Putain d'Archibald !

Il va tout faire foirer. J'ai dû m'échapper à cause de lui. J'avais pourtant mis le doigt sur ce que nous cherchions depuis longtemps. Il va falloir que j'y retourne. Au moins, j'ai repris la main sur la situation.

Il peut bien se démener, on ne rentrera pas en France, je suis chargé de la vengeance et j'irai jusqu'au bout. C'est le contrat.

Raah, et Cyrielle qui fait des siennes ! Merde, j'ai jamais su lui dire non.

— Ma puce, calme-toi, je suis là.

— Tu devais rester à côté de moi ! Pourquoi tu m'as laissé toute seule ? C'était long ! Trop long ! J'ai... J'ai eu peur, articule-t-elle entre deux sanglots.

— Je suis désolé, je ne voulais pas t'inquiéter. Tu sais que l'on m'a confié une mission importante, je ne peux pas lâcher avant d'avoir atteint l'objectif. Je t'ai promis de veiller sur toi. Plus personne ne te fera du mal, mais pour ça j'ai encore beaucoup de travail. Je suis là maintenant.

Je sens ses pleurs se tarir à mesure qu'elle se sent rassurée. La pauvre, je suis bien conscient du fardeau qui lui est imposé. Mais avons-nous vraiment le choix ? Nos rôles sont écrits de longue date, comment terminer autrement cette histoire qu'en mettant un terme à l'existence de ces tourmenteurs.

Cette idée me fait sortir les crocs, comme si une bête sauvage se libérait de ses chaînes pour fondre sur sa proie. Je sens la tension de mes muscles, l'urgence de passer à l'action. Je dois les traquer, les acculer, les exterminer. Cyrielle sera protégée et nous pourrons vivre en paix. Nous serons tous libres, c'est notre croyance, ce qui nous rattache à la vie.

—Tu... Tu restes avec moi maintenant ? On joue ensemble ?

Je suis tiraillée entre l'appel du prédateur et celui du protecteur. J'ai l'impression que ma tête va imploser. Le mieux est encore de temporiser.

— On va jouer ensemble et après, je retourne à mon travail. Il faudra que tu sois patiente. Je peux compter sur toi ?

Je la sens réfléchir, hésiter, sous-peser chacun de mes mots. Elle est comme ça Cyrielle, les émotions déferlent avec puissance à la manière d'un nourrisson et pourtant chaque pensée est mesurée, réfléchie. J'ai beau avoir conscience qu'elle a grandi trop vite, que les expériences endurées l'on forcée à mûrir bien plus rapidement que les enfants de son âge, je suis admiratif de sa faculté à raisonner.

Réconfortée, la fillette accepte quelques passes puis une partie d'échec.

Mon cœur se déchire face au poids qu'elle porte sur ses frêles épaules mais je dois y retourner. Il faut que j'inspecte la pièce et que je trouve les noms des responsables. Il y a fort à parier que les informations sont là-bas. Je suis près du but, je le sens. Mon démon intérieur hume l'air et frétille de la traque imminente.

Je dépose un baiser sur la joue de Cyrielle.

— Encore un peu de patience, j'aurai bientôt retrouver les coupables. Et alors Bastien pourra reprendre les rênes et je resterai à tes côtés. Veux-tu que je demande à Archibald de garder un œil sur toi ?

Sa voix boudeuse me répond :

— Mmm, je préfère être avec toi. Archy ne pense qu'à Bastien. Il est jamais vraiment avec moi.

— Je sais ma puce, il fera plus attention.

— D'accord. Mais reviens vite. Je serai sage avec Archy.

J'ébouriffe sa courte tignasse blonde.

— Je te fais confiance. Reste à l'abri, je serai bientôt de retour promis, mon oiseau chéri.

Son rire s'élève et emplit l'air, on dirait un ange. Elle m'offre ses éclats de rire chaque fois que je lui dépose ces mots, notre petit rituel avant que je ne la quitte afin de poursuivre ma mission. L'écho de sa gaieté m'accompagne alors que je m'éloigne de notre refuge.

La bête est lâchée, prête à fondre sur ses proies.