3 - Le Souffle des Pierres

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Dans l'ombre verdoyante de la forêt de Vélinébra, où les murmures des vieux arbres portaient les secrets des âges, le groupe avançait, enveloppé dans un halo de légendes perdues. Les feuilles susurraient sous leurs bottes des récits impalpables, alors qu'ils s'enfonçaient plus profondément dans le sanctuaire de la nature.

Bram, son pas robuste résonnant contre le sol tapissé de mousse, rompit le silence de leur marche par une voix teintée de révérence et de mystère.

"Entendez-vous, mes compagnons, le chant des cailloux sous nos pieds ?" commença-t-il, les yeux brillants d'un savoir ancestral. "C'est l'écho de Rocara, dieu oublié, qui autrefois a sculpté ces paysages. Les chroniques de ma lignée chantent qu'il repose désormais dans les entrailles de la terre, attendant l'heure prophétique de son réveil."

Lyrielle, d'une démarche légère, observa les alentours avec un mélange de scepticisme et de curiosité. "Ces vieilles croyances," soupira-t-elle, "ne sont souvent que des histoires pour endormir les enfants. Les vrais pouvoirs résident ailleurs, non dans les contes."

Jorn réfléchit un instant avant de répondre, "Peut-être que ces récits recèlent plus de vérité que tu ne le penses, Lyrielle. Mais Rocara, je n'ai jamais entendu personne évoquer une telle divinité. Un faux dieu, peut-être ?"

Bram, un sourire énigmatique aux lèvres, ajouta : "Qui sait ? Notre Rocara partage possiblement des liens avec Shiruul ici. Après tout, il est un élémentaire, une incarnation de l'eau, non ?"

À ces mots, Shiruul, d'ordinaire si retenu, laissa transparaître son inquiétude. "Nous autres élémentaires sommes liés aux puissances primordiales," dit-il d'un timbre doux, "mais la pierre est un domaine étranger à mon essence. Cependant, les mystères de la nature sont nombreux, et qui sommes-nous pour en limiter les expressions ?"

Alors qu'ils progressaient, ils pénétrèrent dans une clairière où les rayons du soleil filtraient à travers le dôme végétal.

Brusquement, le monde se mit à trembler et un grondement sourd remonta des tréfonds. Des rochers, comme attirés par une volonté ancienne, s'aggloméraient en une forme massive et majestueuse.

La figure qui se dressait devant eux était un monument de la nature, une fusion de granit et de mousse, son corps une tapisserie de la terre elle-même. Ce colosse, d’une hauteur impressionnante, était une incarnation de la force tellurique. Son être était parcouru de runes antiques gravées viscéralement dans sa peau minérale. Ces symboles immémoriaux, luisaient d'un bleu doux et surnaturel, pulsant au rythme d'une magie cachée dans les profondeurs du marbre, chaque battement émettant des vagues d'énergie qui faisaient vibrer l'air alentour.

Par un mouvement à la fois fluide et puissant, il se mit en action. Son poing, similaire à un monolithe millénaire, se leva lentement puis s'abattit avec une vitesse surprenante.

Par un réflexe presque instinctif, Jorn leva la main en avant. De ses doigts, un voile lumineux jaillit, enveloppant le groupe. Le coup s'écrasa contre la barrière, dissipant une partie de son sortilège, protégeant ainsi ses compagnons d'un impact dévastateur.

Lyrielle, saisissant ce moment, lança une incantation, produisant un froid mordant qui enveloppait les membres du géant. Des filaments de glace rampaient le long de ses articulations rocheuses, cherchant à entraver ses mouvements.

À ses côtés, Bram, solidement ancré au sol, poussait un rugissement sauvage, résonnant comme un appel au courage. Dans un élan de bravoure, il se précipitait vers son ennemi, sa hache en main, une étincelle de défi à l’intérieur de ses yeux. Il cherchait à attirer son attention, offrant une cible facile en apparence.

Shiruul, quant à lui, se mouvait avec une aisance surnaturelle. Ses mouvements étaient ceux d'une rivière, fluides et imprévisibles. Il glissait autour du golem, frappant avec une grâce liquide, ses coups ciblant les points où la roche se rencontrait, cherchant à affaiblir la structure massive. Guidé par son ardeur, il révéla, sans le savoir, une lueur timide sous l'épaisse carapace du titan.

Aussitôt, une aura lourde et oppressante de gravité émana du monstre de roc, une force invisible qui attirait inexorablement les héros vers le sol, les alourdissant comme s'ils étaient faits de plomb.

De sa silhouette imposante s’échappa un son grave et guttural, un grondement rocailleux qui semblait émerger directement du centre de la terre. Sa voix, si elle pouvait être ainsi nommée, était un mélange de crépitements et de ronflements, comme si les pierres elles-mêmes formaient des mots à travers lui. Les syllabes, étranges et ancestrales, formaient un dialecte inconnu évoquant des langues oubliées, sculptées par les éons et le passage implacable du temps.

"Graa-koruuun... Thalaa-morrr... Eshun-naii..." chantonnait-il dans des paroles incompréhensibles, ses sonorités résonnant tel des bruits d’un passé lointain et perdu, porteurs de secrets enfouis depuis longtemps.

Alors qu'il luttait pour se maintenir face à la force oppressante du géant, Bram, avec une perspicacité aiguisée par les batailles passées, pointa vers un éclat discret sur le torse de la créature. Là, à peine visible, brillait un cristal énigmatique. "Le Cœur de Rocara," hurla-t-il, son cri luttant pour se frayer un chemin à travers le tumulte de la bataille. "C'est notre clé !"

Lyrielle, réagissant avec une rapidité surprenante malgré la pression écrasante, éleva ses mains. Murmurant des incantations elfiques, elle invoqua un sort qui souleva Jorn au-dessus du sol en dépit de l'attraction gravitationnelle de l’émanation tellurique. Flottant dans les airs, il s'avançait vers le monstre, léger et libre malgré la pression invisible qui l'entourait.

Shiruul, concentré et imperturbable, invoqua les eaux cachées de la forêt, créant un mur ondoyant qui se dressait entre eux et la sentinelle. Les projectiles de pierre lancés par l'adversaire s'écrasaient contre cette barrière aquatique, se désintégrant en un rideau de gouttelettes, donnant à Jorn le temps précieux de progresser vers son objectif.

Bram, malgré la difficulté à se mouvoir, lança sa hache d'un geste vif et calculé. L'impact, puissant et précis, ébrécha la surface de ce qui s’avérait être le point vital de la créature, créant une faille au sein de son armure impénétrable.

Jorn, maintenant proche du torse colossal, fit appel à la protection de Luminael. Une magie l'entoura, formant un bouclier qui déviait les attaques résiduelles et les débris qui parvenaient à franchir les défenses de Shiruul.

Lorsqu’il saisit le cristal, une onde de calme se propagea. Le golem s'immobilisa, l’illumination de ses runes se dissipant dans un bruissement de poussière. Ses yeux s'éteignirent, laissant place à l’obscurité.

Dans un dernier souffle, il gronda, émanant des abîmes du temps, une énigme façonnée en syllabes anciennes et inconnues. "Ignaar-yn... Ignaar-yn... zharaa-harat... profunda... zahaa-rath... Ignaar-yn… Ignaar-yn… Kraa-veluum... eshuun-narai... zahaa-rath... Ignaar-yn... thalass-uum..."

Au fur et à mesure de cette litanie, l'air autour de Jorn commença à se rafraîchir. Ignaar-yn et zahaa-rath étaient les seules pierres familières auxquelles se rattacher dans le fleuve rapide de l'obscur langage du périclitant.

Se retournant vers ses compagnons, Jorn découvrit qu'ils avaient disparu. Seul au milieu de cette clairière, le froid le gagna, saisissant son cœur d'une étreinte gelée. Sa main, qui tenait le cristal, était figée, engourdie par une froideur pénétrante. C'est alors qu’il sentit comme deux serres de glace s'agrippaient à ses cuisses.

Baissant son regard, Jorn fut saisi par la vision d'une apparition céleste émergeant du sol qui tenait ses jambes. Il reconnut l'avatar de Noctura. Son corps, transparent, laissait voir à travers elle le firmament étoilé, un panorama infini d'espace. "Jorn, élu des cieux, écoute la voix de la nuit," chuchota-t-elle au travers d'échos éthérés. "Si tu faiblis, si tu te détournes, la lumière de ma sœur… Elle se perdra au fond des abysses du néant, un astre mourant dans un ciel abandonné."

Alors que l'effigie de la nuit commençait à se dissoudre, Jorn perçut la trame de son rêve se délier. La réalité semblait fondre et s'évaporer. Les arbres de la forêt, qui étaient jusqu'alors clairs et précis, se transformaient en esquisses vaporeuses, des ombres flottant dans l'entre-deux du sommeil et de l'éveil.

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