Chapitre 2 ~ Zone grise (2/5)

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Je n’avais pas besoin de porter mon regard vers le nouvel arrivant pour savoir de qui il s’agissait. Sa posture de marbre, ses mains derrière le dos, son visage neutre… Tout ça était sa marque de fabrique. Ses yeux bleus glacés se posèrent sur moi comme un courant d’air.

Du bout des doigts, mon père caressa le bois foncé de mon bureau et observa la fine pellicule de poussière qu’il venait de récupérer. Il frotta son pouce et son index pour s’en débarrasser puis se tourna vers moi.

Une nouvelle fois, son regard me transperça comme une lame acérée. Ses yeux glissèrent sur ma position bébé. Sa mâchoire bougea d’ennui.

Je poussais un grognement avant de lui tourner complètement le dos. D’un élan capricieux, je saisis mon oreiller pour me couvrir le visage.

C’était la première fois que je revoyais mon père depuis ses aveux. Il était le fondateur des Anges Noirs. Je crois que je n’avais pas encore vraiment assimilé tout l’ampleur de ses mots. Mon cerveau était aussi mou que de la paté pour chat.

Un silence pesant s’étira entre nous. Alors, j’abaissais mon coussin et lâcha d’une voix rauque :

— Tu veux quoi ?

D’un geste sec, mon père arracha mon bouclier avant de le jeter au sol.

— Eh ! C’est crade par terre, putain !

— Ton langage.

Je poussais un soupir de frustration avant de croiser les bras sur mon buste. Ses yeux roulèrent d’exaspération.

— Que t’arrive-t-il, fils ?

— Rien.

Nouveau soupir de ma part.

Que voulait-il, au juste ?

À l’image d’un enfant boudeur, je m’enveloppai sous ma couette. Ses bruits de pas sur le plancher se rapprochèrent de moi avant qu’il ne m’arrache une nouvelle fois ma protection.

— Debout.

Son ordre claque dans l’air comme un fouet. Tout ce temps passé hors du cocon familial m’avait presque fait oublier son autorité naturelle. Ce côté-là ne m’avait pas particulièrement manqué.

— J’ai pas envie.

— Allez, dépêche-toi.

Je ne bougeais pas.

— S’il le faut, je te sortirai de ton lit par la peau du cul.

Surpris par ses paroles, je me tournai vers lui, le visage marqué par le choc. C’était la première fois que je l’entendais profaner !

Il fit un geste du bras, qui voulait dire « bouge ton cul et vite ! ».

Dans un râle prolongé, je me levai et enfilai des vêtements propres. J’attrapai ce qui me passait sous la main : un pull bleu et un pantalon beige.

— Pour compléter ton apprentissage et pour t’aider avec ta liste, je souhaitais t’apprendre à absorber les âmes. Tu vas donc passer la journée avec moi.

Je soufflai.

— Où ranges-tu ton Livre ?

Je l’observai sans répondre.

Le silence nous enveloppa une nouvelle fois et mon père commença à taper du pied contre le sol, signe de son impatience. Son visage ne traduisait aucune émotion, pourtant je savais qu’il était agacé.

Pour éviter de laisser échapper son courroux, je me redressai et désignai ma table de chevet. Il réduisit l’espace en un grand pas et s’empara directement de sa missive. D'où je me tenais, je pouvais constater que le coin était corné, résultat de la chute causée par l'annonce faite par Alice.

Mon père fronça les sourcils et toucha la cornure du bout de l’index. Puis il tendit le Livre à mon attention, comme un avertissement silencieux. Sa concentration retourna entre les pages, qu’il feuilleta délicatement. Ses yeux bougeaient de gauche à droite jusqu’à ce que la ligne de ses sourcils forme une ridule.

— Puis-je savoir pourquoi Alice apparaît sur ta liste ?

— Qu’est-ce que ça peut te foutre ? crachai-je, le regard dur.

— Mattheus, ton langage.

Son expression était neutre et statique, comme si je ne venais pas de jurer devant lui. Seules ses paupières légèrement baissées traduisaient son ennui.

— Réponds-moi, reprit-il sur un ton aussi glacial que son mont Elbrouz.

— Comme si toi, tu me donnais des réponses, grognai-je.

Un silence lourd et rempli de non-dits se répandit autour de nous. Au bout de quelques secondes supplémentaires, il finit par pousser un râle de frustration par les narines. Il sortit la montre gousset qu’il portait autour du cou avant de tendre une main vers moi.

Je levai les yeux au ciel, les bras croisés. Son regard insistant ne me quittait pas et je finis par céder à sa demande.

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