Carneski et le bouquet fatal
Carneski s'apprétait à dévorer une platrée de pâtes aux chocolat rapé quand le commissaire l'appela. Le fait que le chef de police lui téléphone à une heure aussi indécente que l'heure du déjeuner était dût au métier de Jules Carneski : détective de renom de la ville de Hiropolis. Quant à sa passion pour les plats bizarre, j'ai envie de dire qui n'a jamais vu Sherlock Holmes se droguer ? Avoir une passion étrange est le signe des grands détectives.
Si bien que Carneski se retrouva obligé de quitter la chaleur de son bel appartement, au 36 rue Avgonde, pour se plonger dans la fraicheur de la ville au mois de décembre. Ses pas (et le taxi) le menèrent aux 43 avenue Garindon, devant la deventure de "Chez la Fée Licia", une boutique de fleuriste aux parfums innombrables et envoûtants, tenue par Félicia Vergondez, belle rousse de vingt trois ans, avec des tâches de rousseurs et deux fossettes, visible quand elle souriait.
Cepandant, même si les fossettes étaient visibles, ce n'était pas parce qu'elle souriait. C'était à cause de son faciès trahissant une profonde horreur. Avouer que comme dernière expression avant de mourir, la peur est terriblement banale. Car oui, Félicia était tout ce qu'il y a de plus mort.
Carneski s'avança vers le commissaire et demanda :
- Elle est morte ?
L'inspecteur, monsieur Steven Sarmado, ne répondit rien, trop habitué à ce genre de question stupide et/ou naïve de la part du détective. Un policier en uniforme vint lui expliquer en deux ou trois mots ce qui se passait :
- Bien, repris Carneski. Félicia, vingt trois ans, empoisonnée, même si vous optez pour la thèse de l'étranglement, commissaire.
- Comment avez vous fait pour deviner ?
- C'est simple. Vous ne cessez de faire ce tic, là, celui de retrousser légèrement le nez quand vous êtes contrarié, comme lorsque l'on évoque l'empoisonnement.
- Je vois.
- Mais cette hypothèse n'est pas à laisser de côté. J'ai vu, comme vous, à votre façon de fixer son coup, les marques rouges d'une corde ou d'un fil, au vu de la taille.
- En effet, c'est une idée que j'avais en tête. Mais le médecin légiste est formel : c'est un empoisonnement.
- Je comprend. Mais dites m'en plus sur les découvertes du médecin.
- Il n'y a pas grand-chose à dire : son décès remonte à cinq heures environ. Félicia Vergondez était aimée et appréciée par son entourage. Nous sommes en train de chercher des suspects à l'aide de son carnet de rendez-vous, histoire de savoir pouvait venir la voir entre sept et huit heure du matin. Il n'y a que deux faits étranges concernant le meutre : un, la pièce, remplis de bouquets de toutes sortes, plantes du coin, exotiques, ou des champs... Des fleurs quoi. Mais, comme vous pouvez le constatez, de manière éparpillée. Il y a même des vases cassés. Et deuxièment, le médecin légiste a retrouvé du pollen dans sa narine droite. Quelques grains à peine. Mais apparament enduites de poison.
- Quel poison ?
- De la fleur de tonnerre. Or, il n'y en a pas dans cette pièce.
- Normal, elle est interdite.
- Je sais, mais le médecin est formel.
Carneski resta songeur un instant avant de commencer à observer la pièce et les bouquets. Il sortit un carnet en cuir, qui semblait usé par les nombreuses enquêtes et le temps, et un stylo plume, qui lui aussi semblait fatigué.
Il tourna autour du cadavre, prit des notes, observa les bouquets, en sentit un ou deux, observa les pistils à l'aide d'une loupe et aperçut une photo, posée sur le rebord de la fenêtre. On y voyait Félicia, pas bien plus jeune, en train de fourer son nez dans un bouquet de fleurs rouges si énormes que l'on aurait pu penser qu'elle tenait là un champ, dans ses bras si fragiles. Carneski sourit mais resta silencieux.
Un autre policier s'approcha de l'inspecteur qui se mit à pousser des cris de joie. Le détective se retourna vivement :
- Eh bien Steven, faites un peu attention, à votre âge s'énerver n'est pas raisonnable.
- Comment ça "à mon âge" ! Je n'ai que quarante-cinq ans, un peu de respect.
- Mes excuses commissaire. pouffa Jules, du haut de ses vingt deux ans. Pourquoi êtes vous si heureux ?
- Nous venons de trouver et de ramener les suspects potentiels !
- Diantre ! Et combien sont-ils ?
- Trois.
- Autant ! Bien, je leur poserai une ou deux question toute à l'heure.
- Plutôt tout de suite, ils sont déjà là, expliqua le policier.
- Parfait, s'enthousiasma Sarmado. Pouvez-vous les conduire dans la pièce là-bas.
Il pointa une porte derrière la caisse.
- Ce n'est qu'une remise, je l'ai visité tout à l'heure, dans l'espoir d'y trouver des indices. Mais elle est intacte. ajouta-t-il à l'intention de Carneski.
- Ne vous inquiétez pas pour ça. Je suis persuadé que d'importants indices sont encore cachés dans cette pièce.
Le commissaire acquiesça et fit signe d'entrer aux suspect. En premier, il y eut une dame qui devait cinquante ans au moins, avec un cabas et des cheveux grisonnants. Quand elle aperçue la bâche recouvrant le cadavre, elle se mit aussitôt à pleurer.
- Félicia ! Oh Félicia... Ma pauvre petite... Que le monde est cruel ! Oh, oh oh...
Les policiers l'emmenèrent pour l'interrogatoire, en la supportant et la réconfortant. Puis, un homme entra. Les cheveux noirs, le teint mat et les yeux verts. Carneski nota le peu de sentiments qu'il exprima lorsqu'il entra dans la pièce. Pourtant, il s'écria :
- Ma faute ! Tout est de ma faute ! Oh mon amour, si j'avais su... J'aurais mis moins de temps...
Et il courut dans la pièce.
Une femme le suivit. Bien plus jeune, on lui donnait la vingtaine, blonde, avec des yeux marrons, un combo qu'on ne voyait pas souvent, songea Carneski. Elle regarda successivement le cadavre et le détective puis pâlit. Puis elle suivit les pas des deux autres suspects dans la remise.
Carneski observa encore un instant la scène du crime avant de suivre l'inspecteur dans la pièce des suspects.
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