Le coup de grâce

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    Après cette fameuse soirée le petit couple Will et Zach éclata.  Chacun reprochait à l’autre son comportement débridé de la nuit passée. 


    William se retrouvant seul en profita pour transformer de nouveau son spleen en une puissance créatrice. D’après la rumeur, il en aurait profité pour écrire une suite à son précédent roman.


    Apprenant la nouvelle, Valentin frémissait d’avance du résultat. Nul doute qu’il n’aurait pas le beau rôle dans ce nouvel opus. Et cette fois, il ne fallait plus compter sur William pour démentir les détails un peu trop gênants. Au contraire, il imaginait que l’écrivain en rajouterait dans la noirceur pour se venger de lui. Après un moment d’hésitation, il songea qu’il était peut-être temps de prendre les devants et de tout raconter à son compagnon.


    Il profita d’un soir où Tom était de bonne humeur pour se lancer. Cependant, même largement romancée et édulcorée, la version de Valentin avait horrifié son petit ami. Il était atterré par le comportement manipulateur et les mensonges du jeune homme. Il se faisait à l’instant l’impression d’avoir devant lui une sorte de Mme Merteuil tout droit sortie d’un roman libertin du 18ème siècle.


    Sans en parler à Valentin, Tom demanda une entrevue à William. Les deux amis de longues dates ne s’étaient pas revus depuis cette soirée épique. Et bien que très occupé par la rédaction de son nouveau livre, William pensa que cet entretien pourrait apporter un éclairage sur l’attitude de Valentin et il y consentit. 


    Le créateur souhaitait en savoir plus sur ce qui avait motivé le pervers duel amoureux qu’il avait engagé avec son compagnon. William lui conta sa version. Elle était brute et sans fioritures. Tom n’en revenait pas. Valentin était un monstre. Il quitta son ami comme assommé. 


    Lors de son retour à l’appartement, Tom était furieux et bien décidé à rompre mais il ne trouva pas Valentin. Lorsque ce dernier réapparut, il comprit à son tour que tout était fini en voyant toutes ses affaires rangées dans plusieurs sacs qui trônaient devant la porte d’entrée. Il en conclut que William avait marqué un coup fatal et que la décision de Tom était irrévocable.


    Calmement, il appela donc un taxi et prit une chambre d’hôtel. 


    Là, se regardant dans une glace, il hésita. Bien qu’il fut largement tenté de tout arrêter, il se ravisa car il n’avait pas dit son dernier mot. En fait, il estima qu’il était temps d’abattre sa toute dernière carte. Il se rendit donc à son tour chez William. Ce dernier hésita à lui ouvrir sa porte mais il se douta qu’il venait pour lui confirmer la nouvelle de sa victoire totale. Il ne pouvait se refuser ce plaisir et le laissa entrer. 


    Cependant, au lieu de trouver un jeune homme furieux ou abattu,  il constata qu’il était certes pale mais, toujours aussi déterminé. 


    - Désolé de te déranger William mais, je voulais juste te remercier pour ton aide dans ma rupture avec Tom. Franchement, je ne savais plus quoi imaginer pour le larguer sans le faire souffrir. Et là, tu m’as rendu une fière chandelle. 

    - Euh…mais…de rien.

    - Sinon, je voulais juste t’informer que je publie avec Zach cette biographie non autorisée de ta personne et je souhaitais, par politesse, t’en donner un exemplaire…

    - Mais… quand…Quand  avez-vous écrit ça ? 

    - Cela fait des mois que nous y travaillons. Tu verras c’est très documenté et à la fin il y a plein de petits détails croustillants et inédits.


    Devant le regard abasourdi de l’écrivain, il conclut : 

    - Je pense que cette fois c’est « échec et mat », non ?


    Après cette conclusion inattendue, William resta totalement sonné. Alors que Valentin était déjà loin, il poussa des hurlements de colère le vouant aux gémonies.

    Plus tard, tentant de porter un regard objectif sur la situation, il se mit à rire nerveusement. Il était le dindon d’une farce totalement préméditée. Il comprit que Valentin et Zach se connaissaient probablement depuis longtemps. Ils avaient dû se lier à l’université et étaient sans nul doute plus que de simples amis. 

    Pour en avoir le cœur net, il parcourut brièvement le livre et reconnut par moment le style flamboyant de Valentin qui se détachait des analyses littéraires plus académiques de son ancien compagnon. La fin brossait notamment un tableau particulièrement acide du milieu artistico-intellectuel américain et semblait sonner la charge d’un mouvement de révolte d’une jeunesse à la recherche d’un autre idéal artistique.

    Bien que William essaya de faire interdire la biographie en question, cette publicité involontaire confirma les propos du livre et en fit un succès publique et critique. Lorsque le romancier publia son deuxième opus sur son histoire d’amour avec Valentin, ses propos assassins contre le jeune homme furent jugés alors comme ceux d’un amoureux éconduit amère, jaloux et seulement motivé par une basse vengeance. Le jeune homme l’avait emporté dans toutes les largeurs.


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