J'ai passé la nuit à demi-éveillé, à demi-endormi. Des voix ont flotté autour de moi, par intermittence. Certaines m'appelaient, une autre se préoccupait de mon bien-être, une voix enfantine sanglotait, une jeune fille riait aux éclats. Archy est resté toute la nuit à me consoler, celui que je croyais être mon ange gardien, en réalité une part de moi.

Les rayons du soleil sur ma peau me forcent au réveil. Le sommeil me fuit alors autant faire quelque chose plutôt que rester prostré sur le lit. J'ai voulu savoir, je dois accepter la réalité. Mais qui sont-ils, ces "alters" qui partagent ma conscience ? Combien sont-ils ? Que font-ils quand je ne suis pas là ?

J'essaie de voir le verre à moitié plein : au moins je n'ai pas de maladie grave et j'ai appris qu'Archy était le protecteur. Il m'a expliqué que certains ont des rôles dans le système, le sien c'est de me protéger. Il est donc bien mon ange gardien, en un sens. Je sens qu'il en connaît d'autres, mais il n'a rien voulu me dire. Peut-être que ce serait trop d'un coup...

J'ouvre ma paume pour y trouver la carte de visite de l'hypnothérapeute : Ryô Toku. Il a griffonné un jour et une heure : samedi 26 mars à dix heures. Je me roule sur le matelas pour attraper mon téléphone : neuf heures quarante.

La peur d'être en retard me donne le coup de fouet. Je file sous la douche, m'habille et file au rendez-vous.

— Ohayo.

J'ai encore du mal à me faire au japonais mais mon corps interprète tout seul. La suite est fluide.

— Par où souhaitez-vous commencer ?

— Je voudrais parler à celui qui est venu vous voir.

— Avant toute chose, je dois vous préciser son rôle. Il est le persécuteur. Afin de protéger l'intégrité physique et mentale du système, il prend le contrôle pour éviter des situations dangereuses et retourne la punition contre le corps de la famille.

— C'est-à-dire ?

— Il a tendance à l'automutilation ou des conduites de trouble alimentaire pour prévenir une attaque extérieure.

— C'est pas un peu tordu comme procédé ?

— Disons qu'il est habité par le modèle de celui ou de ceux qui vous ont fait souffrir et tend à reproduire ces comportements inadaptés.

— Mais j'ai déjà un protecteur. Alors autant se séparer de ce... persécuteur !

— Ce n'est pas si simple, vous ne pouvez pas vous séparer d'un alter. Au mieux, l'ignorer, mais cela peut engendrer des souffrances et aggraver des conduites addictives ou des crises d'angoisse. Il est préférable de dialoguer et de trouver des compromis, comme dans une vie en communauté. Je suis ravi d'entendre que vous avez rencontré votre protecteur. Qui est-il ?

— Archy. En fait, j'ai toujours eu conscience d'Archy mais je le voyais comme un ange gardien. Enfin, au bout du compte c'est ce qu'il est. Il me dit qu'il aime ce rôle.

— Je vais vous mettre en état d'hypnose pour accéder à Oswaldeuh et vous permettre d'interagir avec lui. Êtes-vous prêt ?

— Oui.

— Alors, suivez ma voix.