Chapitre 9 : Aïna la rebelle, Partie 1

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Je n’ai pas revu mon épouse avant le dîner. Attablée en face d’Élisabelle, dans la (bien évidemment somptueuse) salle à manger privée d’Abyssombre, elle semblait à peine toucher à son assiette. Elle parlait peu, même à Élisabelle, et évitait mon regard autant que possible. J’ai donc passé la majeure partie de la soirée à discuter politique avec mon amie, tout en surveillant du coin de l’œil l’état de mon épouse. Même Élisabelle, qui faisait tout pour entretenir la conversation, ne pouvait s’empêcher d’être inquiète.

  • Vous semblez soucieuse, ai-je finalement dit à ma femme en fin de soirée.
  • Ce n’est rien… murmura la fée au bout de quelques secondes de silence.
  • Cela ne semble pas être rien, ai-je répondu avec une pointe d’agacement devant son obstination bornée, avant d’ajouter. Êtes-vous souffrante ?
  • Non.
  • Alors que se passe-t-il ? Quelque chose vous trouble ?
  • Ce n’est rien, vraiment.

J’ai adressé un coup d’œil découragé à l’adresse d’Élisabelle, guettant son soutien. Cette dernière finit par intervenir d’une voix douce :

  • Ma fille… Si quelque chose te trouble, il vaut mieux que tu nous en parles. Nous ne voulons que ton bonheur, crois-moi…
  • Je ne suis pas certaine que toutes les personnes assises à cette table attachent réellement la même importance à mon bonheur… ou à ce que je pense, ironisa Aïna.
  • Vous ne pouvez pas me reprocher un manque de considération à votre égard si vous refusez de me parler, ai-je rétorqué, agacé d’être encore une fois désigné comme le responsable des malheurs de mon épouse… alors que je faisais tout de même des efforts considérables pour lui plaire. Je ne suis pas devin. Alors je ne peux savoir ce qui vous trouble ainsi, et je ne pourrais rien faire pour y remédier… à moins que vous ne vous décidiez à me le dire.

Aïna baissa les yeux sur son verre, pensive.

  • Savez-vous qu’un terrible accident s’est produit aujourd’hui dans vos mines sous-marines ? finit-elle par dire.

J’ai haussé un sourcil intrigué.

  • Un accident ? répétai-je. Comment ça ?
  • Une galerie s’est effondrée ce matin en enterrant plusieurs centaines de mineurs dans les décombres, m’informa Aïna. Il y aurait pas moins de cinq-cents esclaves disparus.
  • Je… je l’ignorais, ai-je reconnu avant de fusiller Laïus du regard en lui demandant d’un ton indigné. Pourquoi n’ai-je pas été mis au courant de cet incident ? Que fait le contremaître ?
  • Vous l’avez renvoyé avant qu’il n’ai pu vous parler, Monseigneur, répondit l’intendant avec une effrayante honnêteté. Vous lui avez dit, je cite : « Je me moque de quel problème il s’agit, débrouille-toi tout seul ! ».
  • Oh… ai-je laissé tomber d’une voix neutre (car je me souvenais effectivement avoir renvoyé le contremaître), avant de me tourner vers Aïna, satisfait. Eh bien vous voyez ? Quelqu’un s’occupe déjà de cette histoire. Inutile de vous inquiéter ; cela n’impactera pas du tout les profits de mes mines. Il y a des centaines de galeries remplies de cristaux. Dans une semaine, on aura déjà remplacé les esclaves morts et ouvert un nouveau tunnel.
  • Que… Mais je me moque complètement de vos bénéfices ! s’indigna Aïna en se levant de table sous le coup de l’émotion. Savez-vous qu’il reste apparemment des esclaves vivants ensevelis dans les décombres ? Il parait qu’on peut entendre leurs cris étouffés à travers les pierres !

J’ai échangé un regard intrigué avec Élisabelle, avant de lancer à mon épouse :

  • Où voulez-vous en venir ?
  • Pourquoi rien n’a été fait pour les sauver ? Le contremaître a ordonné de clôturer l’entrée de la galerie. Il veut les abandonner à leur sort !
  • Comment se fait-il que vous soyez si bien informée ? lui demandai-je, légèrement agacé du fait qu’elle en savait plus que moi sur cet incident.

L’expression d’Aïna se fit hésitante.

  • Si je puis me permettre, Monseigneur, intervint alors Laïus d’une voix contrite. Madame la Comtesse a entendu tout à l’heure ma conversation avec le contremaître lorsqu’il me racontait le drame survenu aux mines ce matin. Elle m’a ensuite demandé des détails sur cet incident, que je me suis bien évidemment empressé de lui fournir.
  • Et pourquoi ne m’as-tu pas donné ces détails à moi aussi ? ai-je réagi, encore plus irrité.
  • Comme vous aviez éconduit le contremaître, j’ai cru comprendre que vous ne souhaitiez pas être dérangé… De plus, sachant que des effondrements similaires se sont déjà produits par le passé et qu’ils relèvent de la compétence du contremaître, j’ai estimé que l’incident de ce matin n’était pas suffisamment grave pour vous déranger. Néanmoins je me tenais prêt à vous informer de la situation si jamais vous aviez changé d’avis sur le sujet…

J’étais bien forcé de reconnaître que mon intendant avait encore une fois trouvé une réponse toute prête à mes réclamations. Je ne pouvais lui reprocher, après m’avoir vu éconduire le contremaître, d’avoir attendu que je lui en fasse la demande pour me fournir ces informations. Il n’avait fait là que le devoir de tout esclave : anticiper les désirs de son maître et se faire discret quand il le fallait. De même, il m'était impossible de lui en vouloir d’avoir informé Aïna de la situation dans la mine ; étant la Comtesse, elle avait un droit de regard sur mes affaires… à moins que je ne l’interdise formellement (ce que je n’avais pas fait). Toutefois il y avait quelque chose qui m’intriguait dans cette affaire… Mon épouse ne disait rien et gardait résolument les yeux fixés sur son assiette en se mordillant les lèvres, comme si elle avait peur de quelque chose. Je me suis alors demandé si Laïus m’avait vraiment dit la vérité dans cette affaire, ou s’il n’avait pas plutôt tenté de voler au secours d’Aïna dont la réticence à répondre à ma question laissait penser qu’elle protégeait quelqu’un... Mais j’ai décidé d’ignorer ce détail. Peu importait comment elle avait su cela, après tout.

  • Tu aurais quand même dû m’en informer, ai-je lancé d’un ton sévère à l’intention de Laïus, qui accepta ma remontrance en baissant la tête avec soumission.
  • Et qu’auriez-vous fait si vous aviez été au courant ? rétorqua soudain Aïna en levant la tête pour m’envisager avec colère. Vous auriez envoyé les secours dont ces pauvres malheureux ont désespérément besoin ?
  • Pour quoi faire ? ai-je rétorqué.

Gonflée d’indignation et d’incrédulité, la fée resta momentanément sans voix devant ma réponse.

  • Aïna, intervint alors Élisabelle d’une voix douce. Tu dois comprendre que ce n’est pas ainsi que les choses fonctionnent au Royaume Submergé. Si les beaux cristaux que les mines de Forlwey produisent font aussi des bijoux exquis, la plupart nous servent surtout de catalyseurs d’énergie pour alimenter nos machines et nos vaisseaux. Sans ces cristaux, c’est tout le mode de vie du Royaume Submergé qui serait menacé. C’est pourquoi l’activité dans les mines de tom mari ne doit pas être arrêtée ou ralentie. Il est regrettable d’avoir perdu de la main d’œuvre, certes… mais il est plus facile de la remplacer que de perdre du temps et de l’énergie à secourir ces pauvres malheureux sous les décombres.

J’ai haussé un sourcil sceptique à l’intention de mon amie. Ces « pauvres malheureux » ? Élisabelle semblait vraiment mettre les bouchées doubles pour plaire à Aïna… Mais de là à s’apitoyer ainsi sur le sort de quelques esclaves, tout de même…

  • Ce n’est pas une question de profit ! s’emporta Aïna. Il s’agit de personnes vivantes…
  • D’esclaves, ai-je précisé, ce qui me valut un regard noir de mon épouse.
  • Ma fille, je comprends que tu sois bouleversée par cette catastrophe… Toutefois nécessité fait loi. Ton mari assume à lui tout seul la quasi-totalité de la production de cristaux du Royaume Submergé. Il se doit donc d’être pragmatique quand la situation l’exige. Tu sais que la nature aussi peut être cruelle…

Aïna semblait toujours autant indignée, mais les paroles apaisantes d’Élisabelle semblaient avoir calmé momentanément sa furie.

  • Si vous ne souhaitez pas intervenir… Alors moi au moins j’irais les aider ! déclara-t-elle finalement d’un ton impérieux.
  • Aïna ! s’exclama Élisabelle alors que je regardais mon épouse, bouche bée devant son impertinence. Ce n’est pas un endroit convenable pour une dame de ton rang ! Et tu risques de te blesser !
  • Je ne peux pas les laisser mourir sans rien faire ! Il faut que je fasse quelque chose !
  • Je vous l’interdis, ai-je rétorqué, ayant enfin retrouvé l’usage de ma parole. Je vous interdis de quitter le château, d’ailleurs. Laissez le contremaître gérer cette histoire.

Offusquée, Aïna me fusilla du regard et parut sur le point de me lancer une réplique bien sentie… mais elle abandonna finalement et se rassit.

  • Dans ce cas, promettez-moi d’envoyer des secours pour aider ces malheureux, me demanda-t-elle d’une voix un peu moins dure.
  • Je ne vois pas pourquoi je… ai-je commencé, à moitié indigné et surpris par son brusque changement de comportement.
  • Faites-le pour moi.

J’ai soutenu son regard qui m’observait avec une rare intensité, comme si elle me mettait au défi… ou qu’elle me proposait un marché : « je vous obéirai si vous promettez de les aider ». Je fus tenté un instant de refuser. Rien ne m’obligeait à accéder à sa requête. Toutefois si Aïna cessait enfin de se montrer aussi rebelle et commençait à se comporter avec un peu plus de dignité, je suppose que je pouvais faire un effort pour récompenser les siens. Et puis, peut-être cela l’inciterait-elle à revoir l’opinion qu’elle s’était faite de moi…

Un regard appuyé d’Élisabelle finit par me décider :

  • Très bien, ai-je capitulé. J'enverrai dès demain une partie de ma garde voir ce qu’ils peuvent faire pour aider les survivants. De cette façon, cela n’impactera pas la production de la mine… et je suppose que si nous récupérons quelques esclaves vivants, ce seront toujours des postes que nous n’aurons pas à remplacer. Cela vous convient-il ?

A ma grande surprise, le front de la fée se plissa sous la contrariété, comme si j’avais dit quelque chose d’insultant. Mais elle finit par hocher sèchement la tête. J’ai retenu un soupir soulagé. J’avais évité un nouvel affrontement semblable à celui de notre nuit de noce, et je commençais à croire qu’il était possible de gérer mon épouse sans avoir à en ressortir constamment à la violence ou la menace. Nous étions certes encore loin du mariage parfait… mais si au moins nous arrivions à communiquer et à négocier au lieu de nous écharper continuellement, peut-être cette cohabitation finirait par être vivable à la longue.

***

Je me suis réveillé de bonne humeur le lendemain, content d’être de retour dans mon palais sous-marin, et optimiste pour les jours à venir. La tension qui existait entre moi et mon épouse s’était quelque peu apaisée, et je ne doutais pas qu’avec l’aide d’Élisabelle, j’arriverai à changer son humeur concernant sa nouvelle vie à mes côtés.

On frappa soudain à ma porte tandis que j’étais en train d’admirer le jardin intérieur depuis la fenêtre de ma chambre.

  • Entre, Laïus, l’ai-je invité, ayant ressentis sa présence avant même qu’il n’ouvre la porte.
  • Bonjour, Monseigneur, me salua-t-il en s’inclinant. Une lettre est arrivée tout à l’heure. Elle provient du palais royal…

Faisant vivement volte face, je me suis précipité pour saisir l’enveloppe bleue sur le plateau d’argent que tenait l’intendant. Le sceau royal de Némésis me confirma sa provenance. Je l’ai déchiré immédiatement pour en sortir la lettre.

Mon fidèle Forlwey,

J’espère que tu commences à t’habituer à ta nouvelle vie d’homme marié. On m’a appris que ton épouse avait été victime d’un malaise au zoo il y a deux jours, puis que tu avais quitté Adamas hier matin avec empressement. Des rumeurs me sont également parvenues, insinuant que son état serait si préoccupant que tu essayerais de le cacher à tous en te retirant à Abyssombre…

Je sais que tu comprends parfaitement à quel point la santé de la fée est primordiale pour mes projets d’invasion de la Surface… alors je suis certaine qu’il n’y a bien sûr aucune crédibilité à accorder à ces rumeurs. Néanmoins mon cher Forlwey, je gage que tu pourras par ta réponse achever de dissiper les inquiétudes que ces messes basses ont soulevées.

J’ai serré les dents avec colère. Ces rumeurs ne pouvaient venir que de Rodrygal, qui avait dû apprendre le malaise d’Aïna au zoo et relayer directement l’information à la reine, en se chargeant bien sûr d’alourdir encore plus les faits pour sous-entendre que je cachais délibérément l’état de santé de mon épouse à Némésis. Et à cet égard mon départ rapide, bien que totalement innocent, rendait encore plus crédible cette hypothèse…

Peut-être avais-je eu tort de quitter aussi rapidement la capitale, laissant Rodrygal libre d’intriguer auprès de la reine contre moi… Néanmoins cette lettre me prouvait que Némésis m’accordait encore toute sa confiance, en m’offrant l’occasion d’éteindre ses doutes avant qu’elle ne vienne les vérifier ici en personne par une visite impromptue. J’allais vite la détromper… lui assurer qu’Aïna allait parfaitement bien mais peinait encore à s’habituer à Adamas, et que c’était sur les conseils d’Élisabelle qui nous accompagnait que je m’étais résolu à partir à la campagne afin de permettre à mon épouse de s’adapter plus graduellement à sa nouvelle vie.

Par ailleurs, mon fils Kérès m’a annoncé préparer une campagne pour débusquer les rats atlantes qui ne cessent d’attaquer nos positions dans l’Atlantique Nord. Il s’attend à un succès rapide, et j’ai décidé d’organiser un bal pour fêter sa victoire dans trois mois au palais. Je sais que tu n’aimes pas les fêtes, mais je souhaite vivement ta présence et celle de ton épouse à mes côtés pour cette célébration. Ce sera l’occasion de montrer à tout le monde la réussite de ton mariage… dont dépend notre futur à la Surface. Les invitations te parviendront quand la date sera fixée.

Porte-toi bien, mon cher Forlwey… et veille sur ton épouse.

Némésis,

J’ai redressé la tête, découragé. Trois mois… c’était le temps qu’il me restait pour faire de mon mariage une « réussite » qui puisse satisfaire les désirs de la reine et prouver à toute la noblesse vampire qu’elle ne s’était pas trompée en me confiant Aïna. Impossible de manquer le bal, car une invitation royale ne se refusait pas (à moins qu’on ne veuille délibérément mettre fin à ses jours). L’échec n’était pas non plus envisageable ; si mon épouse causait un nouveau scandale ou que notre mariage n’apparaissait pas aussi radieux qu’il devait être, Sa Majesté en serait offensée. Aïna échapperait peut-être à sa colère car elle était vitale aux plans de Némésis, mais moi… Rodrygal et mes autres rivaux se feraient une joie d’assister à ma déchéance.

Toutefois, il était inutile de penser à cela pour le moment. J’avais encore du temps… et avec l’aide d’Élisabelle, amadouer mon épouse devrait être possible. Pour l’instant, le plus important était de répondre à la reine.

  • Sors moi une plume et une feuille, ai-je ordonné à mon intendant, qui s’inclina et se dirigea vivement vers le secrétaire pour me sortir le nécessaire.
  • Souhaitez-vous me dicter votre réponse, Monseigneur ? me demanda Laïus après s’être exécuté.
  • Non, ai-je refusé en m’installant d’un geste impatient.

D’ordinaire, je faisais dicter mes réponses par l’intermédiaire de Laïus ou d’un autre esclave qualifié. Mais la lettre que j’avais reçue avait été écrite de la main de Némésis elle-même ; cela et la signature légère, presque intime avec laquelle elle avait terminé son message, étaient la preuve de l’immense considération qu’elle me témoignait. Je ne pouvais pas faire autrement que de lui répondre de ma propre main.

Cherchant mes mots pendant quelques secondes, je me suis enfin mis à écrire en soupesant chaque phrase dans mon esprit pour en vérifier l’effet. Une fois ma réponse terminée, je l’ai plié dans l’enveloppe que me tendait Laïus, puis j’ai apposé mon sceau magique dessus afin de sceller le courrier.

  • Envoie ça immédiatement au palais, ordonnai-je en déposant la lettre sur le plateau de Laïus, avant d’ajouter après réflexion. Oh, et rassemble une vingtaine de gardes pour qu’ils aillent à la mine voir ce qu’ils peuvent faire… pour sauver les esclaves enterrés.

Je venais de me rappeler la promesse que j’avais faite à Aïna ; porter secours aux esclaves de la mine. Bien sûr, je n’avais pas l’intention de gaspiller du temps ou des ressources dans une entreprise aussi futile… Mais envoyer une simple équipe de secours ne me coûtait pas grand-chose. De plus, cela me donnait l’occasion de me montrer généreux envers mon épouse… ce que cette dernière ne manquerait sûrement pas d’apprécier.

  • Bien Monseigneur, répondit l’intendant.
  • Où se trouve la Comtesse ? me suis-je enquis d’une voix que je voulais parfaitement indifférente. Je veux qu’elle assiste à leur départ pour qu’elle voit que je suis un homme de parole.
  • Je ne l’ai pas encore vu, Monseigneur. Elle est sans doute encore en train de dormir.
  • Je vois… ai-je murmuré en glissant sans y réfléchir mon regard vers la marque à mon doigt symbolisant notre union.

C’est alors que j’ai remarqué que la marque brillait faiblement, comme si elle était mourante. Un frisson m’a parcouru l’échine, tandis que je me suis redressé d’un bond.

  • Quelque chose ne va pas, Monseigneur ? s’alarma Laïus.

Je ne lui ai pas répondu tout de suite, fermant les yeux pour sonder les alentours avec mon sixième sens. Je ressentais bien la présence d’Élisabelle, et celles de tous les domestiques qui grouillaient d’activités dans les coulisses du château… mais aucune trace de mon épouse.

C’était comme si elle avait disparu.

Je me suis forcé à garder mon calme, même si un sombre pressentiment commençait à m’assaillir… La marque autour de mon doigt indiquait par l’intensité de sa lumière à quelle distance je me trouvais d’Aïna ; il me suffisait alors de penser à mon épouse en serrant le poing pour savoir ensuite dans quelle direction je devais me diriger pour la retrouver. Je me suis exécuté, et presqu’aussitôt, j’ai sentis le sortilège me liant à l’alliance de ma femme m’attirer vers l’avant.

Plantant là un Laïus médusé, je me suis immédiatement transformé en nuée de chauve-souris pour foncer à travers les couloirs de mon château, effrayant au passage un groupe de servantes transportant du linge propre. Je suis ainsi arrivé dans le hall d’entrée où j’ai repris forme humaine. Les grandes portes de ma demeure se sont ouvertes immédiatement, et j’ai marché d’un pas vif sur la plateforme de verre menant à mon vaisseau. Suivant le signal d’Aïna, j’ai marché jusqu’au bord de la plateforme.

A une centaine de mètres en-dessous de moi, la bulle d’air qui entourait mon château et le protégeait de l’océan s’arrêtait juste au-dessus de l’immense faille sous-marine d’Abyssombre, véritable puit de ténèbres insondables… d’où provenait le signal que me renvoyait l’alliance d’Aïna. Je savais où il m’emmenait : les mines sous-marines de cristal, situées à plusieurs centaines de mètres en-dessous du château. Cela ne pouvait dire qu’une seule chose :

Aïna m’avait désobéi et était descendue seule aux mines.

La fureur m'envahit. J’avais essayé d’être gentil, prévenant… et c’était ainsi que mes efforts étaient récompensés ? Elle allait me le payer…

Sans réfléchir, j’ai sauté de la plateforme, pour traverser tête la première la membrane d’air entourant mon château et plonger dans l’eau noire de la faille. La température était glaciale, et la pression immense… Cependant je nageais dans la faille d’Abyssombre depuis mon adolescence, et je la connaissais comme la poche. Mon corps de nosferatu était parfaitement capable de résister à la pression ou la température de l’océan, et ma vision nocturne me permettait de percer sans difficulté les ténèbres de la faille. Quant aux prédateurs qui y habitaient… aucun d'entre eux n'aurait pris le risque de s’attaquer à moi.

D’un puissant battement de jambes, j’ai plongé au cœur de la faille, faisant jaillir dans mes mains deux ronces solides avec lesquelles j’agrippais les parois sous-marines pour me propulser encore plus vite et plus loin dans les profondeurs d’Abyssombre. Même ainsi le trajet dura plusieurs minutes… temps que je mis à profit pour imaginer toutes les punitions que je pourrais infliger à mon épouse. Pour commencer, je sortirai chacun des esclaves qu’elle avait voulu sauver… et je les décapiterai un par un sous les yeux d’Aïna. Ensuite, je ferais fouetter jusqu’au sang sa femme de chambre, Judile… Nous verrons ensuite si elle aurait encore envie de me désobéir.

J’ai fini par apercevoir le fond de la faille qui se rapprochait à toute vitesse, et la membrane d’air qui le parcourait telle une longue cicatrice sinueuse, laissant passer la lumière émanant de mes mines sous-marines. J’ai nagé dans cette direction, sentant plus fort que jamais le signal que me renvoyait l’alliance d’Aïna.

A suivre...

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