Chapitre 1 ~ Descente aux enfers (4/5)
*Alice*
Je me réveillais en sursaut. Ma sueur avait laissé sa marque sur mes draps en la maculant d’un halo jaunâtre.
En passant une main sur mon front, je constatais qu’il était bouillant.
Que venait-il de se passer ? C’était quoi ce rêve ?
D’un geste maladroit, je tirai sur la poignée de ma table de chevet et sortis mon calepin du tiroir. Depuis quelques années, j’avais pris l’habitude d’y noter mes rêves. Je m’empressais de coucher sur papier ce que je venais de vivre.
Mais… Est-ce que j'étais bien réveillée, cette fois ?
Je me pinçais fort.
Aïe.
Après avoir terminé, je poussai un soupir. J’attrapai mon Platphone et vérifiai mes messages. Bien sûr, je n’en avais aucun de la part de Mattheus.
Je m’en séparai avant de me lever et de me préparer.
Ce rêve… Il m’avait paru si réel. Surtout très étrange.
Mon inconscient voulait-il me communiquer quelque chose ? Par cette mort, voulait-il me dire que je devais supprimer le souvenir de Mattheus ? Passer à autre chose ?
Probablement. Mais comment faire ?
Mes sentiments étaient encore présents. Puissants. Comme s'il avait laissé sa marque en moi.
Pffff.
C'était ridicule.
Je me plaçais devant le miroir. Des cernes violets marquaient mes yeux vitreux. Mes cheveux étaient éteints, comme de la paille séchée au soleil.
Je devais l’admettre : j'étais une épave.
— Encore une mauvaise nuit ? me demanda Sophie quand je la rejoignis dans la cour.
Ces derniers jours, j’avais l’impression de perdre la notion du temps et de l’espace. Comme si je sautais d’un moment à un autre, et que je n’arrivais plus à saisir ce qu'il se passait entre.
Je levais la tête sans répondre. Son front se plissa, signe de son inquiétude. Elle posa une main hésitante sur mon épaule avant de m’étreindre.
Nous restâmes ainsi quelques minutes. Puis elle me relâcha.
— Ne te laisse pas abattre par ce bouffon. Tu mérites pas ça !
— Je sais.
Jaya vint à notre rencontre. Une grimace se forma sur ses traits quand elle m’aperçut.
— Ouh, ça ne va toujours pas mieux, toi.
— Quel sens de l’observation, grognais-je.
Avec toute la compassion dont elle était capable, elle approcha une main furtive et la posa sur mon épaule.
— Allez ma biche. Faut pas te laisser dans cet état.
Sa bouche s’ouvrit en grand, ses yeux s’illuminèrent.
— J’ai une idée ! On devrait sortir en boîte et s’arracher la gueule !
— Super cette idée, tu veux qu’elle finisse à l’hôpital ? T’as vu sa tronche ?
Sophie me lança un regard, les lèvres pincées. Un rictus amusé se forma sur ma bouche sans que je puisse le retenir.
— Ne vous inquiétez pas les filles. Ça va passer.
— Non mais j’étais sérieuse ! J’pense vraiment qu’une soirée légère te fera du bien. Tu pourrais même te trouver un autre gars.
— Jaya, c’est vraiment pas le genre d’Alice de…
— Bonne idée, fis-je en haussant les épaules. Je suis partante.
— Alice ! pesta Sophie.
— Jaya a raison. Il faut que je pense à autre chose. S’apitoyer sur son sort ne fonctionne pas vraiment tu vois… Pourquoi pas essayer son idée…
Mes deux amies m’observaient en silence.
Sophie ne souriait pas. Toute trace d’amusement avait disparu de ses traits. Je sentais sa peur. Celle que je sombre complètement.
Jaya quant à elle tapait dans ses mains, excitée par notre sortie à venir. Doucement, elle finit par se raidir et à fixer un point derrière moi.
Je suivis son regard.
Derrière nous, une femme aux cheveux de feu nous regardait avec intensité et sérieux. En étant plus attentive, je remarquai qu’elle me fixait moi. Son visage me semblait familier mais je n’arrivais pas à replacer les choses dans mon esprit. Comme s’il était liquide.
— C’est qui ? marmonnai-je pour moi-même.
— C’est pas la première fois que je la surprends à te mater, lança Jaya. D’ailleurs, c’est pas la première fois qu’une meuf te mate depuis ce coin de la cour. Tous les jours y’en a une.
Avec lenteur, je me tournais vers elle, surprise qu’elle ait remarqué ce genre de détails. Devant mon air interloqué, elle reprit :
— C’est toujours des meufs canons, bien sûr que j’ai remarqué.
Elle se mit dans une position défensive, se sentant acculée.
— Y’a toujours une meuf canon qui se pose là et te mate. Des fois c’est la même, des fois c’est une différente. Mais c’est toujours ce même regard bizarre. Vu comment elles te matent, elles doivent attendre quelque chose de toi.
— Comme quoi ?
Jaya haussa les épaules.
— J’suis pas voyante, j’en sais rien. Une frimousse aussi belle que la tienne, ça attire forcément les regards, non ?
Elle prit mon visage dans le creux de ses mains avant que ses lèvres ne s'étirent en un sourire amusé.
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