Déesse de l'aube
Quand s'éteint la nuit,
La pâle Eos, aux doigts de rose
Et aux paupières de neige,
Monte sur son char de pourpre
Porter aux hommes
Les premières lueurs du jour.
Son fier attelage
De chevaux couleur safran
Court avec le vent,
Danse dans les nuages,
Et traverse les airs
Que rien ne frelate.
Plus bas les hommes se battent
Ignorant que dans les nues
Pareille féérie,
Pareille danse ingénue
Depuis toujours se déroule
Comme une fuite éperdue.
Soudain de la plaine
Couverte de mourants
Provient l'appel suppliant
D'un soldat frappé
D'une flèche dans le flanc,
D'une autre dans l'aine.
Il hurle sa douleur,
Il hurle sa peine.
La déesse qui l'entend
Doucement se laisse choir
Sur la plaine humide et rougie
Du sang des soldats.
Qui es tu ?
Lui demande l'homme mortel,
Je suis Eos, fille des Titans,
Je suis l'Aurore,
Avec ma torche, je porte aux hommes
Les premières lueurs du jour.
Eos, le jour s'éteint pour moi
Répond l'homme mortel.
Je vais mourir aujourd'hui.
Tu n'es point l'aurore
Mais le crépuscule,
Tu m'apportes la nuit.
Je vais partir,
Répète le soldat mourant.
Pourquoi telle destinée ?
Pourquoi pareille malédiction ?
Pourquoi les dieux éternels
Ont-ils faits les hommes mortels ?
Tu te dis maudit homme
Parce que mortel.
Et moi, ne suis-je pas maudite
D'être immortelle ?
Une vie éphémère a plus de sens
Qu'un éternel ennui.
Le soldat ferme les yeux,
Il sourit.
Il sait désormais
Que les hommes sont faits
Pour que les dieux
Trompent leur ennui.
Annotations
Versions