Les Vagabonds

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– Voilà les Enfants du Monde ! S'écria joyeusement une voix depuis le bar.

Derrière le comptoir, un homme tendit les bras vers eux, un verre dans la main droite et un torchon dans la gauche, contournant le comptoir. Lysianna se précipita vers lui et se jeta dans ses bras.

– Tohm ! Tu m'as manqué !

– Toi aussi Lysia, rit-il en lui donnant quelques tapes dans le dos. Toi aussi.

– Gwyl et Zark ne sont pas là ?

– Ils étaient partis se requinquer dans la maison des bains, mais ils ne sont pas encore rentrés, il me semble.

– On va y aller aussi, on redescendra pour manger.

– Viande d'Asraad au menu ce soir, annonce Tom.

– Cool ! S'exclamèrent les deux autres d'une seule voix, salivant d'avance.

Puis, ils montèrent les escaliers et traversèrent le couloir, rejoignant la chambre que Zark et Gwyldann avait loué. Quatre lits s’alignaient contre les murs, avec un petit coffre à cadenas aux pieds de chacun d’eux, afin que les visiteurs puissent mettre leurs affaires en sécurité. Deux d’entre eux étaient déjà fermés. La pièce était vide, et, sur une patère murale proche de la porte, les capes élimées de leurs compagnons dégouttaient sur le sol, formant une flaque sur le tapis.

– Oh, Tohm va nous détester, ne peut s’empêcher de rire Lysiana.

Zohan ricana à son tour, farfouillant dans ses sacs de selles à la recherche de vêtements propres. Sa compagne en fit de même, et ils enfermèrent le reste de leurs affaires dans les coffres. Quand ils quittèrent la pièce, elle fit un mouvement de main et le tapis et les capes devinrent secs.

– Voilà qui est bien mieux !

Ils décendirent la rue jusqu’à la maison des bains, où ils se séparèrent le temps de leurs toilettes, ceux-ci étant non-mixtes. Lysiana partagea un moment avec les habitantes de la ville. Elle discuta avec une grand-mère, s’enquit des dernières nouvelles de la capitale. Elle joua dans l’eau quelques temps avec des enfants puis barbotta dans son coin, se délassant de ses longs mois de voyage, avant de finalement sortir définitivement du bain, puis de l’endroit.

Elle rejoignit ses compagnons dans l’auberge. Zark s’était rasé, Gwyldann semblait ragaillardi, Zohan sommeilllait sur son lit et tous sentaient bon le savon de menthe. Un vrai plaisir.

– Tu les montres ? Questionna-t-il d’une voix endormie.

– Pas maintenant. Profitons encore un peu de notre état.

Elle sortit les feuilles de sa poche et les cacha les feuilles sous son oreiller. Gwyldann pâlit. Zark leva les yeux de sa lame, qu'il nettoyait, et s'enquit.

– Tout va bien Gwyldann ?

– Je... Je les ai vus ! Balbutia-t-il difficilement.

– De quoi ?

– Les cinq étoiles sur l'affiche !

– Une cinq étoile ? S'exclamèrent Zark et Zohan, celui-ci se redressant sur sa couche.

– Zohan, tu avais promis ! S’indigna Gwyldann.

– Il s'est passé des choses Gwyl. Nous avons...

– Pas ici Zohan, interrompit Lysianna. Pendant le repas.

– Et pourquoi pas maintenant ? S’enquit son ami à lunettes d’un ton circonspect. Personne ne peut nous écouter ici.

Lysiana donna un bref mais puissant coup contre le mur, et un bruit de fuite précipitée se fit entendre dans le couloir. Probablement Cathera, la fille cadette de Tohm, qui avait la manie de faire traîner ses oreilles partout, mais savait-on jamais.

– Il y aura trop de bruits dans la salle commune pour qu’on nous entende, expliqua-t-elle.

Le ton était sans appel, aussi chacun retourna à ses occupations; Zohan se laissa tomber dans le monde des rêves, Zark retourna à l'inspection de son épée, et Gwyldann , ruminant ses questions, replongea dans son livre. Une heure plus tard, tous les quatre furent attablés. Deux des trois feuilles trônaient sur la table, face contre le bois, n’attendant qu’à être retournées et à réveler leurs secrets.

– Tu t'expliques Lysia ?

– Mange d'abord. Cette viande est délicieuse, Tom !

L'homme lui adressa un sourire, puis porta son attention sur d'autres clients. Après s'être assurée qu'il se fut suffisamment éloigné et que personne ne leur prêtait d'oreilles attentives, Lysiana se penchea vers ses compagnons et murmura :

– Nous avons vu des Albinos.

La réaction de Zohan fut immédiate. Alors que la bouche de Gwyldann s'ouvrait en un cri, il lui prit la tête et l'enfonça dans le plat de sauce. Le jeune homme se redressa lentement, une moue sur les lèvres. Son visage et ses lunettes dégoulinaient de sauce aux épices du Sud. Du coin de l'œil, Lysianna vit Tom accourir. Elle explosa de rire, posa un billet sur la table et, mimant d'essuyer une larme de rire au coin de son œil, elle s'écria :

– Gwyl ! Je ne pensais pas que tu le ferais vraiment !

– C'est sûr ! Renchérit Zohan. Plonger ta tête dans la sauce pour deux Delli !

Tom les regarda un instant, suspicieux. Puis, il repartit au comptoir de son bar. Un silence plana sur la table pendant que Gwyldann s'essuyait. Alors qu'il remettait ses lunettes, Zark déclara en regardant Lysianna et Zohan tour à tour:

– Votre capacité d'adaptation m'étonnera toujours...

– Franchement, t'aurais pu éviter, Zohan, bouda Gwyldann.

– Pour te laisser crier et rameuter toute l'auberge ? Non merci.

– Oh Zohan ! Regarde ce que tu as fait !

Lysianna prit entre deux doigts un coin d'une feuille et la souleva, faisant s'écouler la sauce sur la table. Elle en profita pour la retourner, révélant une mission de niveau deux. Les trois hommes se penchèrent dessus.

– Une mission d'escorte ? Demanda Gwyldann en levant le nez de la feuille.

– Exactement ! Pas trop dur, n'est-ce pas ?

– Qui escorte-t-on ?

– Lis, répondit distraitement Lysianna en enfournant un bout de viande.

– Ben justement, rétorqua-t-il. Ce n'est pas écrit !

– Il manque certains détails, concéda-t-elle. Mais comme tu le vois, cette demande émane du roi lui-même. Et le plus important est écrit. Nous nous rendrons au château demain matin pour connaître les modalités.

– Une escorte jusqu'à Forn, résuma Zohan. Pourquoi avoir choisi ça ?

– C'est pas compliqué, expliqua la demoiselle. Gwyl n'a jamais vu Forn et Zark seulement de loin. Quant à nous, cela nous donne une occasion de retourner dans notre région. Et puis surtout…

Elle tapota du bout du doigt une inscription manuscrite sur un coin de la feuille. EdM. En un mot, un papier adressé spécialement à eux, et qui expliquait à lui tout seul pourquoi personne ne s’était jeté sur l’annonce quand elle était parue. Gwyldann et Zark échangèrent un regard, le guerrier demanda :

– Ça ne te gène pas de retourner au château ?

– Bien sur que non, comme ça j'aurai une occasion de voir mon père.

Leur jeune ami souriait à pleine dent à cette perspective. Voilà plusieurs lune qu’il n’était pas retourné chez lui, et sa famille lui manquait.

– Gwyldann, pourais-tu y aller demain, et demander une audiance à Sa Majesté ?

En terminant de s’essuyer le visage d’un reste de sauce sur le menton, son ami acquiesça.

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