Les démons qui nous hantent

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Si les Iniscans devaient garder une seule fête dans l’année, ils choisiraient sans doute le solstice d’été, et ses festivités. Durant ce jour où les soleils brillaient toujours haut dans le ciel, et baignaient pendant de longues heures l’empire de sa douce chaleur, mages et amagus se retrouvent tous ensemble pour fêter l’un de leurs fondateurs : Aulus Trivaly. Le flamboyant mage se trouvait au cœur de célébrations qui duraient deux jours, et se terminaient avec l’incroyable bal du solstice d’été, réservé au mage.

Et tout ceci était nouveau pour Anasteria. Bien sûr, elle avait lu des centaines de fois le récit épique de la fondation d’Ignis. Le combat mené par Aulus et Lori Trivaly face à la tyrannie de l’Inquisition avait toujours été l’une de ses histoires favorites le soir. Mais à Islac, le solstice d’été ne se fêtait avec rien de plus qu’un grand repas avec tout le village rien de comparable à la capitale, ou bien à l’académie. Et surtout, aujourd’hui, elle passait en deuxième année, fini les cours ennuyeux, place à plus de pratique pour devenir chevalière-mage !

Elle bouillonnait d’excitation depuis que les premiers rayons du soleil avaient traversé les rideaux de sa chambre. Elle avait enfilé en vitesse les vêtements en lin blanc que lui avait envoyé sa mère : une chemise, et un simple pantalon. Et elle avait même pris le temps d’attacher ses cheveux écarlates en une tresse qui tombait sur son épaule. Elle n’en pouvait plus d’attendre Yvona.

— Dépêche-toi ! gémit-elle en s’allongeant sur son lit.

— Tu es insupportable aujourd’hui, soupira Yvona.

— Je suis excitée. C’est la première fois que je le fête avec des mages !

— J’ai presque fini.

Anasteria se redressa et vit Yvona assise sur sa chaise, devant leur miroir commun. Elle tenait entre ses mains son cache-œil, et Anasteria imagina sans peine le dilemme intérieur qu’elle avait.

— Tu ne devrais pas le mettre, conseilla Anasteria. Je t’assure, ce n’est pas si terrible.

— Tu dis seulement ça pour me faire plaisir, répondit Yvona en tordant le bout de tissus dans ses doigts.

Anasteria se leva complètement du lit et vint derrière Yvona. Elle posa une main qui se voulait réconfortante sur son épaule, et l’autre dégagea la mèche blonde qui cachait son œil droit meurtri d’Yvona. La peau autour avait parfaitement guéri. Seules quelques cicatrices pouvaient se voir avec une lumière qui venait d’un certain angle. Son iris habituellement bleu clair était devenu désormais nacré presque transparent. Mais sa pupille noire suivait toujours le mouvement de l’autre œil. Et honnêtement, Anasteria pensait que cela ne changeait en rien la beauté de son amie, et elle aimerait qu’elle s’en rende compte.

— Regarde, murmura-t-elle. Ce n’est pas affreux du tout.

— Tu trouves ?

— Ça se voit moins que ton cache-œil.

Yvona s’observa un instant dans le miroir, mais finalement sa main se posa sur celle d’Anasteria qui restait sur son épaule. Elle lui adressa un sourire timide à travers son reflet, puis elle se leva d’un coup, laissant tomber le cache-œil.

— Dépêchons-nous, Johan va encore se plaindre, lâcha-t-elle en ouvrant la porte.

Elle ne vit pas le grand sourire satisfait d’Anasteria lorsque celle-ci lui emboita le pas en vitesse, impatiente de la prochaine journée.

***

La cour intérieure de l’académie vibrait au rythme du brouhaha de ses élèves. Tous de blancs vêtus, les deuxièmes années en devenir attendaient avec impatience leur affectation. Anasteria se faufila avec Yvona au milieu de ses camarades et finit par trouver Johan. Son ami discutait avec les jumeaux De Vila. Davos effectuait de grands gestes, et ponctuait certaines de ses phrases par une frappe sur l’épaule de Johan qui manquait de le faire tomber. Lorsqu’Anasteria s’approcha avec Yvona, les deux garçons se turent, et Laurène adressa un sourire timide. Si Laurène ne brillait pas par ses bavardages, mais plus par sa retenue, elle semblait s’accommoder de la compagnie de ce groupe formé après l’attaque du cauchemar. Anasteria devait admettre qu’elle ne pensait pas un jour réussir à s’intégrer dans l’académie, même si pour l’heure, Laurène restait plus difficile à atteindre qu’Yvona.

— Vous êtes en retard, leur reprocha Johan.

— Rien n’a commencé, répondit Yvona. Les listes ne sont pas encore annoncées.

— C’est par principe ! On ne fait pas attendre ses amis.

— Johan stresse, expliqua Davos dans un fort rire. Il pense qu’ils vont lui refuser de faire partie des chevaliers-mages.

— Mes notes en sorts s’avèrent catastrophiques, gémit-il. Je veux dire, pire que vous.

Johan ponctua sa phrase par un soupir qui fit dégonfler ses épaules. Cela faisait maintenant plusieurs jours qu’il ruminait son incertitude et son manque de confiance en lui. Anasteria roula des yeux devant le énième discours défaitiste qu’il tenait.

— J’aurais dû choisir la guilde marchande, maugréa-t-il. Ou bien la recherche.

— C’est trop tard, lâcha Yvona d’un ton factuel.

— Si ça se trouve, ils vont nous donner des malus pour l’histoire du cauchemar !

— Je ne crois pas, répondit Anasteria. Et puis, toi et moi, on a assez nettoyé les toilettes de l’académie en guise de punition. Ça serait injuste !

— C’est surtout trop tard pour se morfondre, répéta Yvona. Nos examens ont déjà scellé nos sorts.

— Facile à dire, tu seras la première, souffla Johan.

— Johan arrête d’être défaitiste, s’exclama Davos en passant ses bras sur les épaules de Johan, et d’Anasteria. On va tous finir chez les chevaliers-mages ! Et on va s’amuser ! J’ai tellement hâte.

Anasteria se dégagea de l’emprise lourde de Davos qui manqua de chuter. Cela arracha un rire à tout le groupe, excepté Yvona qui plissait les yeux sur Davos.

— Vous avez tous les deux décidé de devenir chevaliers-mages ? Je croyais que tu détestais les sorts et les combats, Laurène.

Maintenant qu’Yvona le mentionnait, elle se souvenait avoir eu une conversation avec Laurène à ce sujet. Elle ne pensait pas qu’Yvona écoutait vraiment Laurène. Cette dernière haussa une épaule et répondit :

— On n’a pas vraiment le choix. Notre père ne veut pas qu’on prenne une autre voie. J’imagine que c’est pareil pour toi.

— En théorie, oui, rétorqua Yvona. Mais je préfère devenir chevalière-mage plutôt que marchande, ou chercheuse. Cela me sied mieux.

— Je ne pense pas qu’ils accepteront, lâcha Laurène dans un soupir. Je n’ai pas obtenu assez de bonnes notes.

— Peut-être que notre père a graissé quelques pattes, reprit Davos sur un ton étonnamment sérieux. Il ne faudrait pas que notre réputation en pâtisse, comme il aime le dire.

Anasteria commençait à avoir l’habitude des familles de nobles, entre les dires des jumeaux De Vila, et Yvona. Ces familles semblaient mettre une pression incroyable sur leurs héritiers, et Anasteria remercia les astres de venir d’un foyer plus simple. Peu importe le chemin qu’elle emprunte, elle savait que sa mère la soutiendrait. Une clameur s’éleva parmi les élèves, et le premier enchanteur apparu, lui aussi vêtu de blanc, dans la cour. Derrière lui, les professeurs restaient en ligne, arborant tous différents sourires amusés. L’ambiance tournait clairement à la fête et Anasteria bouillonnait presque d’impatience. Eyron prit place sur l’estrade en bois spécialement monté pour l’occasion. Et sa voix s’éleva au-dessus de celle des élèves, amplifiait par la magie.

— Bonjour à tous, et joyeuse fête du solstice. Puisse Aulus vous guider pour l’année à venir ! Comme vous le savez déjà, cette fête à plusieurs buts. Accueillir les premiers apprentis dans leur spécialisation, et congratuler ceux qui désormais intégreront le Collège et quitteront l’académie.

L’excitation semblait palpable chez les étudiants, et la jambe d’Anasteria sautillait toute seule, ce qui n’échappa pas à Yvona.

— Calme-toi.

— J’ai trop hâte ! Je ne peux pas lutter.

— D’abord, félicitons ceux qui deviennent mages.

Eyron commença une liste de noms qui semblait interminable pour Anasteria. Chaque élève venait sur l’estrade, acclamée par les autres, et se voyait remettre une tunique aux couleurs de son futur emploi. Anasteria observait des yeux brillants, et s’imagina plus tard sur cette estrade à son tour et prendre l’uniforme bleu des chevaliers-mages. Cependant, quelque chose attisa doucement sa curiosité. Un étudiant regardait vers eux, ou plutôt vers Yvona. Et à en juger par la chevelure blonde et les yeux azurés, cela devait être son frère, Adreïs. Anasteria donna un coup de coude à Yvona pour attirer son attention. Lorsqu’elle l’obtient, elle pointa du doigt l’étudiant.

— Ce n’est pas ton frère ?

Yvona l’observa un moment, avant de finalement lui adresser un bref signe de la main. La froideur de son salut surprit Anasteria, mais elle décida de ne rien dire.

— Oui, c’est lui.

Yvona se concentra aussitôt sur Eyron, oubliant bien vite la présence de son frère. Il la regarda un instant avant de retourner vers ses amis. Au bout de quelques minutes, tous les dernières années avaient été appelés. Alors qu’elle le fixait toujours les deux Eis, Anasteria sentit un curieux frisson lui parcourir l’échine malgré la chaleur estivale. Aucun vent ne soufflait pourtant à l’intérieur de la cour. Puis elle perçut quelque chose, directement dans son cerveau, un son esquiva le brouhaha des élèves : un murmure rauque, éloigné qu’elle ne parvenait pas à comprendre. Et elle sentit le même sentiment qu’elle avait eu face au cauchemar. Mais avant de pouvoir réfléchir davantage, le discours du premier enchanteur capta son attention.

— Maintenant, j’aimerais féliciter les premières années qui vont entrer dans leur spécialisation. Je sais que le chemin que vous commencez à emprunter s’annonce bien difficile, et parsemé d’embuche, mais nous tiendrons à vos côtés pour vous préparer le mieux possible. Gardez à l’esprit qu’aucune voie n’est moins noble qu’une autre. Un marchand servira autant les intérêts du Collège et d’Ignis qu’un chevalier-mage. Vous aurez tous un rôle à jouer dans notre grand empire. Et je ne peux déjà que vous féliciter, et vous souhaitez une bonne fortune sous le regard bienveillant de nos fondateurs, Aulus et Lori. Et commençons ce que vous attendez tous. Vos professeurs référents vont vous appeler en fonction de votre classement. Professeure Iselia, je vous laisse appelez vos futurs chevaliers-mages.

Iselia adressa un sourire au premier enchanteur, puis elle s’avança de quelques pas. Elle regarda le parchemin qu’elle tenait dans ses mains. Le brouhaha avait cessé, et tous les deuxièmes années fixaient avec attention la mage.

— Première élève à rejoindre la classe des chevaliers-mages : Yvona Voxana Eis.

Ce n’était une surprise pour personne. Yvona avait surclassé tout le monde au cours de l’année et sa place reflétait logiquement ses talents et son travail. Malgré tout, Anasteria ne pouvait cacher sa joie pour sa réussite. Elle ne put s’empêcher de prendre Yvona dans ses bras, et lâcha un rire amusé lorsque cette dernière resta pantoise, complètement incapable de réagir face à la situation.

— Félicitations !

— Euh, merci, répondit timidement Yvona.

Iselia continua avec un autre nom, et encore un, et finalement.

— Quatrième : Anasteria Horne.

Anasteria exulta de joie. C’était tellement mieux que ce qu’elle espérait. En toute honnêteté, elle se voyait plutôt en sixième ou septième place. Elle n’avait jamais excellé dans les cours théoriques, mais visiblement elle était parvenue à s’améliorer.

— Cinquième : Johan.

Johan ne cria pas de joie. Au contraire, il resta les bras ballants, assommé par la réalité. Avait-il vraiment réussi à finir cinquième juste derrière Anasteria ? Et pas si loin du prodige Eis ? Il devait rêver, c’était la seule explication. Mais lorsqu’Anasteria le tira dans un câlin groupé avec Yvona, il dut se rendre à l’évidence. Lui, le méridien sans famille et sans nom avait réussi à finir dans les cinq premiers pour devenir chevalier-mage malgré la concurrence ! Il jeta un coup d’œil à Anasteria et Yvona, et il savait, au fond de lui que s’il s’était amélioré c’était en grande partie grâce à elles. Quelques noms vinrent compléter la liste courte des douze étudiants choisis pour devenir chevaliers-mages, et le dernier élève appelé fut Davos.

Laurène poussa un lourd soupire de soulagement à l’idée de ne pas finir dans leur classe, ce que Johan pouvait aisément comprendre. En revanche, son frère ne semblait pas enchanté. Il fixait, avec la mâchoire tendue, Iselia tandis qu’elle s’éclipsait après avoir donné un bref mot de félicitations à ses futurs élèves. Johan s’approcha de lui et lui tapa dans le dos :

— Félicitation Davos ! Bienvenu parmi nous ! J’imagine Laurène que tu dois être contente.

— Oui, répondit-elle timidement. Je suis curieuse de voir où ils vont me mettre. Mais au moins, je n’aurais pas à combattre !

— Tes parents ne vont pas être en colère ? se demanda Yvona.

— Sans doute, mais on verra bien.

Davos ne se détendait toujours pas, et cela commença à inquiéter Johan.

— Hey Davos, tout va bien ?

— Comment ça se fait que tu termines si haut ? Et devant moi ?

— Je ne sais pas…

— Je suis sûr que c’est grâce à Eis tout ça !

— Hey, intervint Anasteria. Tu sais que ce n’est pas vrai. Johan est doué pour les préparations de potions et d’oguents !

— Arrête un peu Horne. Toi aussi tu finis si haut, car elle a daigné t’aider.

Anasteria fronça les sourcils, et n’appréciait pas du tout le ton plein de reproches de Davos. Elle effectua un pas vers lui, mais Yvona intervint.

— Je n’ai rien fait, rétorqua-t-elle. Peut-être tu devrais admettre qu’Anasteria et Johan sont simplement plus doués que toi. Anasteria te bat sans difficulté au combat, et Johan a toujours été premier en potion et préparation.

— Ils révisent avec toi.

— Je leur explique certaines théories, c’est tout.

Yvona avança devant Davos, et le regarda avec défi. Elle croisa les bras, et un sourire taquin se dessina au coin de ses lèvres.

— Peut-être qu’ils se trouvent si haut vu ce qu’ils ont accompli face au cauchemar. Johan t’a sauvé, et Anasteria l’a combattu.

Davos fulminait. Son visage devenait rouge, et ses narines se dilataient, mais avant qu’il ne puisse rétorquer, la voix du professeur Edricks intervint.

— Sixième : Laurène De Vila.

C’était la première fois qu’Anasteria voyait Laurène aussi rayonnante. Elle sauta pratiquement dans les bras de Davos, heureuse de finir dans la guilde des marchands. Visiblement, la réaction de sa famille ne l’inquiétait pas encore, et sa joie contaminait son frère jumeau qui répondit à son étreinte et sourit enfin. Le groupe d’étudiants se détendit finalement. Il regarda de nouveau Anasteria, et la défia.

— Je suis sûr que je gagne au golem ardent.

— Dans tes rêves, rétorqua Anasteria. Je vais encore gagner et te prendre tout !

Jamais Anasteria ne refusait un combat ou un défi. Et elle allait le prouver au cours de la journée de fête à l’ensemble de ses amis, que personne ne l’a bat au golem ardent. Personne, excepté Yvona.

***

Ils s’arrêtèrent tous près d’une clairière verdoyante au cœur des bois ardents. Anasteria bondissait presque d’impatience à l’idée de savoir quel incroyable exercice les attendait. C’était le premier cours en dehors des murs de l’académie ! Iselia croisa ses bras, et prit un instant pour regarder ses élèves.

— Bon, les choses sérieuses débutent. Désormais, vous allez vous entrainer au combat, et tout commence ici.

Elle pointa du doigt le sol.

— Nous nous trouvons dans les bois ardents, loin de l’académie, et loin des chemins, ce qui veut dire, loin de toute protection magique. Et cet endroit est probablement le deuxième lieu de tout l’empire le plus imprégné de magie, le premier étant la capitale, Astela. Dans ces magnifiques bois, vous trouverez des ombres, des esprits, des créatures surnaturelles en tout genre, majestueuses, ou parfois corrompues. Cela fait de ces bois un parfait terrain d’apprentissage pour vous.

— J’ai vraiment hâte, murmura Anasteria.

— Anasteria, intervint Iselia. Rappelez-moi les missions d’un chevalier-mage.

Quelque chose avait récemment changé dans le comportement d’Iselia, songea Anasteria. Elle ne pouvait pas mettre le doigt dessus, mais depuis l’incident avec le cauchemar, et leur affectation, Iselia semblait moins sévère plus douce. Sa voix restait forte, mais la façon qu’elle avait de l’appeler par son prénom, et non plus par son nom de famille montrait un changement d’attitude de la part du professeur.

— Bien sûr ! répondit Anasteria. Les chevaliers-mages doivent protéger Ignis, de la magie, des créatures, de l’Inquisition, de nos ennemis. Parfois, ils doivent se rendre en dehors de nos frontières, à Méridie, Lakrige, ou de l’autre côté de l’océan occidental, pour protéger les différents mages, et les chercheurs en explorations.

— C’est assez bien résumé, reprit Iselia avec un petit sourire. Quand vous deviendrez chevalier-mage, si vous passez votre confirmation, vous irez dans ce genre de bois pour vos premières missions ou dans les villages perdus de notre empire pour combattre les créatures magiques qui harcèlent les amagus. Autant commencer maintenant.

— Professeure ! intervint Johan en levant la main.

— Oui ?

— Pourquoi n’êtes-vous plus chevalière-mage ? Professeur Vari a dit que vous étiez très douée.

La réputation d’Iselia faisait souvent l’objet d’histoire et de bruit de couloir entre les élèves. Tout le monde savait les exploits passés de leur professeure, elle faisait partie des chevaliers-mages les plus habiles de sa génération. Et pourtant, elle avait choisi il y a quelques années de revenir à l’académie. L’hésitation se lit facilement sur le visage d’Iselia, mais elle finit par répondre après un bref soupir.

— Être chevalier-mage ne ressemble en rien à une promenade de santé. C’est un métier dur, violent. Et j’ai vu assez de mort et de souffrance pour une seule vie. Je me sens plus utile ici. J’ignore pour quelle raison vous souhaitez le devenir, mais assurez-vous de vous tenir prêt à affronter les pires choses de ce monde. Maintenant, commençons le cours.

Le court message d’Iselia avait refroidi les ardeurs de la plupart des élèves, y compris Anasteria. Mais elle ne pouvait pas s’empêcher de se demander ce qui s’était vraiment passé dans la vie d’Iselia pour créer un tel changement chez elle. En suivant les instructions de leur professeure, les étudiants s’enfoncèrent un peu plus profondément dans la forêt à tel point que les rayons des soleils peinaient à traverser les épais feuillages des arbres. Les branches qui craquent, les feuilles qui crissent, tous ces bruits devenaient de plus en plus présents au fur et à mesure qu’ils avançaient. Et Anasteria pouvait noter que Davos semblait nerveux. Ce n’était pas vraiment ordinaire. L’adolescent avait plutôt l’habitude de fanfaronner, mais depuis qu’il se trouvait séparé de sa sœur, son courage lui faisait défaut.

— La plupart des animaux qui peuplent notre monde pourraient être répartis en deux types, commença Iselia. Les ombrageux, et les éthérés. Tous les deux s’avèrent dangereux et leur seule différence vient de leurs pouvoirs. Les ombrageux les tirent des ombres, les éthérés des esprits. Vos premières missions porteront sur la protection des villages contre eux. Et un conseil : ne les sous-estimer jamais. Maintenant, on va commencer. Vous allez vous répartir dans les bois, n’allez pas trop loin. Je veux simplement que vous essayiez de trouver des traces animales, que vous les analysiez. Après, on les traquera.

Une main peu assurée se leva parmi les élèves, celle de Davos.

— Oui, Davos ?

— N’est-ce pas un peu dangereux ? Qu’est ce qu’on fait si on tombe contre l’un d’eux ?

— Vous n’êtes plus un bébé, répondit sèchement Iselia. Si vous vouliez éviter les combats, vous auriez dû choisir les marchands, pas les chevaliers.

Davos grommela et le bout de sa botte vint soulever une motte de terre fraîche, visiblement mécontent de la remarque. Anasteria eut de la peine pour lui, c’est pourquoi elle s’approcha de Davos, et lui donna un coup de coude amical. D’un geste de la tête, elle l’invita à la rejoindre pour les recherches, avec Johan et Yvona, bien sûr. Son visage s’illumina soudainement et tira Johan par le bras, comme il avait l’habitude de procéder.

— Au travail ! lança-t-il d’une voix forte.

Yvona qui était restée en retrait avec Anasteria poussa un soupir et secoua doucement sa tête.

— Davos me fatigue.

— C’est un peu dur pour lui en ce moment, répondit Anasteria. Johan m’a expliqué qu’il déprime un peu depuis les résultats. Mais j’apprécie quand même sa compagnie.

— Je n’ai pas dit le contraire, répondit Yvona. Mais on ne trouvera rien s’il fait fuir tous les animaux à cent mètres à la ronde.

Anasteria regarda les feuilles ocre et dorées qui parsemaient le sol boueux. La pointe de son pied en souleva quelques une, emportant avec elles quelques particules magiques. C’était la première fois qu’elle voyait aussi clairement les énergies et cela la fasciner. Alors qu’elle contemplait les alentours calmement avec Yvona, un frisson la parcourut de nouveau, comme durant la fête. Ce sentiment qu’elle n’avait plus ressenti depuis des mois la submergea et elle se figea. Ce picotement familier dans ses entrailles ne lui était plus venu depuis l’incident avec le cauchemar.

— Uh, c’est dégoûtant.

La voix d’Yvona tira Anasteria de sa rêverie, et elle laissa échapper un rire en voyant son amie frotter sa semelle contre un arbre pour enlever de la boue collante. Yvona haïssait la saleté, et sa maniaquerie semblait mise à rude épreuve ici.

— Arrête de te moquer, l’avertit Yvona. Ou je m’essuie sur toi.

— Je n’oserai jamais me moquer de toi, rétorqua Anasteria.

Yvona plissa les yeux, mais sa tentative de regard noir échoua pour une fois. Elle fronça les sourcils et demanda :

— Est-ce que ça va ?

— Oui, oui, répondit Anasteria.

Son attention se concentra vers le reste du groupe. Davos et Johan se dévouaient tout particulièrement à la recherche des traces et fouillaient chaque coin.

— Tu sembles bien trop calme, avoua Yvona. J’aurais cru que tu te comporterais comme Davos.

Anasteria croisa ses bras et prit appui sur un des arbres près d’elles. Elle continuait de fixer ses amis, et remarqua que le sentiment dans ses tripes amplifiait. Son sourire s’effaça et elle soupira.

— J’ai un mauvais pressentiment. Je sens quelque chose. Comme pour le cauchemar.

Elle se risqua un regard en coin vers Yvona pour juger de sa réaction. À sa surprise, elle ne vit aucune moquerie. Son visage demeurait incroyablement sérieux. Yvona s’approcha d’elle de quelques pas.

— Ces bois regorgent d’ombres et d’esprits. La magie les attire, expliqua Yvona. Mais normalement, on est encore trop près de l’académie pour qu’ils se risquent à nous attaquer.

— Je sais, répondit Anasteria dans un haussement d’épaules. Je te dis juste que je ressens. Peut-être que je réfléchis trop.

— Ça, j’en doute, taquina Yvona.

— Tu es méchante, bouda Anasteria. Ce n’est pas drôle.

— Pardon. Ce que je voulais dire, c’est que peut-être, tu sens une bête corrompue. Pas une ombre.

Un silence s’installa entre elles, rythmé par les voix de Johan et de Davos. Ce dernier ne put s’empêcher de pousser son colocataire tandis qu’il regardait agenouillé des traces présentes sur le sol. Johan, surpris, tomba à la renverse et ses fesses vinrent s’enfoncer dans la boue. Davos devint aussitôt hilare, alors que Johan fulminait contre lui.

— Pourquoi n’as tu pas parlé de tout ça à Iselia ? demanda Yvona.

— Pourquoi le ferais-je ?

— Ana, c’est une chose d’avoir une affinité avec la magie. C’en est une autre de pouvoir sentir clairement les ombres, d’avoir des yeux changeants, et d’entendre des voix.

— Tout allait très bien jusqu’à aujourd’hui. Et je n’entends pas de voix, là. C’est juste un sentiment.

— Un sentiment pas très naturel, argua Yvona. C’est ton choix, mais je pense que tu devrais demander de l’aide.

Anasteria soupira longuement et leva les yeux au ciel. Ce n’était pas la première qu’elles avaient cette conversation. Bien sûr, Anasteria savait qu’Yvona avait parfaitement raison. Quelque chose clochait chez elle. Et elle devait solliciter une solution, ou une réponse à quelqu’un. Mais cette idée la terrifiait. C’était tellement plus simple de se plonger dans les études, dans les sorties avec ses amis, plutôt qu’affronter une réalité effrayante. Se voiler la face et fuir semblait presque naturel pour elle en ce moment. La main d’Yvona se posa doucement sur son avant-bras.

— Ana…

Avant qu’elle ne puisse continuer, un léger boum retentit. Au moment où Anasteria et Yvona se tournèrent vers Johan et Davos, ils gisaient au sol et les bois plongèrent dans un lourd silence. Anasteria s’avança d’un pas vers eux pour s’enquérir de leur état lorsqu’elle sentit la main d’Yvona glisser. Elle se retourna et eut juste le temps de la rattraper dans ses bras avant qu’elle ne chute au sol. Elle respirait toujours, calmement, comme si elle s’était soudainement endormie.

— Yvi ? murmura-t-elle.

Les quelques rayons des soleils qui existaient encore sous les feuillages disparurent. Lorsqu’Anasteria reporta son regard autour d’elle, les ténèbres régnaient en maître dans les bois. Sa vision s’adapta peu à peu et son cœur se compressa sous le poids de sa propre angoisse. En l’espacement d’un battement de cil, elle vit les ombres responsables de ceci. Filandreuses et perchées, ces ténèbres sans visage s’approchèrent d’elle. Instinctivement, elle serra Yvona dans ses bras comme pour la protéger de ce qui se passait, mais ses muscles se raidirent. Ses bras devinrent des blocs de pierre, ses yeux luttaient à chaque instant pour rester ouverts, et sa bouche se scella. L’une des ombres approcha son visage d’elle. Les énergies funestes chatouillaient la peau blanche d’Anasteria. Ce visage d’un noir infini devant elle happait son regard et la voix qui s’en échappait résonnait directement dans son crâne.

Laisse-toi aller au sommeil. Profite de ce que tu désires. Tu obtiendras tout ce que tu veux, une fois que tu goûteras au repos.

Anasteria tentait de résister. Chaque fibre de son être désirait bouger, chaque cellule de son cerveau luttait contre l’endormissement, mais cela était vain. Ses yeux se closirent finalement, et son esprit tomba dans une profonde torpeur.

***

Lorsqu’Yvona se réveilla ce matin-là, elle avait l’impression de n’avoir dormi que quelques minutes. Le sang tambourinait dans son crâne, et la lumière brûlait ses yeux. Heureusement pour elle, le manoir Eis baignait dans le calme et la quiétude, comme toujours. Elle se leva de son lit spacieux, et se dirigea machinalement vers sa coiffeuse. Après avoir peigné ses cheveux blonds en bataille comme elle pouvait, elle contempla un instant ses deux yeux bleus dans son reflet. Elle alla finalement vers le rez-de-chaussée, où, comme d’habitude, Hector, le majordome de la famille, la salua. Elle attrapa de quoi grignoter dans la cuisine, et se dirigea vers le salon. Un sourire sincère se dessina sur son visage lorsqu’elle aperçut son jeune frère, Léonidas.

— Yvi !

Il se leva d’un bond de sa chaise, et courut à toute vitesse vers sa sœur. Ses bras enveloppèrent la taille d’Yvona et elle caressa affectueusement sa tête blonde.

— Salut, toi, répondit-elle doucement.

Son sourire s’élargit d’autant plus lorsque Léonidas la regarda avec son expression malicieuse habituelle. Yvona avait toujours vu son frère comme un mélange entre une tornade, et un soleil, capable de renverser tout sur son passage, mais surtout de la faire sourire rien que par sa présence. Elle l’adorait.

— Léo, reviens travailler.

La voix de leur mère les tira tous deux de leur étreinte. Elle était assise juste à côté de la chaise vide de Léonidas. Un grimoire ouvert devant elle signifiait qu’elle lui enseignait la base de la magie, comme elle avait procédé pour Yvona, et pour son ainé, Adreïs. À la différence de ces deux frères et sœurs, Léonidas ne semblait guère aimer la magie, et la moue boudeuse sur son visage en disait plus que de longs discours. Leur mère, Voxana, lâcha un rire amusé devant la scène faite par son dernier. Son menton prit appui dans sa paume ouverte, son bras reposant sur la table, et les regardait tous les deux. Yvona ressemblait fortement à elle, c’est ce qu’on lui avait toujours dit : les cheveux blonds, quasiment blancs, la peau pâle, les yeux d’un bleu profond ; même ses compétences innées pour la magie trouvaient écho à celles de sa mère, la puissante mage de la Triade. Et plus elle grandissait, plus la ressemblance s’accentuait.

— Léo, reprit Voxana, travaille un peu, et tu pourras jouer autant que tu le désires.

— Je ne veux pas devenir mage, marmonna-t-il.

— Tu devras aller à l’académie, mais tu pourras devenir ce que tu veux après. Yvona, pourrais-tu m’aider ?

— Bien sûr !

Yvona adorait enseigner à son frère. Lorsqu’elle s’occupait de lui, il essayait toujours de l’écouter et de travailler. Léonidas ne désirait pas rejoindre l’académie, et il le clamait haut et fort, mais malgré son jeune âge, il parvenait à comprendre qu’il devait maîtriser ses pouvoirs, pour le bien de tous. Et même si ces derniers ne s’étaient pas manifestés, tout le monde dans la famille savait que c’était qu’une question de temps. Léonidas traîna des pieds, mais reprit sa place, entre sa mère et sa sœur.

— Yvona, intervint Voxana, j’espère que tu n’as pas oublié le repas de ce soir. Ta grand-mère viendra aussi.

— Oui, répondit Yvona en regardant le grimoire. Je serais là.

— Tant mieux. Je sais qu’elle veut te féliciter en personne pour ta confirmation. C’est normal. Tu dépasses toutes nos espérances. Je suis fier de toi.

Yvona sourit largement à Voxana et sentit une douce chaleur envelopper son cœur, tandis que sa poitrine se gonflait de fierté.

— Merci, mère.

***

— Johan ! Viens m’aider avec le bois !

Johan soupira longuement, et ferma son carnet de croquis. Il le rangea avec ses crayons dans sa besace et se leva. Il prit un instant pour étirer ses muscles endoloris et d’un pas las, il se dirigea vers sa maison. Il avait affreusement mal dormi, et tout son corps hurlait sous le poids des courbatures. Il grimaça en songeant aux bûches qu’il allait devoir porter avec son père. Ce dernier le regardait, les mains sur les hanches, et le sourire amusé. Son père ne possédait rien en commun avec lui. C’était une force de la nature, petit, trapu, et la peau marquée par le soleil, et les années de labeurs dans les champs. Johan partageait cependant ses cheveux noir corbeau, et ses yeux sombres, pour le reste, Johan s’était toujours sentie plus proche de sa mère. Rêveur comme elle, il adorait passer du temps à l’ombre des arbres pour dessiner. Et en raison de sa frêle carrure, il détestait devoir aider son père pour les tâches manuelles. Ce dernier le savait.

— Ne soupire pas Johan, lâcha-t-il dans un rire grave, ta mère sera bientôt de retour, et elle sera heureuse qu’on ait amené quelques bûches pour allumer un feu.

— J’ai mal partout, gémit-il.

— Un peu de travail te fera du bien alors.

Il ponctua sa phrase par une forte tape dans le dos, et Johan jura que certains de ses os s’étaient déplacés. En traînant des pieds, il ramassa quelques bûches et les amena à l’intérieur. Lorsqu’il finit sa tâche, il s’écroula sur une chaise, les courbatures s’étaient amplifiées.

— Tu sais mon garçon, reprit son père, ce n’est pas en restant assis la journée sous tes arbres que tu vas gagner ta vie.

— J’ai encore le temps d’y penser, répondit-il. Et je ne suis pas doué pour le reste.

— Tu devrais au moins parler aux autres gens du village. Et pourquoi ne vas-tu pas visiter la capitale ? Tu pourrais trouver un travail qui te correspond mieux.

Johan avait songé plusieurs fois à se rendre à la capitale de Méridie, Amerion. Là-bas, il pourrait devenir apprenti, peut-être pour être commerçant. Mais il avait du mal à quitter son hameau, et surtout ses parents. Son père s’approcha de lui, et lui donna un petit coup de coude en riant.

— Et qui sait, tu pourrais trouver une jolie fille.

Johan leva les yeux au ciel, et fort heureusement pour lui, la lumière avait dû entendre ses prières. La porte de la maison s’ouvrit, et sa mère entra, portant avec elle un panier rempli de diverses victuailles.

— Archibald, souffla-t-elle. Laisse Johan un peu tranquille.

Son père rit de nouveau et haussa innocemment les épaules. Il se précipita pour aider sa femme, et tout le monde s’attela à préparer le déjeuner. Alors que Johan s’appliquait à couper correctement les carottes, ses parents discutaient de tout et de rien.

— Alice, tu as mis plus de temps que d’habitude, remarqua son père. Une raison ?

— L’inquisition, répondit sa mère dans un soupir. Apparemment, des mages se trouvent dans le coin. Ils ont tous remué, mais ils les ont eus. Mais, à cause des barrages en place, j’ai mis plus de temps pour rejoindre la ville.

— Bénie soit la lumière ! s’exclama Archibald. Qui sait ce que ces démons auraient pu nous faire ? Heureusement que l’inquisition veille au grain.

— Oui, reprit Alice. On se sent tellement plus en sécurité quand ils patrouillent. Si seulement ces satanés mages pouvaient tous partir à Ignis et nous laisser tranquilles ! Ce n’est pas chez eux ici.

Archibald huma en signe d’accord et finit de couper la viande. Il planta son hachoir dans la planche sanguinolente où gisait le filet de bœuf et regarda Johan. Son air sérieux le déconcerta, et il dut poser son couteau pour éviter de se blesser maladroitement.

— N’oublie pas Johan, ne fait jamais confiance aux mages. Peu importe ce qu’ils disent, ce sont des êtres mauvais. Malheureux, certes car ils ne l’ont pas choisi, mais dangereux. Ils peuvent corrompre ton esprit.

— Je sais, répondit Johan.

Il avait passé son enfance à se voir répéter, encore et encore les préceptes de la lumière. Il comprenait, ô combien les mages étaient des créatures viles ! Et que l’Inquisition n’existait que pour les protéger d’eux. Lorsqu’il était plus jeune, Johan avait rêvé de devenir inquisiteur, avant de se rendre compte qu’il n’avait clairement pas la carrure d’un combattant. Mais cela ne l’empêchait pas de suivre les consignes, et conseils de son père, fervent croyant.

— Archibald, intervint sa mère. Il sait déjà tout ça.

— Mieux vaut le lui rappeler, répondit-il. Je ne voudrais pas qu’il arrive malheur à mon unique fils !

— Il ne lui arrivera rien, aie confiance en lui.

— J’ai confiance ! protesta son père. Mais un parent est toujours inquiet pour ses enfants, non ?

Sa mère leva affectueusement les yeux au ciel et continua la préparation du déjeuner. Une dizaine de minutes plus tard, ils furent tous les trois attablés, leur repas fumait devant eux, et ils joignirent les mains.

— Vas-y, Johan, ordonna son père.

Johan prit une grande inspiration et ferma ses paupières.

— Ô lumière bienfaitrice, bénis ce repas et nos vies. Puisses-tu éloigner les ténèbres de ce monde, et préserver la chaleur de notre foyer. Ô lumière bienfaitrice, repousse les démons à nos portes et à nos cœurs, et qu’en ton sein nous soyons choyés pour le reste de notre vie.

Sur ces paroles, il ouvrit les yeux de nouveau et commença son repas, entouré des personnes les plus importantes dans sa vie.

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