Fin de mission

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Elle se réveilla en sursaut, le cou tout endolori par la mauvaise position qu'elle avait prise, alors que l'on toquait à la porte. Tout en essayant d'étirer ses muscles, elle rajusta sa tenue, et alla ouvrir. Son frère se tenait de l'autre côté, et il l'observa d'un oeil critique pendant quelques secondes. Il semblait sur le point de s'abstenir de tout commentaire lorsqu'il remarqua le lit non défait, et la multitude de livres ouverts par terre.

-Tu as dormi, au moins ? S'exclama-t-il d'une voix pleine de reproche.

-J'ai fini par tomber de sommeil, répondit-elle. Mais je ne sais pas qu'elle heure il était. J'étais très prise dans ma lecture.

-De quoi ça parle, pour te tenir debout toute la nuit ?

Lorsqu'il vit les yeux de sa soeur se mettre à briller, il la coupa avant même qu'elle ouvre la bouche.

-Tu me raconteras plus tard. Je venais juste te chercher pour que tu ne sois pas en retard pour la rencontre avec le Gouverneur Aftyr.

Lysiana eut une petite moue boudeuse, mais elle tira sur les plis de sa robe froissée, et le suivit dans le couloir.

-Qu'est-ce que tu faisais debout en pleine nuit, quand tu as débarqué dans ma chambre ? Questionna quand même Zohan au bout de quelques mètres.

-A la base, je voulais profiter d'un endroit calme pour m'entraîner à ma maîtrise de l'air. Le Gouverneur Aftyr était visiblement en promenade nocturne également, parce qu'il est arrivé là où j'étais. Il m'a appelé "Prêtresse", alors que je n'avais pas fait mention de ça, m'a dit qu'il possédait des objets qui me revenaient de droits et m'a emmené dans sa bibliothèque privée. Zo, il y a des étagères remplies à ras-bords de parchemins et de manuscrits écrits par les anciennes Prêtresses. Il y en a même sur l'ancien peuple qui habitait cette zone; les Kibers, qui maîtrisaient le feu et ses dérivés. Comme la foudre, par exemple.

-Lysa, calme-toi un peu. C'est exactement pour cette raison que je voulais que tu m'en parles plus tard.

Il lui ébourrifa gentiment les cheveux, et pénétra dans une pièce gardée par deux imposants soldats avant qu'elle n'ait pu protester. Elle rajusta sa tenue, s'avança à son tour, et salua ses compagnons, déjà tous présents.

-Je suis la dernière, grimaça-t-elle.

-Techniquement, il manque le Gouverneur Aftyr, lui fit remarquer Gwyldann.

-Sa seigneurerie le Gouverneur Aftyr ! Trompetta une voix juste à côté de la porte au même instant.

Lysiana fit volte-face, et s'inclina sur le passage de leur hôte. Ses compagnons l'imitèrent, et la seule personne à qui il rendit sa courbette fut le Prince, adressant seulement un signe de tête aux autres.

-Je suis ravi de vous recevoir en ma demeure, Votre Altesse. Drhax m'a prévenu de votre arrivée nocturne, et je m'excuse de vous avoir fait patienter jusqu'à maintenant. Prenons le petit-déjeuner, et discutons de ce sujet dont vous souhaitez m'entretenir, si cela vous convient.

-Cela me convient parfaitement, Gouveneur. Je vous remercie de nous recevoir à votre table.

L'homme leur fit signe, et il prirent place autour de la table. Lui en bout, avec Isaac à sa droite, et Lysiana à côté de lui. A sa gauche se trouvaient Zark, Zohan et Gwyldann. Des serviteurs entrèrent par une porte latérale, et déposèrent devant eux des plateaux de salade fraîche, légumes marinés aux épices et venaisons finement coupées, ainsi que des bols remplis de fruits frais coupés en cubes. Le tout accompagné de cruches contenant du vin dilué à l'eau.

Ils mangèrent en échangeant quelques banalités, jusqu'à cette petite phrase d'Isaac, concernant la sécurité de leur voyage jusqu'à présent.

-J'ai été attaqué à Subba, et grièvement blessé.

Aftyr s'étouffa bruyamment, observant son Prince avec des yeux ronds.

-Grâce à Lysiana, il ne reste aucune trace de ma blessure, rassura-t-il.

-Il en reste, démentit-elle aussitôt.

-Je l'ignorais Votre Altesse. Connaissez-vous les personnes responsables ?

-Il s'agissait d'une femme qui appartient à un groupe que se fait appeler les Adeptes. Et qui reçoivent leurs ordres des Albinos. Ce qui nous amène à la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui.

Avec l'aide de ses compagnons, il raconta l'apparition des Albinos à Sangengonza, leur discours menaçant, l'attaque du groupe d'Adeptes sur la route de Forn, et qui venait d'Elendard, ainsi que l'emblème dessiné à Darnival.

-Mon père m'a demandé de faire le tour des Gouverneurs, afin que vous soyez prêts à réagir quand cela sera nécessaire, expliqua-t-il.

Il parla également du comportement suspect qu'avait eu Lenton alors qu'ils étaient à Elarya, et la façon dont il avait écourté la conversation. Aftyr écouta en silence, et la première chose qu'il fit à la fin du récit fut de prendre une grande inspiration, comme s'il en avait oublié de respirer pendant les minutes qu'avait duré le discours.

-Je comprends les inquiètudes de Sa Majesté. Soyez assuré que nous sommes à la disposition de la couronne, et prêts à défendre le royaume, quelque soit l'ennemi. J'informerai moi-même mon chef de garde, et les dispositions nécessaires seront prises, afin que nous soyons préparés à réagir à tout instant.

Isaac approuva d'un hochement de tête, et laissa ses pensées vagabonder quelques instants. Il avait fait ce que son père lui avait demandé. Les Gouverneurs les avaient tous reçu et écouté, et deux d'entres eux prenaient la menace au sérieux et se préparaient à la guerre. Ils ignoraient néanmoins la position de l'ennemi, ainsi que son réel visage, mais la riposte se préparait.

Il songea également à Dame Elora. comme la Déesse l'avait souhaité, il avait parcouru les trois régions. Avait rencontré les habitants, partagé des instants de liesse ou de tristesse, et même réglé un conflit majeur. Il avait vu, et appris, mais avait-il grandi suffisamment. Pryss n'avait pas réellement béni son ascension au trône, mais le voyage jusqu'à la Source des Dieux servait-il vraiment à ça ? Ou à faire mettre en lumière les défauts des futurs souverains ?

Ses yeux gris se posèrent sur Lysiana, qui faisait tourner son vin dans sa coupe d'un air songeur. La Prêtresse que Pryss lui avait désigné. La conseillère qui ne le lâcherait plus d'une semelle quand il prendrait la couronne. Etait-elle prête, elle aussi ?

Son attention fut brutalement ramené à l'instant présent.

-Combien de temps souhaitez-vous rester parmi nous, Votre Altesse ? Redemanda Aftyr avec douceur.

-Père attend de moi que je lui fasse un rapport sur la situation que je souhaite lui adresser de vive-voix. Je n'étais pas venu en Osalys depuis fort longtemps, mais ne puis prolonger trop mon séjour.

-Il y a ici des documents que je souhaite compluser, intervint Lysiana. Et vous avez besoin de vous reposer encore un peu, Isaac. Lorsque nous étions à Kathul, vous n'avez pas souhaité attendre de vous sentir mieux avant de venir ici. Accordez-vous un peu de temps.

Assis en face d'eux, leurs trois compères hochèrent la tête pour approuver ses dires.

-Deux jours, céda Isaac. Mais pas plus. Je suis sûr que Ronand fait tourner sa gouvernante en bourrique depuis mon départ.

La jeune femme laissa échapper un petit rire, puis se remit à manger avec appétit.

Pendant les jours qui suivirent, à part lors des repas, ils ne la virent que très peu, et même Zohan se plaignit des cachotteries qu'elle lui faisait. Zark servit de guide au reste du groupe, les emmenant visiter la ville de son enfance.

Le comportement chaleureux des habitants de la ville, la fraicheur à l'ombre des bâtiments, tout autour d'eux les incitaient à oublier leur soucis pour la durée de leur séjour. Ils passèrent du temps sur les rives de l'oasis, à l'ombre des palmiers. Des enfants jouaient dans l'eau, sous les regards de leur mères qui, plus loin, avaient étendu du linge sur les rochers afin qu'il sèche. Ils se mélèrent à la population dans une des auberges de la ville, et participèrent à quelques manches de dés et de cartes organisées dans l'établissement. Ils manquèrent de se faire dépouiller, mais Zohan leur sauva la mise en misant tout sur la dernière manche.

Ils assistèrent également à un spectacle de rue dans lequel troubadours et jongleurs donnèrent leur maximum pour divertir le public. Zohan déplora l'absence de sa soeur, et Gwyldann se moqua gentiment du fait qu'ils étaient habituellement collés par les hanches.

-Je dis juste qu'elle apprécierait l'attraction, répliqua son ami.

Lorsque les deux jours furent passés, ils arrachèrent à grand peine Lysiana de ses lectures, et quittèrent Osalys. Equipé en quantité suffisante de nourriture et d'eau pour pouvoir rejoindre Kathul, le groupe entama son chemin du retour vers la Citadelle. Le trajet se passa sans encombre, si ce n'est un cavalier solitaire qu'ils observèrent de loin. Celui-ci allait pleine vitesse vers la ville qu'il avait quitté, et ne sembla pas les avoir remarqué. Ils décidèrent de ne pas s'en inquiéter, et continuèrent leur route.

Ils atteignirent Kathul, et l'ambiance changée de l'endroit les mit quelques peu mal à l'aise. Par rapport à leur premier passage, les gens s'étaient renfermés sur eux-même, et ne s'attardaient pas dans les rues plus que nécessaire.

-Des étrangers, marmonna l'aubergiste quand il l'interrogèrent. Pâle comme des cadavres, montés sur des Kô couleur de nuit.

-Quand ont-ils été vu ?

-Pas ici, mais dans plusieurs endroits, entre ici et la Citadelle...

L'homme retourna derrière son comptoir, et les cinq compagnons décidèrent de ne pas passer la nuit sur place. Pour leur ravitaillement, le groupe dérangea plusieurs boutiques qui avaient fermé pour la soirée, mais l'argent versé en dédommagement fut visiblement une raison suffisante pour que les marchands leur fournissent ce qu'ils demandaient.

Ils voyagèrent sans relâche, accordant à peine le repos nécessaire à leurs montures. Ils durent néanmoins s'arrêter quand leur chemin rencontra celui d'une tempête de sable.

Lysiana leur construisit un abri grâce à sa maîtrise de la terre, et créa des boules de feu afin qu'ils puissent se voir. Gwyldann jetait des coups d'oeil vers les murs les abritant, inquiets pour les Kô restés à l'extérieur.

-Ils ne craignent rien, le rassura Zark.

-La Citadelle est proche ? Questionna Zohan.

-Si la tempête se calme rapidement, nous serons sortis du désert demain au plus tard.

Elle dura pendant plusieurs heures, mais ils purent repartir avant la nuit. Les Kô s'ébrouèrent plusieurs fois avant qu'ils puissent monter dessus, cherchant à se débarasser du sable qui s'était glissé entre leurs plumes.

La sortie du désert d'Asraad leur rappela cruellement que la fête de la Déesse correspondait à l'époque la plus froide de l'année. Le ciel s'était alourdi de nuage gris qui laissaient parfois tomber des flocons qui nappaient les collines de la Plaine d'un tapis blanc. Ils s'enroulèrent dans des couches supplémentaires de vêtements et leurs capes de voyage pour combattre le froid soudain. La neige se tassait sous les pattes de Kô, et il arriva sur le trajet qu'ils manquent de déraper sur les plaques de verglas qui recouvraient des ruisseaux qu'ils traversaient.

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