Asraad

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Comme espéré par Lysiana, le marché se révéla rempli de produits de la mer et de la terre, dans lesquels ils choisirent viandes et poissons séchés, ainsi que différents légumes. Ils achetèrent de nombreuses gourdes qu'ils remplirent au puits du village, et, enfin, ils prirent la route.

Tournant le dos aux tours de la citadelle, ils suivirent la route qui les menaient plein Sud, vers le désert d'Asraad.

Ils firent un bout du chemin avec un groupe de marchands, escortant bien malgré eux leurs charettes pleines à craquer jusqu'à un village voisin. En temps normal, ils auraient exécuté cette mission annexe avec grand plaisir, et partagé de nombreuses annecdotes avec leurs compagnons de voyage, mais ils refusèrent poliement le logement offert par leurs hôtes, qui voyaient là un moyen de leur rendre le service. Ils étaient conscients que le temps passait et les pressait à accomplir leur mission première. Isaac sentit son esprit s'alléger lorsque, en arrivant au village, les habitants les accueillirent avec force joie et soulagement. La vue des vivres apportés par les marchands semblait faire souffler un nouveau vent d'espoir pour eux, et ils bénirent profusémment leurs bienfaiteurs.

-Je ferais toujours ce qui sera nécessaire pour la population de Noventa, affirma Isaac à une femme qui s'était accrochée à la manche de sa chemise.

Elle bafouillait encore des remerciements lorsqu'ils tournèrent les brides de leurs montures et reprirent la route.

-Ils ont quand même réussi à rajouter des aliments dans mes sacoches de selles, maugréa Gwyldann lorsqu'ils se furent suffisamment éloignés.

Il illustra son propos en sortant un petit sac de toile d'une de ses fontes, qui menaçaient déjà d'exploser par tout ce qu'elles contenaient. En l'ouvrant, il y trouva des légumes, et un morceau de saucisse sèche.

-Ne fais pas ta mauvaise tête, tu as gagné un repas supplémentaire ! Lui fit remarquer Zohan.

-Comme chacun d'entre nous, fit remarquer Zark, en tirant le même sac de ses propres fontes.

Ils firent hâlte environ une heure après. Dû à la lourde charge qu'ils transportaient, en plus de leurs cavaliers, les Kô peinaient à continuer d'avancer, et tremblaient de fatigue. Le soleil était encore visible à l'horizon, et il était encore un peu tôt pour s'arrêter réellement, mais ils montèrent le camp pour la nuit, près d'un des nombreux ruisseaux qui parsemaient la région.

-Traverser le Désert d'Asraad ne va vraiment pas être une partie de plaisir, pour eux, commenta Lysiana en examinant son animal.

Quand ils furent dessellés et eurent mangé leurs rations, mélange de graines et de morceaux de fruits, les cinq oiseaux allèrent se désaltérer dans la rivière et se blottirent les uns contre les autres, s'endormant presque immédiatement. Même Nox, le grincheux du groupe, accepta le câlin collectif.

-Il va falloir marcher un peu, pour les ménager, dit Zark en observant ce méli-mélo de plumes colorées.

Les quatre autres acquiescèrent, tout en continuant leurs tâches. Lysiana mit le feu aux branches réunies par son frère, et Gwyldann s'attela à préparer le repas avec le surplus récupéré plus tôt. La jeune femme s'éloigna du groupe, et Zohan la rejoignit en courant, devinant ses intentions.

-Lysa ! Entraîne-toi avec moi !

Elle haussa les épaules sans se retourner. D'un mouvement de la main, elle fit se soulever le cours d'eau, et l'envoya au visage de son frère. Depuis que Camlayr et la Brèche étaient loin, l'ambiance était redevenu bonne enfant entre eux.

-Tu as perdu, se moqua-t-elle.

-Faux-départ ! Protesta-t-il.

Il sortit son épée de son fourreau, et ils prirent position l'un en face de l'autre. Lui sur la berge, et elle les pieds dans l'eau. Isaac arrêta ce qu'il faisait pour les observer. Il les avait déjà vu se défier, mais jamais il n'avait senti cette tension émanait d'eux. L'humeur joyeuse s'était envolée.

Zohan bondit en avant, son épée tendu devant lui dans une feinte. Lysiana esquiva d'une vrille sur le côté. Elle leva un bras, et dressa un mur d'eau entre eux, qu'elle lui envoya dans la figure d'une poussée de main. Elle tendit l'autre sur le côté, et des cailloux s'élevèrent dans les airs depuis la berge et le lit de la rivière. Ils s'agglutinèrent les uns aux autres, jusqu'à prendre forme.

-Une épée ! S'étonna Gwyldann, éberlué. C'est la première fois qu'elle fait ça !

Zark, semblait également estomaqué par ce qu'il voyait. Lysiana écarta les jambes pour raffermir ses appuis, et attaqua son frère d'un coup de taille. Celui-ci para sans problème, et le choc de la rencontre des deux armes fit s'envoler quelques pierres de l'épée de terre. Zohan ne se laissa pas le temps, et à sa soeur non plus, d'observer ce qu'il venait de se passer, et contre-attaqua. Elle para deux fois en regardant son arme se déliter à chaque coup, et esquiva le troisième d'un bond sur le côté. Elle envoya une rafale de vent qui secoua même les spectateurs, en profita pour reconstituer son arme et créer un bouclier de la même matière, qui flotta à quelques centimètres devant elle. Mais cela se voyait, elle était exténuée par l'effort que cela lui demandait.

La sueur roulait à grosses gouttes le long de son visage et de son cou, et disparaîssaient dans le col de sa chemise. Sa poitrine se soulevait à une vitesse élevée, et elle peinant à reprendre son souffle.

-Abandonne ! Lui conseilla son frère.

S'il n'avait pas eu ce sourire narquois, peut-être Lysiana l'aurait-t-elle écouté. Mais elle se contenta de lui lâcher une injure au visage avant de tenter une attaque. Il l'esquiva d'un mouvement souple, et décrivit un large cercle avec son bras d'épée. Le bouclier se plaça in extremis entre la lame et le corps de Lysiana, et explosa sous le choc du coup. Les pierres s'éparpillèrent autour d'eux dans un bruit de déluge. L'épée se désintégra dans les mains de sa porteuse, qui tomba à genoux dans la rivière. Jetant son épée sur la berge, Zohan la rattrapa alors qu'elle piquait du nez dans l'eau.

-Ok, fini ! S'exclama-t-il alors.

Il la souleva avec aisance, et, la tenant contre lui, regagna le campement. Gwyldann fit rapidement l'aller-retour pour récupérer l'arme de son ami, puis se pencha avec inquiétude sur l'élémentariste. Celle-ci respirait avec un peu de difficulté, et papillonnait des yeux pour rester dans l'instant présent.

-Repose-toi, lui intima son frère en passant un tissu imbibé d'eau fraîche sur son front et son cou. On te garde à manger.

Elle grogna legèrement à la boutade, mais ferma les yeux. Rapidement, sa respiration se calma et se fit régulière, signe qu'elle s'était endormie. Elle n'émergea que plus tard dans la soirée, mais n'ouvrit pas les yeux tout de suite. Restant immobile, elle écouta ses compagnons.

-J'espère qu'elle sera en meilleure forme demain matin, s'inquièta la voix de Gwyldann.

-Va lui chuchoter à l'oreille qu'elle a perdu salement, affirma son frère avec amusement. Elle va se redresser tout de suite pour te prétendre le contraire.

Ce qu'elle failli faire. Mais elle choisit de laisser couler pour cette fois. Elle aurait bien d'autres occasions de mettre la mine à son jumeau. Elle laissa son corps se réveiller doucement, puis finit par bouger les membres et ouvrir les yeux. La lumière du soleil déclinant l'éblouit un peu, alors qu'elle se redressait. Il ne faisait même pas encore nuit...

Aussitôt, tout le monde se concentra sur elle.

-Tu nous as fichu une de ces frousses ! S'écria Gwyldann.

-Depuis quand tu te mets à faire des épées élémentaires, Lysiana ? S'enquit Zark.

Il avait l'air de vouloir tester ses capacités également, mais eut le bon sens de ne pas le mentionner.

-C'était très impressionnant, dit Isaac, en l'aidant à se mettre debout.

-Et instable, renchérit-elle d'une voix fatiguée. Et c'était la première fois que j'essayais de faire ça. Je n'avais jamais pensé à utiliser ma magie comme ça, mais les textes...

Elle s'interrompit pour accepter un bol de soupe que Gwykdann lui tendait, et le remercia dans un murmure. Le liquide était brûlant, et elle en avait bien besoin. Ses compagnons l'observèrent en silence pendant qu'elle mangeait, attendant patiemment qu'elle reprenne sa phrase là où elle l'avait laissé.

-Les anciens peuples utilisaient leurs maîtrise dans tous les aspects de leurs vies, expliqua-t-elle finalement. Ils vivaient entourés de cette magie.

D'un mouvement de la main, elle balaya l'air, comme si elle tentait d'en attraper. Comme si elle était toujours là.

-En bref, les textes décrivent la façon dont ils s'en servaient, et j'ai voulu essayer. Mais ça demande énormément d'énergie, je ne m'y attendait pas vraiment...

Elle baillâ de nouveau, et son frère lâcha un petit rire.

-Tu es exemptée de tour de garde, aujourd'hui, décida-t-il. Termine de manger et retourne te coucher.

Elle n'essaya pas de débattre, et fit ce qu'il dit. Lorsqu'elle se fut de nouveau enroulée dans sa cape de voyage, la tête posée sur sa selle comme un oreiller, Zohan s'assit près d'elle. Il lui caressa les cheveux doucement, et souffla, pour eux-même:

-Tu m'as fait peur, quand même.

-J'apprendrais à m'en servir, répondit-elle sur le même ton. Pour pouvoir te protéger, et que tu n'aies plus à t'inquièter.

Les trois autres firent comme s'ils n'avaient rien entendu, et vaquèrent à leurs occupations en silence. Le lendemain, tout était redevenu normal.

Après quelques jours de voyage supplémentaires, ils se mirent à noter les premières différences de températures et de terrain. La plaine herbeuse commença à perdre ses brins verts, buissons et arbres ayant disparus depuis quelques temps déjà. En frottant le sol du pied, l'on pouvait constater la présence d'une fine pellicule de sable. Celui-ci prit plus en plus de terrain, jusqu'au moment où Zark lança d'une voix forte:

-Bienvenues dans ma région natale !

Il balaya d'un geste de bras les dunes de sable qui s'étendaient sous leurs yeux.

-Tout le monde ici est déjà venu une fois à Asraad, sourit Lysiana. Mais merci pour ton accueil Zark.

Elle lui adressa un signe de tête, et mit pied à terre. Fouillant dans ses bagages, elle sortit un long châle qu'elle enroula autour de ses épaules et de sa tête. Les autres l'imitèrent, et ils recommençèrent à avancer. Ils tombèrent rapidement capes de voyage et vestes, mais la chaleur devint très vite insupportable. Lysiana joua un moment de sa maîtrise de l'air, mais la brise charriait un vent bien trop chaud pour que cela soit agréable. Elle essaya de créer une brume pour pouvoir les rafraîchir, mais les températures élevées la firent disparaître aussitôt. Aussi abandonna-t-elle.

Les nuits, en revanche, étaient froides à geler les morts. Lysiana alimentait toujours entre deux et trois feux en même temps, et ils avaient tous une panse de mouton remplie d'eau chaude qu'ils glissaient sous leurs vêtements avant de dormir. Ils somnolaient plus qu'ils ne dormaient, d'ailleurs, et s'étaient mis à se coucher plus près les uns des autres pour maintenir leurs chaleurs. Les Kô s'étaient joint à eux dans leurs efforts pour se réchauffer, se plaçant à côté de leurs cavaliers et les recouvrant de leurs ailes.

Quand un matin, ils virent un scintillement entre les dunes.

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