Menteuse

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Avec le soutien de  Taylor Hide, Véro  
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Devant l’enclos du zoo, le jeune garçon riait sous ses joues rouges caressées par la brise d’été. Il pointait son doigt moqueur vers la Tortue prisonnière.

— Pourquoi ris-tu, gamin ? l’interpella-t-elle.

— Tu n’es pas très belle, Tortue. Ta tête est minuscule, et qu’est-ce que c’est que ce bec ?

— Ma grand-mère était un perroquet, alors un peu de respect. Et puis, ce n’est pas très gentil ce que tu me dis ! s’indigna la Tortue.

— Je te demande pardon, Tortue. Si j’avais su !

— Maintenant tu sais, je suis ravie de t’apprendre la vie.

— La vie ? Que sais-tu de la vie, toi qui as grandi ici ?

— Grandi ici ? J’ai parcouru le monde, petit. Si tu regardes à l’entrée, il n’est pas écrit « élevée en captivité ». J’ai fait mille choses, et en ai admiré encore plus.

— Qu’as-tu fait d’incroyable ? s’enquit le garçon, intrigué.

— J’ai battu un lièvre à la course.

— Menteuse !! S’exclama l’enfant, contrarié qu’on essaye de le berner.

— Je ne mens jamais, j’ai fait mille choses et en ai admiré encore plus. Et j’ai battu un lièvre à la course.

— Qu’as-tu vu de plus que mes jeunes yeux ?

La Tortue se creusa la tête, cherchant une histoire qui en jette. Essayant d’épater le gamin, elle se lança dans son habituel refrain :

— J’ai connu la première girafe, moi, déclara pompeusement la Tortue.

— C’est que tu dois être très vieille alors ! ricana le garçon.

— Oh !! s’offusqua-t-elle.

— Quel âge as-tu, Tortue ?

— Mais voyons, ne sais-tu pas que c’est impoli de demander l’âge d’une femme ?

— Enfin, voyons, tu n’es pas une femme, tu es une tortue, Tortue !

— Je reste une femme. Que cela te plaise ou non.

— Parle moi de la girafe, s’il te plait.

— Elle était orpheline. C’est Janie qui l’avait trouvé dans un fourré, un chaud matin d’été. Ou était-ce un froid matin d’hiver ?

— Janie ?

— Janie, l’Autruche, une vieille copine. Elle était jeune à l’époque, bien entendu.

— Je t’en prie, continue.

— Janie l’avait trouvé, donc, dans un fourré, peut-être en été. Elle l’a porté sur son dos jusqu’à chez moi, elle a sonné et heureusement, j’étais là. Je dis « heureusement », mais pour tout te dire, je suis toujours chez moi, parce que tu vois, je suis une tortue, c’est comme ça.

— Tu t’égares, Tortue.

— Pardon, pardon. Elle m’a donc apporté ce bébé à peine potelé et l’a déposé sous mon nez. Après l’avoir étudié, nous avions décidé de retrouver son foyer. Nous sommes allés rencontrer Hernie l’Okapi. Vois-tu, quand je l’ai connu, la girafe avait un cou à peine plus grand que le tien et ce bébé aurait alors très bien pu être le sien.

— Jure ?? s’étonna le garçon, posant son petit menton au bord de l’enclos.

— Juré. Mais Hernie, ce vieil Okapi, m’a soutenu mordicus qu’il n’en savait pas plus. Cet enfant n’était pas un okapi, en effet, il n’avait pas le bon coloris.

— Qu’avez-vous fait ensuite, Tortue ?

— Nous avons fait le tour du voisinage, mais personne ne reconnaissait ce pelage. Janie l’a donc élevé, comme si elle l’avait enfanté puisque personne n’en voulait.

— Ça n’a pas dû être facile pour la girafe, d’être différente, commenta l’enfant d’un air grave.

— Oh ça non, une vraie histoire de vilain petit canard. Les autruches lui avaient fait croire qu’elle devait enfouir sa tête dans le sol en cas de bémol. Bien sur l’histoire était fausse.

— Ce n’est pas gentil, à eux aussi tu leur as appris la vie ?

— Malheureusement non, mais écoute un peu la suite de son évolution. Un soir de printemps, tandis qu’Aglaé, jeune lionne, se promenait dans les champs…

— Les champs ? L’interrompit le garçon. Il n’y a pas lion dans les champs, Tortue !

— C’est pour la rime, petit, ce n’est pas gravissime.

— Tu en as loupé quelques-unes…

— Ne sois pas pinailleur, j’y mets tout mon cœur ! Où en étais-je ?

— À la lionne, Tortue.

— Oui, la lionne, c’est vrai, Aglaé se baladait. La pauvre effraya la girafe sans vraiment faire gaffe. Cette dernière courut, et plongea sa tête dans le premier trou venu. Malheureusement sa tête resta coincée dans cette ouverture mal agencée. Il fallut des heures à tous les animaux de la vallée pour la sortir de ce pétrin dans lequel elle s’était fourrée ! A force de tirer, son cou, petit à petit, s’est allongé !

— T’es sûre que ça s’est passé comme ça, Tortue ? l’interrogea l’enfant dubitatif.

— Croix de bras, croix de mer, ce n’est pas aujourd’hui que j’irai en enfer.

Le garçon planta ses yeux dans ceux de la Tortue, tentant de démêler le vrai du faux dans cette histoire inattendue. Concentré pour découvrir la vérité, derrière ses petits yeux plissés, l’enfant pesait le pour et le contre lorsqu’une femme aux lèvres rieuses l’attrapa soudainement par la main.

— Allez viens, Khalid. Allons voir les autres animaux. Elle n’est pas bien passionnante à regarder cette vieille tortue !

Khalid suivit sa mère, jetant un regard en arrière. Si seulement elle savait, tout ce que dans sa vie la Tortue avait fait.

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En réponse au défi

Conte des origines

Lancé par Véro

Allez, je me lance ! :) Jusqu'ici, j'ai participé à beaucoup de défis, mais je n'en ai jamais proposé.

Pour mon premier défi, je vous propose d'écrire un conte des origines. Qu'est-ce donc ? Eh bien, il s'agit de s'inspirer des contes de Rudyard Kipling pour expliquer l'origine de la particularité physique d'un animal. Par exemple, un de ces contes explique comment l'éléphant a eu sa trompe. Voici le lien si vous voulez aller y jeter un oeil :

http://kiplinginfrench.free.fr/HCC05.html

Donc, pour résumer : il s'agit d'écrire un conte à la façon de Kipling, afin de trouver une explication farfelue à une particularité bien réelle d'un animal.

A vos plumes ! :)

Commentaires & Discussions

MenteuseChapitre7 messages | 4 ans

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