Le soleil s’éteint lentement sur les collines. Le sol porte encore l’odeur du sang et du venin. Un peu plus tôt, le groupe a mis fin à la prolifération d’un nid de gourelles — créatures souterraines vicieuses, attirées par les zones habitées. La mission, commandée par une abbesse locale, avait été bien payée.
Le feu crépite. Kaëna s’affaire à nettoyer l’armure d’Isandre pendant que les trois autres aventuriers se reposent, chacun à sa manière.
Bram, croquant dans un morceau de viande, finit par rompre le silence :
— Bah, au moins ça bougeait un peu ! Pas comme ces foutues patrouilles d’apparat que l’Église adore faire... Là, au moins, y’avait des crocs, des griffes, un peu de sueur !
Frère Mornal, droit, mains jointes sur les genoux, lève les yeux, irrité par la familiarité du ton :
— Et chaque gourelle terrassée est une impureté de moins sur cette terre. Ce nid était une épreuve. Unis nous a guidés. Je te prierais cependant d’être plus respectueux envers l’Église.
— Tu crois que c’est Unis qui a créé ces choses ? demande Isandre en fixant les flammes.
— Les gourelles sont le fruit du chaos, laissées hors de Sa lumière. Elles ne sont que la conséquence de l’absence de Foi.
Bram secoue la tête, moqueur :
— Moi j’dis que c’est surtout ce foutu marais qui les attire. Pas un manque de prière.
Frère Mornal se lève brusquement, l’ombre dansante du feu accentuant la dureté de ses traits.
— Ne tourne pas tout en dérision, Bram. Il y a des forces qui te dépassent.
— Oh, j’sais. Les monstres, les pactes, les sorciers, les inquisiteurs… Le monde est rempli de trucs qui me dépassent. Mais ceux qui m’font le plus peur… c’est ceux qui parlent comme toi.
Isandre tente d’apaiser :
— Du calme. On a réussi. C’est ce qui compte.
Kaëna s’approche timidement de son maître avec une gourde. Isandre la prend sans un mot.
— Elle aussi a accompli son rôle. Que son silence soit loué, commente Frère Mornal.
— Ouais. Silence, obéissance… Une vie bien simple, grommelle Bram.
Isandre lève lentement les yeux vers ses compagnons :
— Ce n’était pas un choix. Elle n’a pas eu voix au pacte.
— Ce n’est pas à elle de choisir, tranche Frère Mornal. L’ordre divin place les races selon leur nature. Vouloir les en sortir, c’est défier Unis.
— Et ça, c’est un crime pire que d’égorger des gosses… murmure Bram.
Un silence pesant s’installe.
Isandre rompt le mutisme, pensif :
— Elle avait l’air… triste, aujourd’hui. Quand elle a vu les petits… des gourelles.
— Sentimentalisme déplacé, réplique Frère Mornal. Ce n’est pas à elle de ressentir quoi que ce soit pour ces créatures. Ni à toi.
Bram, regard perdu dans les braises, murmure :
— C’est drôle. Les monstres qu’on tue… on les appelle bêtes. Mais ceux qu’on garde en laisse… c’est juste normal ?
*
Extrait inventé sortit de mon univers du Pacte de Sang, je n'en dis pas beaucoup mais ça pose les bases ;)