Chapitre 5

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Je suis immédiatement happée par le joyeux tohu bohu de la rue de Belleville. Des gens attendent devant les restaurants asiatiques, la circulation est dense, des voitures sont garées en double file, d’autres klaxonnent, des scooters descendent la rue à toute allure, des piétons traversent de façon anarchique et un groupe de rock joue dans le bar PMU d’en face, une reprise de Billy Idol « Flesh for fantasy ».

Habituellement, j’aime cette animation, mais à cet instant précis le bruit et cette agitation m’agressent. Je veux retrouver la tranquillité de mon appartement, être dans ma bulle pour pouvoir réfléchir tranquillement aux événements de la soirée.

Je vacille légèrement. Grégoire le remarque et me prend le bras pour me retenir, je me dégage légèrement

- J’habite en face, tu peux rentrer, ça va mieux. Et bien merci pour tout, bonne soirée.

Son visage se fige, je m’apprête à traverser la rue quand sa main me retient.

- Attend Constance, un instant. Tu es sûre que tu te sens mieux ? Tu es encore si pâle, je vais t’acheter quelque chose à manger. Rentre chez toi, j’arrive.

- Non je t’assure, je vais très bien. Il est tard, j’ai déjà largement abusé de ton temps.

Mes paroles ne semblent pas l’atteindre


- Donne-moi mes tes codes, s’il te plait

Je capitule :

- 484848, fond de cour, à la porte, c’est interphone Monceau, puis c’est au 1er étage.

La porte de mon immeuble est à peine fermée que je retrouve un peu de calme. Je suis toujours frappée par le contraste qui existe entre cette cour si paisible et la rue de Belleville si bruyante.

Une fois dans mon appartement, je vais dans la salle de bains pour rafraichir mon visage en feu.

Je sens encore ses doigts sur mes lèvres, je me regarde, c’est vrai que je suis d’une extrême pâleur.

En revanche, mes yeux brillent de mille éclats.

Je me dirige vers la chaîne hifi, sélectionne FIP, « L’amour et la violence » de Sébastien Tellier envahit la pièce.

J’ouvre les baies vitrées pour laisser la chaleur de la soirée pénétrer dans mon appartement. J’allume des bougies sur la terrasse, la soirée est tellement propice à un rendez-vous romantique.

« Arrête de t’enflammer, ce soir, ce n’est pas un plan drague. Il te rend juste service en te ramenant à manger. Il est marié. »

Je vais chercher mon chéquier et commence à le remplir quand l’interphone bip.

- 1er étage, porte de gauche. J’entends un coup timide à la porte.

- C’est ouvert, dis-je

Je ne vais pas à sa rencontre mais je perçois instantanément sa présence.
Je le regarde rentrer timidement, tenant des sacs en plastique blancs. Mon cœur bat fortement contre ma poitrine quand il s’approche vers moi.


- J’espère que tu aimes les bo-bum ? me dit-il en souriant
Je lui souris à mon tour.
- Oui beaucoup, merci.

Je détourne immédiatement le regard. Je suis terriblement troublée à cause de la forte attirance que je ressens pour lui.

« Que m’arrive-t-il ? »

Est-ce le morceau de Benjamin Clémentine « I won’t complain » que j’entends au loin, qui me met dans tous mes états ?

Je lui prends les deux sacs. Nos doigts se frôlent, encore ces picotements si troublants. Je le regarde, il plonge ses yeux verts dans les miens. Je dois absolument me reprendre.


- Un seul bo-bum aurait suffit tu sais, je ne suis pas aussi affamée. Je ne pourrais jamais en manger deux.

Il hésite un instant avant de me répondre

- En fait, je pensais te tenir compagnie, si cela ne te dérange pas, bien sûr ?
- Ta conscience professionnelle te perdra, il ne faut pas t’inquiéter, je ne vais pas me laisser mourir de faim.

Il me fixe amusé, j’ajoute aussitôt


- Je vais ouvrir une bouteille, alors. installe-toi sur la terrasse. J’arrive.

Je me dirige vers le frigo pour prendre une bouteille de Vouvray. Mon esprit est en ébullition.


« Pourquoi reste-t-il ? Ne devrait-il pas rentrer rejoindre sa femme ? Je dois certainement lui faire de la peine, et il n’ose pas me laisser seule. Est-ce le genre de médecins qui abusent de ses patientes désespérées ? non impossible, Alain m’a parlé de lui en termes élogieux »

Je le rejoins avec deux verres de vin frais et les plats que j’ai disposé dans des assiettes.

- Ton appartement est très beau, me dit-il en me dévisageant avec une étrange expression puis rajoute d’une voix grave

- Ce quartier regorge décidément de belles surprises.


Je ne sais pas comment comprendre cette dernière remarque.

« Il me drague ou alors je m’emballe ? »

Cet homme me déstabilise, je n’arrive pas à décoder les signaux, en fait, je suis perdue, je connais plus les codes de séduction.

- Tu devrais manger, ça va être froid, dis-je simplement pour cacher mon trouble.

C’est la toute première fois depuis ma séparation qu’un homme rentre chez moi. Quand Nicolas est parti définitivement de la maison, nous avons décidé, pour le bien des enfants que je ne déménagerais pas. Il aurait pu me demander de vendre notre appartement, il ne l’a pas fait. Si en plus de nous avoir abandonné, il avait dû nous jeter dehors, la culpabilité aurait trop forte pour lui.Il sait que je ne pourrais jamais retrouver un endroit aussi spacieux, toute seule avec deux enfants.

En fait, je suis ravie de pouvoir rester ici, même si ce dernier regorge de souvenirs. Nous avons acheté cet appartement et avons fait d’énormes travaux pour le transformer en loft. Au début je ne voulais pas habiter dans ce quartier, je préférais le 9ième arrondissement, mais le marché immobilier m’a vite ramené à la réalité. A Paris, si tu veux une grande surface et si tu n’es pas blindé de tunes, tu achètes dans l’Est Parisien.

Au final, je ne regrette pas du tout notre choix, j’aime mon quartier et sa diversité. Je m’y sens très bien

Nous commençons à manger et j’enchaîne sur de terribles banalités, je ne souhaite pas laisser le silence s’installer

- Depuis que je vis à Belleville, je suis devenue une véritable accro à la cuisine asiatique. Nous mangeons dans les cantines chinoises, au moins une fois par semaine. Les enfants adorent les chips aux crevettes et surtout les nems. Et toi où vis-tu ?

Il se penche pour remplir à nouveau mon verre, son genou frôle le mien, immédiatement ce simple contact me fait perdre le peu de contrôle que j’avais réussi à instaurer. Je remets aussitôt une distance physique entre nous.

- A Versailles.
- Ah ? et bien, tu es bien loin de Versailles ici. Ça doit te changer.

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