Préparatifs

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Lysiana, quant à elle, rejoignit la bibliothèque royale, un antique bâtiment en pierre ouvert au publique tant que la herse était levée. La salle principale était plongée dans un silence presque religieux. Des bougies éclairaient les pupitres où des pages travaillaient à recopier des ouvrages, ou où quelques autres personnes en consultaient. Sur certaines tables, les livres étendus à plat devant eux, d'autres, illéttrés, se faisaient lire les textes.

Le bibliothécaire principal était un vieil homme du nom d'Athus, au service de la famille royale depuis qu'il était jeune page. Il vouait aux livres le même amour que les parents ont pour leurs enfants. Maintenant chauve à la longue barbe grisonnante, son air autoritaire faisait peur à Gwyldann lorsque celui-ci était enfant, et encore maintenant qu'il était un homme fait. Il accueillit Lysiana avec un chaleureux sourire.

– Puis-je vous aider ?

– Oui, en effet, répondit-elle, se sentant écrasée par les milliers de livres qui s'étendaient du sol au plafond. J'aimerais en savoir plus sur la création du Nouveau Monde.

– Bien sûr, s'écria-t-il, le visage rayonnant. Ne bougez pas, je reviens !

Sautant de sa chaise, il s'éloigna en s'enfonçant entre les étagères. Lysiana s'assit à une table proche pour patienter. Elle n'eut pas à le faire longtemps; moins de cinq minutes après être parti, Athus revint, un épais livre dans les bras.

– Voilà mademoiselle. Attention, c'est lourd.

Il lui passa le livre avec délicatesse, mais ne le lâcha pas. Elle l'interrogea alors qu'il la regardait fixement.

– Vous voulez peut-être qu'on vous le lise ?

– Ça ira je sais lire, merci ! Répondit-elle, acerbe.

Avec une légère brusquerie, elle arracha l'ouvrage des mains du vieil homme, tourna les talons et partit s'installer loin du bibliothécaire. Elle s'assit sur une chaise dont le dossier était frappé de l'emblème royal. Elle s'appliqua à s'asseoir confortablement en posant le livre sur la table, puis elle commença à tourner les pages.

« Il y a près de dix mille ans, le royaume de Noventa était occupé par les premiers hommes. Reniant la déesse qui les avait créés, ils détruisirent la planète qu'elle leur avait offerte, faisant couler le sang en abondance. Après maintes mises en garde à leur encontre, la déesse ne put supporter plus d'outrages. Elle descendit sur Noventa et défit la prêtresse qui dirigeait ces hommes. Elle rassembla ensuite la force des éléments entre ses mains et la laissa, dans une explosion de lumière, se déchaîner durant cent jours. Une fois le cataclysme fini, et après avoir débarrassé Naïade du mal qui pourrissait ses terres, la déesse Pryss déposa ses fils sur Noventa en leur ordonnant de rendre la planète habitable. L’aîné, Urys, s'établit sur toute la partie Nord et utilisa sa magie pour recouvrir le terrain noir et calciné d'herbe verte et douce. Le cadet, Forn,s'installa sur la partie Est et regarda avec patience les graines d'arbres qu'il avait planté pousser. Asraad, le benjamin, prit le Sud pour territoire. Il répandit du sable sur les terres désolées, les transformant au fil des ans en immense désert.

Mille ans après avoir commencé à œuvrer sur Naïade, les trois frères se réunirent où leurs régions se rejoignaient. Ils bâtirent à ce point la plus grande cité du continent; Sangengonza. Une fois la citadelle prête, Pryss redescendit sur Naïade. De son sein, elle sortit un homme à qui elle octroya le pouvoir de régner. Elle lui présenta son royaume et les sujets dont elle le peupla. Puis, elle se mit en devoir de lui expliquer ce qu'elle attendait de lui.

Il vous faut apprendre des erreurs du passé. Sois juste et bon, fais régner la justice sans utiliser la violence ni l'engendrer.

Pour s'assurer de la justesse du roi, la déesse créa à partir des quatre éléments, l'eau, le feu, la terre, et l'air, une nouvelle prêtresse. Celle-ci, manipulant les éléments, assiste la famille royale en protégeant le royaume. »

Sous le choc de cette partie de l’Histoire qu’elle ignorait, Lysiana ferma le livre dans un claquement sec au moment même où la porte de la bibliothèque s'ouvrait dans un léger grincement. Avec un sursaut, la jeune femme se retourna dans son siège et observa Gwyldann entrer dans la pièce. Rangeant ses interrogations, elle se leva et le rejoignit devant Athus. Elle donna le livre au vieil homme et le regarda s’enfoncer entre les étagères pour le ranger à sa juste place.

– Son Altesse est en entretien avec Sa Majesté,

Lysiana hocha la tête aux mots de son ami, alors qu’ils se dirigaient vers l’extérieur.

– Fais nous savoir quand il sera prêt à partir. Zohan, Zark et moi feront le plein de provisions avant le départ.

– De quoi as-tu parlé avec le Roi ? Demanda Gwyldann, d’une voix presque timide.

– Je lui ai dis pour les Albinos et tu étais là lorsque nous avons reçu ses instructions.

– La logique voudrait que le roi tienne un conseil de guerre en ce moment-même. Et qu'il ai renforcé la garde, fit remarquer son ami en remontant ses lunettes sur son nez pour la énième fois depuis le début de la conversation.

– Ton père semble avoir trouvé les bons arguments, répondit Lysiana en haussant les épaules. J’ignore ce qu’il a pu dire pour le convaincre, cependant.

– Lysa, Gwyldan lui prit la main gentiment, la faisant s’arrêter pour lui faire face. Tout va bien ?

Elle se força à se concentrer sur leur discussion, et lui offrit un sourire en lui affirmant que tout allait bien. Une partie de son cerveau, cependant, tournait à plein régime, dirigé vers toutes les questions que soulevait ces quelques petites lignes.

– Le tome traitant de la création du Nouveau Monde est-il une version officielle ? Ne peut-elle néanmoins s’empêcher de demander au petit rat de bibliothèque qui lui fait face. Je ne me rappelle pas avoir jamais lu cette version-ci.

Gwyldann sembla réfléchir longuement, passant un moment à se souvenir d’être un fois tombé dessus, mais également que son précepteur lui avait presque arraché des mains pour lui en donner un autre.

– Je ne me souviens plus très bien, admit-il. Je ne peux pas te répondre avec certitude, mais ça m’étonne que le vieil Athus le conserve toujours. Il en manque de nombreuses pages…

Comme ils avaient atteint la herse du château, Lysiana remercia son ami, bien que la réponse ne fut pas d’une grande aide.

– Passe encore un peu de temps avec ton père, l’enjoignit-elle alors qu’ils se séparaient. Nous ne savons pas combien de temps notre missin nous prendra, ce coup-ci. Et tu pourras t’assurer que le Prince soit prêt pour le départ.

Il le fut. Selon les dires de Gwyldann, qui avait rejoint ses amis à l’auberge Les Vagabonds au petit matin, le Prince Isaac avait été prêt à partir à la seconde même où il avait été mis au courant que l’Oracle l’attendait. L’absence du groupe dans la Citadelle l’avait forcé à patienter pendant presque un mois.

 Le départ était prévu pour le lendemain, à l’aube, et ils étaient en train d’acheter les vivres nécessaires à leur voyage.

– Il y a-t-il des choses que l’on doit savoir sur le Prince ? Questionna Zohan distraitement, alors qu’il sélectionnait des tranches de viande séchées sur un étal. Des allergies, des choses qu’il ne mangerait pas ?

– L’escorte qui lui est prévue ? Rajouta Zark.

Gwyldann resta silencieux, regardant fixement un bac d'agrumes de Subba. Jusqu'à ce qu'un des fruits saute. Il s'en éloigna dans un cri puis s'exclama :

– Lysa t'abuses ! J'ai eu une crise cardiaque là !

– Et tu as survécu ! Alors déstresse. On va en prendre quatre de ces trucs là, indiqua-t-elle ensuite à la femme qui tenait l’étal de fruits.

Leurs deux autres compagnons répétèrent leurs questions, et Gwyldann y répondit, en envoyant quelques regards suspicieux à Lysiana, qui ne prêtait qu’une attention distraite à ses réponses, penchée sur quelques légumes.

– Le Prince n’a aucune allergie que je connaisse, ni de régime particulier. Et nous sommes son escorte. Il m’a dit qu’il entendait voyager rapidement, afin de rattraper le temps perdu par notre absence. Notre mode de fonctionnement ne lui pose aucun problème, il m’a même posé de nombreuses questions.

Se penchant, il sélectionna quelques pains chauds qu’ils consommèrent tout de suite.

Deux heures plus tard, ils poussèrent la porte battante de l'auberge Les Vagabonds, les bras chargés.

– Vous partez déjà ? S'étonna Tom alors qu'ils passaient devant lui.

– Eh oui. On pourra avoir notre repas dans la chambre ?

– Bien sûr !

– Merci.

Ils passèrent le reste de la soirée à préparer leurs sacs et à séparer équitablement la nourriture. Le lendemain, ils retrouvèrent le Prince à la Porte Est, avant même que la herse ne soit levée.

– En comptant trois repas par jour, et en sachant que nous sommes cinq, nous avons réussi à faire une semaine de vivres chacun, récapitula brièvement Zohan, en vérifiant ses sangles de selle. Mais il devrait être possible de tenir plus longtemps si on se serre la ceinture.

– Et quand nous n'aurons plus de vivres ? Interrogea Isaac avec curiosité.

– On aura atteint Forn dans moins d'une semaine normalement. Alors, si on a un problème de nourriture, on chassera. D'ordinaire, on ne s'occupe pas de la façon dont chacun gère la quantité qu'il a à disposition. Sauf quand il s'agit de nourriture commune.

Les premiers rayons du soleil apparurent, et avec eux s’éleva la herse. Les compagnons montèrent en selle, et s’élançèrent dans la Plaine.

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