Les Albinos

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Le Tableau à Affiches, longtemps utilisé pour tenir la population au courant des nouvelles du royaume - de simples fêtes de villages aux conflits entre deux villes – servait également de point de ralliement à tous ceux en quête d'un peu d'action et d'argent. Les missions, classées par niveaux de difficultés, de un à cinq. Les niveaux un consistaient généralement à s'occuper de tâches simples afin d'aider les villes, comme de l’aide aux champs ou pour le bétail, alors que les niveaux cinq correspondaient plutôt à des quêtes très dangereuses, voire mortelles, comme escorter des caravanes dans le désert afin de le protéger de bandits ou de bêtes, ou d’autres conditiions extrêmes. Peu d'entre elles quittaient le tableau.

Il se situait sur la place centrale de la Citadelle à quelques distances de la fontaine de la Déesse, et dominé par le château. En s'approchant, Lysianna et Zohan se retrouvèrent happés par la foule.

– Quel monde ! Qu'est-ce qui se passe ? Demanda Lysianna.

Zohan ne répondit rien, mais, par un réflexe lié d’une longue d'habitude, il lui prit la main. Il attrapa au passage un homme qui se débattait pour sortir de la masse et l'interrogea.

– Ils empêchent d'accéder au tableau ! S'écria-t-il, paniqué. Ils s'en prennent à quiconque approche !

– Mais qui, «Ils» ? Questionna le jeune homme.

Trop tard, l'homme avait pris ses jambes à son cou. Écarquillant les yeux, Lysianna fixa son dos, puis la main de Zohan, tachée de sang frais.

– Il parle en connaissance de cause... Zohan, allons voir qui s'en prend ainsi aux civils.

Son compagnon approuva d'un signe de tête alors qu'un cri féminin déchirait l'air. Ils se précipitèrent au Tableau à Affiches, se frayant un chemin à contre-sens dans la foule. La première chose qu'ils virent fut une femme, penchée sur un homme en hurlant de désespoir. Levant les yeux de cette scène de désastre, ils en remarquèrent la cause.

– Alors ce sont eux, ces fameux «Ils» ? Demanda Zohan en croisant les bras sous sa poitrine.

– Il semblerait, approuva Lysianna en posant ses mains sur les hanches.

Tous deux fronçaient des sourcils désapprobateurs en observant la scène. Devant le tableau, trois hommes toisaient la foule. D'un rictus mauvais, ils savouraient le malheur dans lequel ils avaient plongé la femme. Grands, teints blêmes, cheveux blancs et yeux mauves.

– Des Albinos ! Murmura Lysianna en écarquillant les yeux. Je croyais qu'ils avaient disparu !

Zohan avança de deux pas, se détachant ainsi du demi-cercle formé autour d'eux. L'un des Albinos brandit une épée ruisselante de sang, avertissement ponctué de menaces. Avance et tu finis comme les autres.

– Excusez-moi messieurs, parla-t-il d’un ton éxagéremment poli. J'aimerais accéder aux primes.

– Pardonnez-moi monsieur, répliqua l'un d'eux, le plus maigre, d'une intonation moqueuse. Mais je crains que cela ne soit possible.

– Bien... Alors je vais changer de ton !

A peine ces mots étaient-ils prononcés que Zohan disparût de leur champ de vision. Pour mieux y réapparaître, et coller son poing dans le nez de Glaive-Sanglant, nouvellement nommé par son adversaire. Ses pieds décollèrent du sol. Celui-ci, surpris, lâcha son arme et il atterrit deux mètres plus loin dans un bruit sourd. Zohan se baissa, ramassa l'épée et la pointa en direction de l'Albinos qui s'apprêtait à se jeter sur lui. Avant même d’entrer au contact, ils se retrouvèrent tous les deux emprisonnés dans un cocon invisible. Le jeune homme tourna difficilement la tête.

– Lysia ! Qu'est-ce que tu fais ? S’étrangla-t-il, indigné qu’elle l’interrompe.

– J'ai l'impression que tu oublies qui nous sommes et ce que nous représentons ! Rétorqua-t-elle d’une voix dure.

Une mains levée au niveau de sa tête. C'était ainsi qu'elle les maîtrisait. Ses yeux brillaient d’une faible lueur blanchâtre, où tourbillonnaient de brefs éclairs bleu. Elle abaissa un doigt, rapidement, et les armes sautèrent des mains des opposants. Elles s'élevèrent dans les airs puis allèrent s’empiler les unes sur les autres, à une dizaine de mètres de là.

– Une élémentariste de vent…

Lysianna sourit à l'Albinos. Si seulement il savait...

– Bien, chuchota-t-il d’une voix grave. Nous allons y aller.

Il bougea la tête, les épaules, les bras, le torse et enfin les jambes. Lysianna sentit son emprise faiblir et se défaire. Elle lutta un moment, campée solidement sur ses deux jambes et mobilisant sa volonté, puis annula sa prise, haletante. Elle libéra ainsi Zohan et le dernier Albinos. Ce dernier rejoignit Glaive-Sanglant, et le traîna jusqu'à celui qui semblait être leur chef. Là, et après un regard méprisant pour les deux jeunes gens, ils disparurent, semblant s'évaporer dans la rue.

– Tu as entendu Zohan ? Tu as entendu ?

– Quoi donc ?

– Ce qu'il a dit en partant.

– Non. Qu'a-t-il dit ?

Un silence lui répondit. Zohan se tourna vers la jeune femme, qui fixait sans ciller l'endroit où se tenaient les trois hommes. Alors qu'il s'apprêtait à la secouer, elle tourna soudainement la tête vers lui.

– J'ai dû rêver, sourit-elle.

Elle se voulu encourageante, mais n’arriva pas à dissiper le sentiment d’incompréhension qui avait saisi le jeune homme. D’un mouvement souple, elle se dirigea vers l'homme au sol. Malgré l'agitation autour d'elle, la femme n'avait pas bougé, penchée sur lui en pleurant toute les larmes de son corps. Après avoir tenté de l’écarter doucement, Lysianna l’attrapa sans ménagement par les bras et la déplaça dans les bras d’une autre personne, pour avoir accès à la blessure. Elle posa une main sur la plaie, deux doigts de son autre main sur le front de l'homme et murmura quelques mots. Une lueur dorée s’éleva de la plaie, s’intensifiant jusqu’à devenir éblouissante, puis elle diminia et disparut. Sous les plis du vêtement ensanglanté, la plaie semblait s’être refermée laissant place à une boursoufflure néanmoins peu engageante.

– Amenez-le à l'hôpital, il devrait se réveiller dans les jours qui viennent.

Lysiana observa les hommes qui se hâtaient d'exécuter son ordre, tout en se redressant sur ses jambes, la femme, toujours en larmes, s’approchant sur les genoux. Elle lui attrapa une main et le devant de sa robe, la remerçiant à profusion. La jeune femme lui offrit une pression réconfortante sur l’épaule, et se dégagea de son étreinte, son attention déjà ailleurs.

S’écartant lentement, Lysiana fit ce pour quoi elle était venue. Zohan l’observa de loin alors qu’elle épluchait les annonces. Elle laissa échapper une exclamation devant un papier, fronça les sourcils à la lecture d’un deuxième et blanchit considérablement quand ses yeux se posèrent sur un troisième, puis, tendant une main fébrile, les arracha et les glissa dans la poche de son pantalon. Puis tourna les talons et partit à grandes enjambées. Zohan lui emboîta rapidement le pas afin de ne pas la perdre dans la foule qui se dispersait.

– Qu'est-ce que tu as pris ? Questionna-t-il.

– Je te montrerai, répondit-elle distraitement

Les sourcils froncés, elle se dirigeait d'un pas rapide vers l'auberge. Zohan lui attrapa le poignet, la forçant à s’arrêter. Il capta son regard.

– Tu m'expliques ce qu'il se passe ?

– Il faut trouver Gwyl et Zark, c'est important, argua-t-elle en secouant la tête.

Elle se défit de sa poigne avec douceur et repartit, Zohan sur les talons. Ils arrivèrent devant l'auberge. Avec un sourire dans sa direction, Lysianna ouvrit la porte battante et ils pénétrèrent dans l'établissement. Ils furent accueillis par les murmures et les rires des occupants.

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