyé pour parlementer.

Au fur et à mesure qu'ils avançaient, le paysage s'aplanit de plus en plus, et une odeur marine se mit à emplir l'air, accompagnée de cri de goëlands et de mouettes. Finalement, l'océan se révéla à leur vue, les vagues reflétant les rayons du soleil en une multitudes d'éclats dorés.

Le Delta de Brenn fit son apparition, et, avec lui, la cité de Port-Kelna.

Sur la rive nord, les tours de pierre de la citadelle s'élevaient vers le ciel et surplombaient le village de pêcheurs que constituaient les habitations de la rive sud. Un large pont en pierre enjambait les eaux du Delta, et reliait les deux parties de la cité portuaire. Quelques bateaux de pêche revenaient du large, rejoignant le port, les cales pleines de marchandises.

Le groupe atteignit la citadelle en passant par la porte Est. Il se retrouvèrent rapidement encerclés de toutes part par les habitants des lieux, qui marchaient à grandes enjambées dans des rues remplies d'étals. Derrières chacun d'eux, des femmes de marins vendaient à la criée les prises des leurs époux, aux côtés de fermiers qui donnaient autant de voix pour faire partir les produits qu'ils cultivaient dans les champs hors de la ville.

-Ce n'est clairement pas un problème d'approvisionnement, constata Zohan.

Il tira les rênes de Aku pour le faire s'arrêter, et appostropha un passant.

-Où peut-on trouver votre bourgmestre ?

-A cette heure-ci ? Au village de pêcheurs, sans aucun doute. En train d'essayer de résoudre le problème des transporteurs.

Le jeune homme le remercia, et le regarda filer dans la rue. Le groupe traversa la partie citadelle de la ville, et traversa le pont en pierre pour rejoindre les habitations situées à l'extérieure du mur d'enceinte. Proche de l'eau, avec son port le long de la côte, des maisons construites principalement en bois, avec des toits de chaumes, et des chemins de terres font la caractéristique du village des pêcheurs.

Un groupe d'individus particulièrement bruyants finit par attirer leur attention. Un homme, seul, faisait face à plusieurs autres, qui lui parlaient particulièrement fort au visage.

La plupart sont des marins, pieds nus dans le chemin boueux, et aux les muscles développés par des années passées sur des navires. En face d'eux, peau brunie par le soleil, cheveux bruns coupés courts, un surcot vert d'où sortent des manches blanches, des braies couleur sable et des bottes en cuir composant sa tenue, le bourgmestre ne se laissait pas démonter.

Erneld mit pied à terre, contourna une flaque d'eau, et vint se placer près d'eux.

-Bourgmestre Jered, salua-t-il avec un mouvement de tête.

-Nous reprendons cette conversation, promit Jered à l'adresse des marins, d'une voix qui se voulait (compatissante).

Il se détourna d'eux, et discuta à voix basse avec Erneld pendant un instant. Puis il se dirigea vers le groupe resté en arrière.

-Votre Altesse, salua-t-il avec une courte révérence. C'est un plaisir de vous recevoir dans la ville de Port-Kelna, malgrè les circonstances.

-Et une joie de la visiter, affirma Isaac en descendant de sa monture. Pourquoi ces gens sont-ils en colère ?

-Les taxes ! S'exclama Jered en levant les bras en l'air. Le Gouverneur Lenton accable de taxes les navires qui remontent les produits de la mers jusqu'à Eldarya. Il fait payer des droits de passages vers exorbitants D'Arkylen et la citadelle. Cela se répercutent sur les prix que demandent les capitaines aux pêcheurs pour faire les transports.

-Nous sommes ici pour trouver une solution, affirma Isaac.

-D'Arkylen vit peut-être des ses propres produits, mais le reste du continent dépend de Port-Kelna pour se nourrir de poissons, rappela le bourgestre.

-Sa Seigneurerie nous a envoyé, le Prince Isaac et moi-même, afin qu'une solution soit apportée à cette crise, intervint Erneld d'un ton avenant. Travaillons ensemble à la trouver.

-Allons nous installer dans mon office, proposa Jered. Nous y serons plus à notre aise.

Il avisa la taille du groupe qu'il avait en face de lui, mais Zohan le coupa dans ses pensées. Il indiqua Gwyldann et Zark.

-Mes compagnons et moi-même allons trouver une auberge, et rester en ville.

-Je vous recommande La fille des mers, dans ce cas. Le troisième bâtiment sur la rue principale, à l'entrée de la citadelle. Dites-leur que vous venez de ma part.

Il lui donna un morceau de parchemin cacheté de son sceau, et entraîna les trois autres vers le pont. Lysiana et son frère échangèrent un signe de tête, et se séparèrent.

Le bureau du bourgmestre était simple. Un bureau dans un coin, une table ronde et quelques chaises au centre de la pièce, un meuble débordant de paperasse contre un mur, et un tableau représentant la déesse, avec un autel dédié juste en dessous. Il invita ses hôtes à s'installer à la table ronde, et prit place avec eux.

-Les choses sont simples, expliqua-t-il. Le Gouverneur Lenton doit diminuer ses taxes. Plus aucun bateau ne veut remonter le fleuve jusqu'à Elarya, parce que le trajet coûte trop cher en frais de passage pour la marchandise transportée. Il leur arrive de prendre des voyageurs sur leurs navires, mais ils payent le prix fort pour la traversée.

-Pour quelle raisons le Gouverneur a-t-il mis en place ces taxes ? Questionna Isaac avec intérêt.

Le dos contre le dossier de sa chaise, il avait croisé ses mains sur ses genoux, et fixait Erneld.

-Comme Sa seigneurerie vous l'a expliqué, il fait face à des bandits qui nécéssite la mise en place de moyens... Cela doit se répercuter quelque part.

-Et où d'autre y-a-il des répercussions ?

-Eh bien... Des péages ont été mis en place au niveau de certains ponts et au port de Elarya.

-Les prix exigés sont si élevés qu'ils en ressortent appauvris, et les hommes qui les collectent sont brutaux. Alors que les gens pouvaient auparavant se déplacer entre les différents villages pour leurs affaires, ils sont contraints de regarder leurs récoltes et leurs pêches pourrir parce qu'ils ne peuvent aller nulle part pour les vendre.

Un silence plana sur l'assistance, pendant laquelle Isaac semblait mesurer l'ampleur de ce que ces nouvelles impliquaient. Lysiana restait silencieuse, alerte sur les expressions que chacun affichait. Elle observa de ce fait le visage du parlementaire devenir livide lorsque le Prince s'exprima.

-La mise en place, ou l'augmentation, de taxes sont soumises à un examen pour approbation royale, rappela Isaac. Et il n'a été mis à ma connaissances aucune demande de la part du gouverneur Lenton. Surtout que cela concerne un groupe s'attaquant à la population; Père aurait envoyés des hommes s'occuper de la situation.

-Sa Seigneurerie ne souhaitait pas importuner Sa Majesté avec des histoires de brigands, expliqua Erneld, affable. Il estimait qu'en demandant un peu d'aide aux locaux, les choses se seraient arrangés sans faire de vagues.

-Exiger des gens qu'ils payent un droit de passage n'est pas "demander un peu d'aide aux locaux", répliqua Isaac, le ton dur. Il n'a fait qu'extorquer plus d'argent à des personnes qui payent déjà des taxes à la couronne. La colère du peuple est compréhensible, mais, à cause des décisions du Gouverneur Lenton, elle impacte l'ensemble du continent. Je vais me retirer pour réfléchir plus amplement aux situations impliquées, et vous dirais bientôt les décisions que j'aurais prise.

Le ton sentencieux mit fin à la conversation de lui-même, alors que le jeune homme repoussait sans bruit sa chaise pour se lever. Jered bondit pour lui tenir la porte alors qu'il sortait de la pièce, Lysiana sur les talons.

-Bourgmestre Jered, se renseigna Lysiana. Avez-vous déjà vu les collecteurs de Lenton ?

-Une fois seulement. Il y avaient parmi eux des gens qui ne ressemblaient à personne de sa garde. En vérité, ils n'étaient pas habillés comme des soldats... Je ne me rappelle plus vraiment. Les problèmes sont trop nombreux depuis que toute cette histoire a commencé pour que j'ai le temps de prêter attention à ce genre de détails. Je dois gérer mes gens en priorité.

Les deux jeunes gens échangèrent un regard, mais restèrent silencieux. Isaac refusa l'invitation du bourgmestre à résider dans le donjon, arguant de devoir retrouver leurs compagnons et Lysiana et lui prirent congé. Erneld resta sur place, profitant de l'hospitalité offerte par leur hôte.

Les deux jeunes gens rejoignirent le centre de la ville, et déambulèrent un instant le long des étals. Malgré l'heure tardive de la fin de journée, nombreux étaient les marchands qui tentaient toujours de vendre leurs produits. Principalement résultats de la pêche, ils trouvaient aussi des produits venant des fermes environnantes, et d'autres fabriqués par des artisans de la ville.

-Si c'est aussi fourni avant notre départ, fit remarquer la jeune femme, nous pourrons nous ravitailler suffisamment pour rejoindre Subba d'une seule traite.

Ils retrouvèrent leurs camarades devant la taverne, qui revenaient de la rive Sud. Après s'être appropriés leurs chambres et avoir fait un brin de toilette, ils décendirent dans la salle commune de l'établissement. L'ambiance qui y régnait tranchait nettement avec celle de l'auberge où ils avaient séjourné à Elarya. La salle était bondée de locaux qui se relaxaient après une dure journée de labeur et d'hommes prêts à partir en mer pêcher des pooissons qui ne remontaient à la surface que la nuit. Sur une estrade au fond de la pièce, une petite troupe de barde animait la soirée. L'un en jouant du luth, le deuxième en chantant et une troisième en dansant et en tapant du tambourin.

-A part cette affaire de bateaux qui ne remontent plus le fleuve, il n'a pas l'air de s'être passé grand chose dans le coin récemment, informa Zohan après une gorgée de bière, quand la chanson fut terminée. Personne n'a entendu parler d'Albinos ou d'Adeptes. Et de votre côté ?

Il plaça quelques pièces d'argent dans le chapeau de la danseuse quand elle passa près d'eux avec le béret à plume du chanteur dans les mains. Elle lui rendit un sourire enjoleur, et continua de se déplaçer entre les tables d'un pas chaloupé.

-J'ai besoin de réfléchir à la situation, répondit Isaac en la regardant partir. A ce que Père ferait, et de prendre la meilleure décision possible. Je retournerais demain voir le Bourgmestre Jered et Erneld afin de trouver un consensus. Nous resterons ici le temps nécéssaire pour que cela se fasse.

L'exigence de son ton coupa net toute tentative de protestation qui aurait pu se faire entendre. Et il n'en fut rien, car, à la place, ses quatre compagnons acquieçèrent, marmonnant quelques vagues "Votre Altesse" qu'Isaac ne releva pas, pour une fois.

-Je viendrai avec vous, lui dit Lysiana. Arpès tout, je suis censée être votre conseillère, rappela-t-elle alors qu'il la fixait. Autant endosser mon rôle maintenant.

-Et que ferons-nous ? Questionna Zark.

-La ville n'est-elle pas assez grande pour que vous trouviez quoi y faire ? Rétorqua-t-elle.

Le guerrier haussa simplement les épaules, et cela mit fin à la conversation. Isaac se leva, et les laissa là. Ils restèrent silencieux, en écoutant les récits épiques que le ménestrel conta ensuite. Ils furent encore sur place lorsque, dans la salle presque vide, le groupe entonna son dernier morceau. Romantique et langoureuse, chantée par la jeune femme qui jusque là ne faisait que se trémousser au rythme des musiques, la mélodie plongea les quatres compagnons dans une légère torpeur, dont ils ne sortirent qu'une fois les dernières notes achevées.

Lorsque les trois compères, ayant fini leur spectacle, s'installèrent dans un coin de la salle pour manger leur repas, Zohan se leva pour les rejoindre. De tous, il était celui qui avait la parlote la plus facile. Si l'un d'entre eux pouvait récupérer la moindre information, c'était bien lui. Et il avait l'air d'avoir tapé dans l'oeil du membre féminin de la troupe, ce qui pouvait rendre sa tâche plus aisée. Les autres allèrent se coucher.

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